Cofina : La Première Institution Financière Africaine Dédiée à la Mésofinance

Jean-Luc Konan présente Cofina (Compagnie financière africaine), une institution fondée en 2013 avec un concept : cibler une catégorie de clientèle qui navigue entre la microfinance et la banque classique. Ainsi est né l’un des tous premiers groupes de mésofinance 100% africain. Il nous parle également du secteur d’activité et de ses ambitions pour Cofina.

Interview avec Jean-Luc Konan, Président Directeur Général de Groupe Cofina

Jean-Luc Konan, Président Directeur Général de Groupe Cofina

Pouvez-vous nous présenter Cofina ?

Cofina est la première institution financière africaine dédiée à la mésofinance, le « chaînon manquant » entre la microfinance et la banque traditionnelle. C’est donc une activité qui concerne les acteurs économiques devenus trop importants pour les institutions de microfinance traditionnelle, mais qui ne sont pas encore assez structurés pour remplir les critères de financement des banques classiques. Nous offrons ainsi la possibilité aux (très) petites et moyennes entreprises africaines d’accéder plus facilement au crédit. Ce alors qu’elles représentent près de 90% des entreprises du secteur privé du continent et peinent encore à trouver le financement nécessaire pour leur développement !

Comment se porte le secteur dans lequel vous évoluez ?

Jean-Luc Konan a fondé la Compagnie financière africaine (Cofina) en 2013 avec un concept : cibler une catégorie de clientèle qui navigue entre la microfinance et la banque classique. Ainsi est né l’un des tous premiers groupes de mésofinance 100% africain.

Comme je le disais, c’est un secteur qui est crucial pour nos économies. Non seulement 90 % des opérateurs économiques de notre continent sont des micros et petites entreprises, mais en plus, ces acteurs représentent entre 50 et 60% des emplois créés. Malheureusement ils n’obtiennent pas plus de 6% des financements. Saviez-vous que sur le continent il y a 33 000 jeunes qui arrivent sur le marché de l’emploi toutes les 24 heures, et seuls 11 000 d’entre eux pourront trouver un emploi formel ? Cela signifie que nous produisons toutes les 24 heures quasiment 22 000 chômeurs. Il y a donc urgence à favoriser le développement de l’auto-emploi, car c’est une vraie bombe à retardement sociale.

J’aime donner cette anecdote concernant notre métier, la mésofinance. Une vendeuse de fruits et légumes, traditionnellement cliente d’une institution de microfinance, décide d’acquérir son local, et, au vu du montant, ferait mieux de s’adresser à Cofina. Avec les revenus dégagés par l’augmentation de son volume d’activité, elle serait en capacité financière d’inscrire ses enfants dans de très bonnes écoles leur permettant d’acquérir de nouvelles compétences. Ils pourraient ainsi reprendre l’activité familiale en lui donnant un plus, en négociant une franchise internationale leur permettant de révolutionner les méthodes de gestion de l’entreprise. La 3e génération créerait sa propre franchise pour aller à la conquête du monde. C’est notre rêve pour l’entrepreneur d’aujourd’hui, mais s’il n’y a pas de financement de ce chainon manquant, il n’y aura pas de grandes entreprises africaines de demain, car ce sont les PME d’aujourd’hui, encore trop peu financées, qui sont les futurs champions de demain.

Quels sont les chiffres d’affaires de vos clients ?

Chez Cofina, nous définissons une PME comme une entreprise qui en termes de besoin de financement principal de son activité, a besoin d’emprunter entre 5 000 et 300 000 euros. En dessous de ces montants, nous considérons que c’est de la microfinance, au-dessus, nous considérons que c’est de la finance classique. Chez Cofina, nous avons choisi d’analyser les entreprises par rapport à leurs besoins de financement, car les chiffres d’affaires de nos clients peuvent aller de quelques dizaines de milliers d’euros à plusieurs millions d’euros. Le fait que les entreprises ayant des chiffres d’affaires conséquents peinent à obtenir des financements par les institutions bancaires n’est pas dû à la faiblesse de leur chiffre d’affaires, mais plutôt au formalisme imposé qui les exclut du circuit classique de financement.

