Abidjanaise de Traitement des Eaux : Interview avec Alloh Roger Beugre
Alloh Roger Beugre partage son appréciation du secteur du traitement des eaux en Côte d’Ivoire et présente l’ATE (Abidjanaise de Traitement des Eaux), une société unipersonnelle qu’il a mis en place à Abidjan pour intervenir dans tous les domaines relatifs au traitement des eaux.
Interview avec Alloh Roger Beugre, Directeur Général de l’ATE (Abidjanaise de Traitement des Eaux)
Pour commencer, pourriez-vous nous parler de votre secteur d’activité, le traitement des eaux. Quelle est votre appréciation du secteur ?
Le traitement des eaux en Côte d’Ivoire est un secteur innovateur, car je ne pense pas que cela était répandu autrefois. Mais de nombreuses actions ont été menées par l’État dans ce domaine. Sans vouloir leur faire de la publicité, des sociétés comme Degremont ont vraiment agi ici, et tout ce qu’ils ont entrepris n’était pas du traitement des eaux à proprement parlé, parce qu’il n’existe pas de station d’épuration ici en Côte d’Ivoire. Nous ne disposons que de postes de relevage. Nous sommes venus ici pour pouvoir mettre tous les aspects de l’environnement en évidence. C’est un peu difficile, mais je pense qu’avec le temps, les gens auront une nette vision de ce qu’est l’environnement et la protection de l’environnement et je pense qu’à ce moment-là, nous travaillerons vraiment.
Que fait l’ATE (Abidjanaise de Traitement des Eaux) ?
Il faut que nous parvenions à faire comprendre à tous, ici en Côte d’Ivoire, que l’environnement, c’est la vie, que c’est le bien-être et qu’il ne faut pas le dégrader. Il faut que nous parvenions à nous hisser à ce sommet-là.
L’ATE est une société unipersonnelle que j’ai mis en place ici à Abidjan pour intervenir dans tout ce qui concerne le traitement des eaux. Nous nous occupons des stations d’épuration, du traitement des eaux usées, et nous essayons de mettre en place des méthodes innovantes dans le secteur. Nous avons évolué, nous sommes partis des traitements biologiques des eaux usées aux systèmes de lagunage. Et aujourd’hui, nous sommes passés aux systèmes de traitement physico-chimiques, des stations compactes, très efficaces et qui prennent peu de place et que nous mettons en place aussi bien dans le secteur industriel que dans le tertiaire.
Initialement, quels sont les besoins du client ?
Alors, au départ, le client ne sait rien. Il ne sait même pas qu’il faut traiter ses eaux. À ce niveau-là, nous réalisons une étude. Il y a un cheminement à suivre. Nous expliquons au client que nous allons procéder à des prélèvements, analyser l’eau, définir les principes polluants de l’eau qu’il rejette et que ce sont ces paramètres-là que nous traiterons. Donc, nous procédons d’abord à l’analyse de l’eau et ensuite, nous expliquons au client : « Votre eau est polluée, voici ce qui pollue l’eau et ce n’est bon ni pour l’environnement, ni pour l’homme. Il faut la traiter ».
En Côte d’Ivoire, nous avons des normes de rejet que nous arrivons à respecter lorsque nous traitons les eaux. Cela est contrôlé par le CIAPOL (Centre Ivoirien Antipollution), à qui nous envoyons toutes nos analyses. Nous proposons aussi plusieurs modes de traitement : par lagunage, par des procédés physico-chimiques ou par système de flottation. Nous devons expliquer tout cela au client, qui ne sait pas forcément qu’il doit traiter ses eaux.
Quels risques encourt l’entreprise si elle ne traite pas ses eaux ? Quelles menaces peuvent peser sur elle ?
Ici, toute la société industrielle déverse les eaux usées qui partent à l’égout. Et les égouts sont reliés à la ville. Je ne sais pas si vous êtes déjà passé par la baie de Cocody. Vous voyez un peu le degré de pollution qu’il y a. Ils essaient d’aménager les abords, mais après ils passeront à la phase même du traitement de l’eau de la baie de Cocody. Tous les industriels rejettent les eaux à l’égout, mais dans les eaux de rejet, il y a tellement de paramètres polluants qu’ils ne connaissent pas… Il appartient au CIAPOL, qui est une structure mise en place par l’État pour contrôler les eaux polluantes ici en Côte d’Ivoire, de jouer son rôle d’information et de sensibilisation de la société industrielle afin qu’elle traite ses eaux avant de les rejeter.
Il arrive souvent que les entreprises qui ont envie de travailler avec des partenaires étrangers perdent des contrats si les normes ne sont pas respectées. Les entreprises américaines ou autres ne travaillent qu’avec des gens qui respectent un cahier des charges. Pensez-vous que petit à petit, quelque chose se transformera, que les gens prendront de plus en plus conscience que l’environnement est important, et que s’ils ne respectent pas ces normes-là, ils seront condamnés à obtenir moins de contrats, moins de travail ?
Absolument. Ce que vous dites est juste. Le Groupe SIFCA s’y emploie pour essayer d’améliorer l’environnement sur tout son site. Ils ont même créé une direction de l’environnement, parce qu’ils travaillent avec l’extérieur. Je prends l’exemple du groupe Michelin, avec lequel ils travaillent, et qui ne lésine pas sur les moyens pour mettre en évidence un environnement sain. C’est à l’État de jouer ce rôle-là. Et puis, toutes les entreprises américaines qui viennent ici en Côte d’Ivoire et qui ont des sociétés partenaires doivent exiger de celles-ci la protection de l’environnement, de procéder au traitement des eaux de rejet, de tous les déchets toxiques qu’ils rejettent directement en milieu urbain.
