Yaatoo : La Plateforme en Ligne de Prosuma, Spécialiste Ivoirien de la Grande Distribution
Doungnan Coulibaly explique quelles sont les tendances du secteur de la vente en ligne en Côte d’Ivoire et présente Yaatoo, la plateforme en ligne de Prosuma, le spécialiste ivoirien de la grande distribution. Il nous parle également de la stratégie du site de e-commerce et partage ses ambitions pour les deux ou trois années à venir.
Interview avec Doungnan Coulibaly, Directeur Général de Yaatoo
Quelles sont les tendances du secteur de la vente en ligne en Côte d’Ivoire ?
La tendance est bonne au niveau du secteur de la vente en ligne en Côte d’Ivoire. Il y a cinq ou six ans, personne ne connaissait le e-commerce ici. Mais, avec l’arrivée de trois gros acteurs sur le marché et avec beaucoup de communication et beaucoup de sérieux dans le travail, les populations commencent à connaître le e-commerce. Même si en termes de progression annuelle, les indicateurs sont bons, en termes de part relative par rapport à la distribution générale, le e-commerce reste marginal. La distribution physique, après 60 années d’indépendance, représente 20 à 25% de la distribution générale. Le e-commerce représente une part très infirme de la distribution. Aujourd’hui, nous devons faire en sorte que le e-commerce prospère. Les acteurs tels que Carrefour, Prosuma et CDCI ont des chiffres d’affaires qui sont estimés à des centaines de milliards de Fcfa, mais aujourd’hui, le e-commerce reste à quelques dizaines de milliards. La dynamique est bonne mais beaucoup reste à faire. J’ai vu dans une étude que le e-commerce représente moins de 1% des transactions réalisées en Côte d’Ivoire. Il serait intéressant d’aller vers la tendance de la Chine qui est autour de 15%.
Comment vous différenciez-vous des autres sites en ligne ?
Lorsque nous avons lancé la plateforme, nous ne livrions qu’à Abidjan. Nous nous sommes dit qu’il fallait y aller étape par étape. Maintenant, nos clients peuvent également se faire livrer à Yamoussoukro, Daloa, San Pedro et Bouaké.
Après deux années d’existence, Yaatoo est le challenger de Jumia, le plus grand groupe de e-commerce en Côte d’Ivoire. Tout simplement parce que Jumia a des investissements, des effectifs et des moyens plus grands. Nous nous positionnons en challenger sérieux et nous travaillons sans relâche pour que dans cinq ans, nous puissions inverser la tendance. Yaatoo appartient à Prosuma, un grand groupe de distribution en Côte d’Ivoire et en Afrique de l’Ouest. CFAO avait un site de vente en ligne, Africashop, et qui était présent dans plusieurs pays d’Afrique. Cette entreprise a fermé car elle n’était pas rentable. Avec le e-commerce, le retour sur investissement prend du temps. Amazon a mis beaucoup de temps avant d’être rentable. Aujourd’hui, Jumia n’est pas rentable, et Yatoo non plus, parce qu’aucun site de e-commerce en Afrique ne l’est pour le moment. Lorsque Carrefour construit un centre commercial en Côte d’Ivoire, le coût de l’investissement est estimé entre 15 et 20 millions d’euros. Mais on ne demande pas à Carrefour d’être rentable deux ans après. Alors qu’au niveau des sites en ligne, les gens sont plus exigeants. Le plus important, c’est d’être présent sur le marché, parce que dans dix ou quinze ans, le secteur va se développer et s’imposer. Avec Prosuma, nous sommes en train de trouver l’équilibre pour que la transition puisse se faire entre la vente physique et la vente en ligne. Quand on arrive après Jumia et Afrimarket, il faut proposer quelque chose de plus aux clients. Quand nous avons lancé Yaatoo, nous avions trois axes de différenciation majeure. Le premier axe était d’introduire des notions nouvelles dans les délais de livraison. Yaatoo a été le premier site à introduire la notion de livraison express. En deux heures, nous arrivions à acheminer les colis là où les autres prenaient environ deux semaines. Le second axe de différenciation, c’était le moyen de paiement. Nous sommes dans un pays où la bancarisation est relativement faible et les transactions qui sont faites entre les partenaires ont besoin d’être sécurisées. Nous avons décidé alors de nous adapter à nos clients. Nous avons lancé le paiement Visa et MasterCard, et, aujourd’hui, tous les acteurs l’ont adopté. Par exemple, si je suis en France et que je dois assister ma mère illettrée, au lieu de lui envoyer l’argent par Western Union où il y a des frais à payer, je peux, à partir de mon ordinateur, passer la commande et payer par carte bancaire. Nous travaillons en étroite collaboration avec les équipes de Visa qui sont en Côte d’Ivoire. Nous travaillons aussi avec les équipes de MasterCard et la banque Ecobank pour faire en sorte que l’expérience d’utilisation de la carte bancaire soit fluide et agréable. En plus de la carte bancaire, sur Yaatoo, on peut payer par Orange Money, MTN Mobile Money ou payer cash à la livraison. Le dernier axe de différenciation, c’est l’assortiment de ce que nous vendons sur le site. Généralement, les sites vendent des appareils, mais nous, nous vendons des produits que les populations utilisent au quotidien. Donc les utilisateurs restent chez eux, font la commande et ont le même produit, au même tarif, au lieu de se déplacer au supermarché. D’autres acteurs nous ont suivi et ont commencé à signer des partenariats avec des enseignes pour proposer à peu près les mêmes offres que nous. Il faut des sites généralistes pour capter le maximum de clients.
Quelle est la stratégie que vous avez mise en place dans ce sens ?
