Ubipharm : Distribution de Produits Pharmaceutiques en Afrique Noire Francophone

Gérard Mangoua dresse un bilan du secteur de la distribution de médicaments en Afrique, et nous parle des défis qu’il doit surmonter en tant que Directeur Général d’Ubipharm et PDG de Planet Pharma, mais aussi de ses avantages concurrentiels. Il évoque également ses priorités du moment et partage sa vision pour le futur du secteur et de ses activités.

Interview avec Gérard Mangoua, Directeur Général d’Ubipharm et PDG de Planet Pharma

Gérard Mangoua, Directeur Général d'Ubipharm et PDG de Planet Pharma

Comment évaluez-vous la situation actuelle de votre secteur d’activité en Côte d’Ivoire ?

Nous opérons comme distributeurs de médicaments. Notre rôle est de faire en sorte que les médicaments arrivent aux malades. Or l’Afrique est le continent le moins pourvu en soins de santé, en raison du pouvoir d’achat insuffisant de la population et aux coûts élevés des médicaments. En 25 ans, nous avons réussi à rendre le produit disponible et accessible dans l’ensemble des pays de la zone francophone. Pour ce faire, nous sommes allés chercher des génériques, dont le prix est moitié moins élevé que celui des médicaments classiques importés d’Europe ou d’autres pays occidentaux. Nous occupons actuellement 40 % du marché en Afrique noire francophone, compte tenu du fait que, dans chaque pays, 4 à 5 opérateurs se partagent le marché, et que les investissements nécessaires pour tenir des stocks sur 3 mois sont importants (en Occident, cette durée est réduite à quelques semaines car les fabricants se trouvent sur place). Et nous livrons tous les jours les pharmacies de tous les pays où nous sommes présents, en leur proposant le même prix.

Quels sont les principaux défis que vous rencontrez ?

Notre principal défi consiste à garantir des conditions de conservations idéales pour nos produits sur tout le processus logistique de distribution. Cela suppose une température dirigée dans les containers et dans les magasins. Pour les vaccins, la température doit être comprise entre 2 et 8°C.

Quels sont vos avantages concurrentiels ?

Pour montrer notre détermination en Côte d’Ivoire, nous avons non seulement mis en place de bonnes pratiques de distribution, mais sommes également certifiés ISO 2000. Nous sommes donc reconnus compétents pour la distribution de médicaments à l’échelle internationale.

Nous apportons d’une part cette qualité de distribution, et garantissons d’autre part une traçabilité totale. Dès que le produit est envoyé dans notre bureau d’achat, le laboratoire peut suivre la logistique au jour le jour en se connectant à notre site Internet. Et lorsque le produit est mis en vente, celui-ci peut être informé des unités vendues aux pharmaciens et suivre pas à pas les ventes de son produit. Nous proposons également des avantages aux pharmaciens travaillant avec Ubipharm. Ils bénéficient en effet d’une qualité de service : nous apportons toujours le médicament en temps et en heure. Chaque pharmacien, où qu’il se trouve, est livré au moins une fois par jour, les pharmaciens des capitales étant même livrés deux fois par jour. Pour cela, nous avons mis en place un système de transmission des commandes par Internet, permettant aux pharmaciens d’envoyer ses commandes, préférablement en fin de journée, et de récupérer dès le lendemain matin, dans un sas, les médicaments que nous avons livrés dans la nuit. Nous sommes les seuls à proposer cette solution. Par ailleurs, les retraits de lots ou les réclamations sont traités en ligne grâce à l’information immédiate. Nous organisons alors les retours de médicaments par le biais de nos propres véhicules. Nous octroyons également des facilités aux clients qui s’installent, en leur proposant notamment des stocks de mise en place et des délais de paiement plus avantageux pour leur éviter de recourir immédiatement à leur trésorerie. Enfin, nous offrons des conditions commerciales à tous nos clients pharmaciens.

Quelles sont vos priorités du moment ?

Dans la mesure où nous couvrons désormais la totalité des pays francophones, nous envisageons d’étendre notre savoir-faire à l’Afrique toute entière, comprenant la zone anglophone et la zone lusophone qui sont aujourd’hui plus peuplées que l’Afrique noire francophone. Or, dans ces régions, les pharmaciens ne sont plus les seuls détenteurs et distributeurs des produits, et le médicament est un produit économique comme un autre. Par conséquent, même s’il doit préserver sa qualité et son efficacité, il doit s’adapter dans ces nouvelles zones aux lois du marché, telles que la liberté des prix, la diversité des distributeurs et une monnaie fluctuante (à la différence du franc CFA dans la zone francophone). Pour ajuster notre démarche, nous allons nous tourner vers des partenariats avec des structures spécialisées dans la distribution de médicaments dans ces zones. Nous aurons pour cela besoin de plus de fonds. C’est pourquoi nous avons établi une nouvelle structure, Ubipharm Développement, dont le capital est ouvert aux partenaires financiers du groupe Phoenix avec les fonds du West African Fund Group.