Concrètement, que se passe-t-il lorsqu’une une entreprise étrangère vient s’installer en Côte d’Ivoire ?
Tout d’abord, pour qu’une entreprise étrangère vienne s’installer ici en Côte d’Ivoire, plusieurs structures interviennent : le Ministère de l’Industrie, la Chambre de Commerce, le CEPICI, etc. Il appartient à l’État d’imposer des règles à suivre à la société qui présente un projet et vient s’installer. Si une société qui arrive avec son projet n’a pas mis l’accent sur le volet environnement, je crois qu’il faut l’interpeller. Et puis, il faut dire qu’on est dans un secteur où l’État a besoin d’investisseurs étrangers. Il faut parfois faire preuve de largesse. C’est pourquoi beaucoup de sociétés viennent s’installer et le volet environnement est carrément occulté. C’est quelque chose qui pose problème ici. Et lorsque nous, les opérateurs du secteur du traitement des eaux, approchons ces sociétés-là, à partir du moment où elles ont obtenu tous les agréments du gouvernement, elles sont conscientes du volet environnement, mais, malheureusement elles ne mettent pas trop l’accent dessus. Il leur arrive de déverser dans la nature. C’est un problème.
Pouvez-vous donner des exemples concrets de choses qui se sont bien déroulées avec des gens à qui vous avez proposé vos services ici ou à l’étranger. Quels sont les services et les produits que vous avez proposés, qui se sont révélé être des success-stories ?
Je peux vous citer l’exemple du groupe SIFCA SAPH pour qui nous avons mis en place une station d’épuration par système de lagunage, un traitement biologique qui marche bien. Et nous avons répété cela pratiquement sur tous les sites. Dans le cas du traitement de tours de refroidissement, nous avons également les Aciéries de Côte d’Ivoire. Avec des sociétés de ce genre qui ne traitent pas les eaux des tours de refroidissement, il peut y avoir de sérieux problèmes de tuyauterie complètement entartrée qui peut exploser. Alors, ils ont fait appel à nous et nous avons mis en place un système de traitement. Et jusque là, tout va bien. Pour Uniwax, par exemple, nous avons également proposé un projet de traitement des eaux usées. Ils ont pris des bassins de décantation. Ils n’ont pas encore la station proprement dite, mais je pense que c’est en cours. Nous y avons aussi traité les eaux de chaudière et tout cela marche bien.
Vous ne travaillez que pour la Côte d’Ivoire ?
Nous travaillons aussi avec une société textile sur Lomé, et aussi au Ghana pour un groupe qui s’appelle Uniwatt pour qui nous traitons les eaux usées, la tour de refroidissement et les chaudières.
Quelle est votre politique au niveau international ? Allez-vous continuer à travailler au niveau international ?
C’est l’objectif de toute entreprise sérieuse d’être présente au niveau international. Nous avons appris toute cette technologie en France et nous l’avons transposée ici en Afrique, en particulier en Côte d’Ivoire. Mon souhait serait d’étendre mon activité sur l’Afrique de l’Ouest. Cela me suffirait. Il y a assez de travail ici.
Quand vous dites que vous avez appris en France, vous avez fait une formation ? Vous avez travaillé dans une autre entreprise ? D’où vous vient votre savoir-faire ?
En France, nous avons beaucoup travaillé avec Degremont chez qui nous avons appris ce qu’est que le traitement des eaux et l’environnement. Et puis, nous avons aussi travaillé avec une société à Bordeaux, dans le domaine du traitement des eaux et des chaudières, pour les produits à base d’amines. Nous avons aussi travaillé un peu au Portugal, avec une société du domaine de l’environnement. Là, nous nous sommes intéressés davantage à tout ce qui concerne le traitement des déchets solides dans des centres d’enfouissement technique. Nous avons visité des centres pour pouvoir reproduire le même schéma ici. Mais comme l’État n’a pas encore décidé, nous attendons.
Travaillez-vous avec des partenaires techniques ? Etes-vous en recherche de partenariats ?
Évidemment, les partenariats techniques sont toujours les bienvenus. En France, je suis en partenariat avec la société Neve Environnement, un spécialiste de l’assainissement, que je dois rencontrer bientôt. Nous sommes également en partenariat avec la société ProMinent pour ce qui concerne les équipements de l’eau. Et puis, dans les produits réactifs chimiques que nous utilisons dans nos laboratoires, nous sommes en partenariat avec la société Aqualabo, le premier fabricant Français d’équipements de contrôle et d’analyse de l’eau. Notre travail avec nos partenaires français couvre tous les aspects du secteur.
Pour conclure, comment vous imaginez-vous à moyen terme, dans deux ou trois ans ? Quels objectifs voulez-vous atteindre avec votre entreprise ?
Dans trois ans, j’aimerais bien que l’ATE (Abidjanaise de Traitement des Eaux) soit une entreprise essentielle qui agit dans le secteur de l’environnement à un niveau très appréciable et que nous parvenions à réguler un peu les statistiques du secteur environnemental. Il faut que nous parvenions à faire comprendre à tous, ici en Côte d’Ivoire, que l’environnement, c’est la vie, que c’est le bien-être et qu’il ne faut pas le dégrader. Il faut que nous parvenions à nous hisser à ce sommet-là.