Cela fait 50 ans que Prosuma existe et le groupe a une renommée. Il a tissé des liens avec des partenaires locaux et internationaux. En Côte d’Ivoire, le nom Prosuma inspire la confiance. Nous travaillons avec d’autres enseignes, car nous avons des supermarchés. Il peut arriver que des gens viennent vendre leurs marchandises chez nous. Par exemple, nous travaillons avec des importateurs de vins. Nous avons un supermarché virtuel et nous donnons la possibilité à nos partenaires de référencer tous les articles qu’ils veulent, ce qui n’est pas le cas avec les supermarchés physiques. Chez nous, c’est la simplicité, c’est une transparence fiscale absolue. Pour travailler avec nous, il faut avoir un registre de commerce et un numéro de compte contribuable. Aussi, nos taux de commission sont bas et nous ne vendons que des produits de qualité. Nous ne travaillons pas avec les contrebandiers.
Quelle est la stratégie de vos concurrents par rapport cela ?
Je suis très mal placé pour répondre à cela. Mais, nous régulons notre Marketplace au maximum puisque tous les produits ne peuvent pas se retrouver dessus. Par exemple, si vous allez sur un site de vente en ligne et que le T-shirt Lacoste est vendu à 1 500 Fcfa, c’est qu’il y a un problème. Nous, nous travaillons avec le distributeur agréé Lacoste pour que le T-shirt vendu chez nous soit l’original. Notre objectif, ce n’est pas de signer tous les vendeurs de Côte d’Ivoire, mais d’aller vers les vendeurs agréés et qui sont à même de vendre des produits de façon légale sur la plateforme.
Pensez-vous à vous étendre dans la sous-région ?
Prosuma est certes le leader de la grande distribution en Afrique francophone, mais c’est un groupe qui est présent uniquement en Côte d’Ivoire. Aujourd’hui, avec la mondialisation, on peut rester chez soi et avoir des concurrents qui viennent de l’étranger. Mais le moment viendra où nous chercherons des relais de croissance sur de nouveaux marchés. Et, le e-commerce est un outil qui permettra à Prosuma de le faire. Par exemple, pour aller au Ghana, une chaine de supermarchés va chercher à construire des supermarchés, en plus d’avoir des entrepôts. Pour un site en ligne, on n’a pas besoin de magasins. Le circuit de distribution est coupé et il faut tout juste avoir un entrepôt et dupliquer le site internet de Yaatoo pour que les gens puissent passer leur commande. Le coût de l’investissement est plus faible. Nous faisons du lobbying auprès de nos supérieurs pour que ces pistes de réflexions soient actées dans un futur très proche.
Qui sont vos clients ?
En termes de trafic, un client sur cinq qui arrive sur Yaatoo n’est pas en Côte d’Ivoire. 20% des gens qui arrivent sur le site sont de l’extérieur. C’est un indicateur qui est important pour nous et qui nous a permis de lancer la carte bancaire. Pour la clientèle d’Abidjan, nous livrons entre 90 et 95% des commandes au niveau d’Abidjan même. La zone où les exécutions sont très nombreuses est celle de Cocody. Après, Cocody, il y a Yopougon. Cela est lié à la stratégie de Yaatoo. Lorsque nous avons lancé la plateforme, nous ne livrions qu’à Abidjan. Nous nous sommes dit qu’il fallait y aller étape par étape. Maintenant, nos clients peuvent également se faire livrer à Yamoussoukro, Daloa, San Pedro et Bouaké. Nous allons mettre l’accent là-dessus, de sorte que 30% des transactions puissent se faire à l’intérieur du pays. Mais nous avons voulu mettre le focus sur Abidjan d’abord parce que les gens y ont une bonne connexion internet et que le pouvoir d’achat y est élevé.
Innover dans un contexte qui est le nôtre est compliqué. Innover c’est prendre le pari d’être un incompris. Nous appartenons à un groupe qui a ses habitudes et qui a sa manière de fonctionner. Il y aussi les contraintes du secteur dans lequel nous évoluons. Ces contraintes peuvent être légales ou illégales. La première difficulté à laquelle le e-commerce est confronté, c’est l’accès à internet. Il n’y a que 5% de la population qui utilise l’internet fixe. Aussi, le coût est exorbitant. Par exemple, dans le temps en France, avec 19,99 euros, on avait une connexion internet presqu’illimitée. Quand on rapporte les 19,99 euros au SMIC français, le coût n’est pas exhorbitant. Alors qu’en Côte d’Ivoire, j’ai un Wifi Pocket pour lequel je paie 25 000 F par mois. Le SMIC en Côte d’Ivoire est autour de 90 euros. En termes de proportion, internet coûte excessivement cher.
Quelles sont vos ambitions pour les deux ou trois années à venir ?
Dans trois ans, le nom de Yaatoo doit être intimement lié au e-commerce. Aujourd’hui, quand on dit e-commerce, tout le monde dit Jumia. Nous devons travailler à cela. Le premier levier que nous devons avoir, c’est la satisfaction des clients. Lorsqu’un client est satisfait, il devient le meilleur des ambassadeurs. Donc, dans les trois prochaines années, nous devons faire en sorte que le taux de satisfaction de nos clients soit élevé. Même si nous avons deux clients, nous voulons que ces deux clients soient satisfaits. Quand ils arrivent sur la plateforme, il faut qu’ils aient des produits de mode, des produits cosmétiques, des produits de qualité à un bon prix. Quand la commande est passée, la livraison doit se faire dans les délais avec des livreurs courtois. Ils ont la possibilité de payer en ligne et la possibilité payer cash. Nous travaillons à augmenter l’expérience du client parce que nous n’avons pas de doute que le e-commerce est un secteur d’avenir. Nous devons faire en sorte que la qualité soit au rendez-vous, et les résultats économiques viendront naturellement.