Quelle est votre ambition à cet égard ?

Nous allons commencer par nous tourner vers le Ghana, un pays très proche de la Côte d’Ivoire avec une démographie similaire. Le Ghana est déjà très avancé sur le plan de la vente de médicaments, nous pouvons donc nous inspirer de ce savoir-faire pour nous ouvrir ensuite à des marchés plus importants, notamment en Afrique de l’Est avec des pays comme le Kenya. Puis nous nous intéresserons à d’autres gros marchés, tels que l’Angola et d’autres pays qui sont en train de mettre en place des systèmes de distribution de médicaments adaptés à leur économie. De la même manière que nous l’avons fait en Afrique francophone, nous voulons répondre à un besoin des populations qui est d’avoir facilement accès des produits de qualité.

Vous vous adressez cette fois-ci essentiellement aux distributeurs ?

Absolument. Nous souhaitons d’abord nous associer à des distributeurs. Nous avons construit ce groupe par le biais de notre réseau de détaillants qui sont respectivement rentrés dans le capital du grossiste local. Aujourd’hui, nous allons rencontrer des distributeurs déjà opérationnels et leur faire profiter de notre expérience en matière de logistique et d’informatique et de notre capacité à distribuer des médicaments sur un ensemble de pays.

Et vous n’êtes pas réticents à ouvrir votre capital à un autre type de cible.

Jusqu’à présent, notre cible était l’officine, à savoir le dernier maillon de la chaîne de distribution. Mais nous savons que dans les pays anglophones, les pharmaciens ne sont pas les seuls à distribuer les médicaments. Et nous sommes tout à fait favorables à une participation au capital, et donc aux revenus, de tous ceux qui distribuent directement le médicament au malade.

Quelle est votre situation en ce qui concerne les normes de certification ?

Pour montrer notre détermination en Côte d’Ivoire, nous avons non seulement mis en place de bonnes pratiques de distribution, mais sommes également certifiés ISO 2000. Nous sommes donc reconnus compétents pour la distribution de médicaments à l’échelle internationale. C’est une expertise que nous mettrons au service de tous les autres pays d’Afrique noire francophone et que nous présenterons comme un avantage de poids aux partenaires de la zone anglophone.

Qu’est-ce qui vous différencie ou vous rapproche des autres groupes pharmaceutiques présents en Côte d’Ivoire et dans les autres pays ?

Nous sommes issus du groupe Eurapharma et avons pris notre autonomie en 2000. Notre façon de travailler est donc très proche. Comme lui, nous travaillons dans un respect du médicament, un produit très spécial dans sa distribution, nécessitant de grandes précautions et soumis à toute une réglementation que nous suivons à la lettre. Mais au-delà de ça, nous avons compris qu’il fallait que nous améliorions notre système de service, comme décrit précédemment, pour permettre une livraison en temps et en heure et éviter toute nécessité de stockage chez les pharmaciens. C’est pourquoi nous avons imaginé ce système spécifique des sas et de la transmission des commandes par Internet pour les pharmaciens. Cet outil leur permet aussi d’être informés de tous les nouveaux produits sur le marché et du retour de médicaments après une rupture de stock. Ils ont donc la capacité d’interroger et de communiquer en temps réel avec leur grossiste.

Parlez-nous de la fondation Ubipharm. Quelles sont ses activités ?

Dans le cadre de la fondation, nous essayons d’apporter notre contribution à nos pays africains en voie de développement. Nous intervenons sur des secteurs très spécifiques. Dans le domaine de la santé, nous avons par exemple apporté des solutions en Côte d’Ivoire pour les malades souffrant d’insuffisance rénale et n’ayant pas suffisamment accès aux appareils de soin. Nous avons offert une vingtaine d’appareils et permis ainsi d’augmenter la capacité de soin de 30 %. Par ailleurs, nous avons ouvert une unité de santé au Burkina Faso, composée d’une infirmerie avec logement pour l’infirmier, d’une maternité et d’un puits d’eau. Au Togo, nous avons offerts 20 puits de ce type. L’eau est un élément d’une grande importance dans notre secteur. J’ai moi-même assisté à l’inauguration d’un de ces puits et été témoin du regard de la population qui reflétait leur gratitude. Car même dans les villages relativement bien équipés, avec des maisons en dur et l’électricité, l’approvisionnement en eau n’est parfois pas assuré. Un puits leur permet donc d’avoir accès à l’eau facilement, sans avoir à parcourir de longues distances, ce qui constitue pour eux une avancée immense. Le soutien que nous apportons aux populations par ce biais est pour nous source d’une grande satisfaction. En dehors du secteur de la santé, nous avons aussi ouvert deux salles supplémentaires dans une école de la République du Congo, pour désengorger les classes qui comptent souvent entre 50 et 100 élèves chacune. Et nous avons également aménagé une grande salle de réunion pour permettre l’organisation de manifestations scolaires (comme des pièces de théâtres) et de réunions de parents d’élèves. Chaque année, nous faisons bénéficier deux pays de dons de la fondation.