Etes-vous seul sur le marché ?

Nous ne sommes pas seuls. C’est un marché qui est au confluent de la banque et de la microfinance. Comme concurrents, nous pouvons citer les départements PME de certaines banques, certaines institutions de microfinance qui ont la capacité de financer des montants conséquents, des sociétés de crédit spécialisées et des sociétés de crédit à la consommation. Nous nous retrouvons à un carrefour où, en fonction des types de produits, les clients ont la possibilité de choisir l’offre qui leur sied le plus. Cofina se distingue car nous nous sommes spécialisés dans ce domaine, c’est notre cœur de métier. C’est cela qui nous donne un avantage compétitif et nous permet de proposer un service sur-mesure.

Quels sont vos avantages concurrentiels ?

Nous misons sur deux choses. Dans un premier temps, nous prenons en compte la barrière psychologique. Les entrepreneurs n’ont pas tous un niveau d’études élevé et ont une barrière psychologique face à la banque. Ils ont peur qu’on ne comprenne pas leur business ou encore d’être marginalisés, parce que la banque traite aussi bien avec des multinationales qu’avec d’importantes PME locales. Dans un second temps, nous sommes dans un métier de proximité. Nous comprenons le client et nous savons analyser son activité et ses flux, car la majorité d’entre eux n’ont pas d’états financiers certifiés. Chez nous, le client qui n’a pas d’états financiers mais juste un livret de comptes ne se sent pas marginalisé. Il sait que nous connaissons son activité et que nous essayerons de l’accompagner dans la mesure du possible.

L’autre avantage que nous avons, c’est notre réactivité. Bon nombre de nos clients n’ont pas un rythme d’affaires régulier. Sans compter que beaucoup d’entre eux ont du mal à prévoir et à planifier. Tout se fait dans l’urgence. Notre capacité à pouvoir les accompagner rapidement fait la différence. Par exemple, pendant les fêtes de Noël et pendant les fêtes religieuses, dans certains pays, si un entrepreneur a un conteneur bloqué à la douane qui sort une semaine trop tard, c’est le chiffre d’affaires de l’année entière qui est impacté. Les institutions comme la nôtre ont la capacité de réagir vite, c’est le plus de la mésofinance par rapport aux banques traditionnelles. Avec la mésofinance, nous avons apporté des techniques bancaires à un environnement qui n’en avait pas. Nous avons innové en proposant à notre clientèle non seulement la célérité mais également des produits auxquels ils n’avaient pas accès comme des engagements par signature, des cautions, des avances sur marché et bon de commande, etc.

Cette offre quasi-inexistante sur ce segment vient renforcer notre proposition de valeur entre la banque (qui proposait déjà ces produits à ses meilleurs clients) et les institutions de microfinance.

Vous êtes présents sur plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest. Quel est votre réseau ?

Nous sommes présents en Côte d’Ivoire, qui est le plus gros marché de l’UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest Africaine), ainsi qu’au Sénégal où nous sommes présents depuis 2014. Nous couvrons les deux plus grandes économies de la zone UEMOA. Toutefois, nous avons une vocation plus large et avons comme ambition d’être le modèle panafricain de la finance inclusive. C’est ainsi que nos 1200 collaborateurs de 19 nationalités travaillent quotidiennement à financer nos entrepreneurs afin de favoriser les échanges de biens et services pour faciliter l’intégration régionale.

Nous sommes aujourd’hui présents dans 6 pays : Guinée Conakry, Sénégal, Côte d’Ivoire, Gabon, Mali et Congo et prévoyons d’être présent dans 10 pays à horizon 2020. Cette répartition sur plusieurs géographies nous permet de dégager des rendements d’échelle croissants et d’offrir ainsi des produits à des tarifs plus compétitifs. Nous sommes convaincus que ce modèle nous permettra de créer de la valeur ajoutée pour nos partenaires et de contribuer ainsi au développement de nos économies.