Quels sont vos objectifs pour Ubipharm pour les 2-3 prochaines années ? Que souhaitez-vous avoir atteint d’ici là ?

En créant la société, nous voulions contribuer au développement des pays africains. La santé et l’éducation sont des priorités et nous avons choisi de nous focaliser sur la santé. Le plus important dans ce domaine était de rendre le médicament disponible et nous y sommes parvenus, puisque, partout où nous sommes présents, tous les villes et villages ont un médicament disponible. Nous nous sommes ensuite concentrés sur l’accessibilité des produits, pour diminuer le prix des médicaments de moitié grâce aux génériques, et sommes actuellement sur la bonne voie. Enfin, nous voulions que les médicaments soient conservés dans des conditions idéales avec des températures dirigées. Nous voulons continuer à être présents dans l’Afrique noire francophone (Côte d’Ivoire, Sénégal, Mali, Niger, Burkina Faso, Togo, Bénin, Congo, Gabon et Cameroun) et étendre notre activité sur d’autres zones africaines. Nous nous sommes déjà tournés vers Madagascar et la Guinée-Conakry, ainsi que vers les DROM (Guyane, Guadeloupe et Martinique), car nous y entretenons des relations historiques et car cela nous permet d’être rapidement informés des nouveautés, puisque tous les médicaments mis en circulation en France sont aussi disponibles dans ces départements. Nous pouvons ensuite décider d’introduire ou non ces nouveautés en Côte d’ivoire. C’est ainsi que nous avons découvert la mise en place d’automates et la technique des sas que nous avons reproduite en Côte d’Ivoire. Cette expérience qui nous permet d’anticiper les innovations que nous pourrions mettre en place chez nous est très enrichissante. Notre avenir est tourné vers l’Afrique noire anglophone – l’Afrique du Nord et l’Afrique du Sud sont déjà très avancées sur le plan de la distribution de médicaments et n’ont pas besoin de notre expertise. Nous restons concentrés sur ces régions d’Afrique, en quête de solutions pour mieux soigner leur population. Notre démarche est nouvelle, le confort dont nous profitions en Afrique francophone va disparaître, mais nous y sommes préparés, conscients de ce que nous pouvons apporter et de ce que nous pouvons apprendre. Nous commencerons par le Ghana pour nous tourner ensuite vers des pays d’Afrique de l’Est comme le Kenya, puis certainement vers le Nigéria, dont la diversité nous placera devant de nouveaux défis, l’Angola et d’autres pays en attente de solutions pour l’organisation de la distribution de leurs médicaments. Pour ce faire, nous agirons toujours dans une démarche de partenariat qui nous permettra de nous intégrer relativement facilement localement. Et notre objectif est aussi de faire participer le fournisseur direct des médicaments aux malades au capital des sociétés que nous mettrons en place. Par ailleurs, en notre qualité de grossiste à l’export, nous sommes d’abord des logisticiens permettant aux laboratoires de nous confier leurs produits en stock. Les grossistes nous envoient généralement leur commande que nous remettons alors aux laboratoires. Dans un second temps, nous offrirons, grâce à notre capacité de stockage qui s’élève à 15 000 m2 aujourd’hui et atteindra 25 000 m2 en 2018, une zone de stockage qui pourra bientôt accueillir 20 000 palettes à disposition des laboratoires. Cette solution leur permettra de transformer leur multitude de commandes en un simple abonnement. Nous détiendrons les stocks dans notre bureau d’achat pour leur compte. De plus, nous avons des contacts avec des entreprises de promotion dans tous les pays et disposons d’un réseau de 200 délégués environ, répartis sur toute la zone francophone. Nous souhaitons élargir ce réseau à la zone anglophone pour faciliter la distribution et la promotion des produits que nous confient les laboratoires. Voilà donc toutes les prestations que nous pouvons et pourrons offrir aux laboratoires et aux populations.

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