Et vous-même en tant qu’entreprise récemment créée, avez-vous atteint toutes les étapes de l’entrepreneuriat ?

La vie d’un entrepreneur peut être, selon moi, divisée en quatre étapes, la 1ère c’est l’État de start up où les personnes qui vous connaissent acceptent de mettre à votre disposition des fonds pour que vous puissiez amorcer vos activités, c’est ce qu’on appelle le « Love Money ». La deuxième étape consiste à contracter des emprunts auprès d’institutions financières pour développer votre activité. La troisième étape importante, c’est l’entrée d’un investisseur institutionnel dans votre capital, Chez Cofina en 2018 nous avons été soutenus par le fonds d’investissement Mediterrania Capital Partners. Et enfin la quatrième étape est la sortie sur les marchés de capitaux. Dans quatre ans, nous espérons franchir cette dernière étape qui pourrait être considérée comme l’aboutissement d’une belle histoire d’entrepreneuriat : « From 0 to IPO » qui peut se traduire par « de 0 à l’introduction en Bourse » .

D’où viennent vos ressources ?

Les origines de nos ressources sont multiples. La première, comme toute institution financière, ce sont les dépôts de nos clients Cette source représente près de la moitié des dépôts. La deuxième origine de nos ressources sont les dépôts qui viennent d’investisseurs institutionnels comme les fonds de pension et les compagnies d’assurance. La troisième c’est le financement interbancaire. En effet nous avons la possibilité d’obtenir des lignes de refinancement au travers des banques commerciales. La quatrième et dernière consiste à faire entrer des partenaires au capital.

Cofina a pris le parti de solliciter régulièrement ces différentes ressources pour accélérer son développement.

Parmi vos clients entrepreneurs, y a-t-il beaucoup de femmes ?

Depuis la création de Cofina il y a trois ans, nous avons toujours porté une attention particulière aux femmes entrepreneures afin de les accompagner au mieux dans leurs projets. Si bien qu’elles représentent aujourd’hui plus de 50% de notre clientèle. C’est pour nous une mesure essentielle de notre succès. Il faut savoir que les femmes africaines sont deux fois plus susceptibles de démarrer une entreprise que les femmes vivant en Asie et en Amérique latine ! Elles méritent un suivi adéquat, nous en sommes persuadés et avons investi dans plusieurs projets.

À titre d’exemple, nous avons entre autres été partenaires de la fondation Sounga (Femmes de demain), le premier incubateur d’entrepreneuriat féminin au Congo Brazzaville. Notre rôle était de sélectionner les projets des femmes entrepreneurs les plus prometteurs et de les accompagner dans le développement de leurs entreprises, notamment via un appui financier. Seize projets ont été validés et les candidates seront prochainement formées durant une période de six semaines dans les domaines de la finance, de l’administration ou encore du marketing. Ce genre de projet résume bien notre mission aux services des femmes entrepreneures.

Nous avons d’ailleurs récemment racheté une institution de microfinance en Côte d’Ivoire, que nous avons rebaptisé Fin’Elle « Finance pour Elle » et qui est essentiellement dédiée aux femmes entrepreneures.

Parlez-nous de l’incubateur que vous avez mis en place ?

En termes d’activités connexes, nous avons lancé le premier incubateur de start ups intégré dans une institution financière, Cofina Start Up House. La 1ère cohorte a été lancée en 2017 à Dakar et Abidjan avec succès. Nous préparons la 2ème cohorte qui devrait être lancée pour le début du second semestre 2019. Notre objectif est d’accompagner et de coacher ces start ups qui ne sont pas éligibles au crédit en l’état. Nous les formons sur les « soft skills » afin que les entrepreneurs soient prêts à affronter l’étape où ils feront face à des investisseurs ou des banquiers pour pouvoir lever des fonds… Nous espérons contribuer à l’éclosion de nombreuses réussites made in Africa !

Scroll to top
Close