Industrie en Côte d’Ivoire : Emmanuel Hurtado Présente le Groupe Eurofind

Dans cette interview, Emmanuel Hurtado, le Directeur Général d’Eurofind Participation, nous parle du secteur industriel en Côte d’Ivoire, et présente le groupe Eurofind, ainsi que ses trois pôles majeurs : l’acier, les produits chimiques et plastiques, et l’alimentaire.

Interview avec Emmanuel Hurtado, Directeur Général d’Eurofind Participation

Emmanuel Hurtado, Directeur Général d'Eurofind Participation

Comment se porte le secteur industriel en Côte d’Ivoire en ce moment? Quels sont, selon vous, les progrès réalisés et les difficultés rencontrées?

Nous bénéficions depuis la période post-crise d’un environnement favorable aux affaires en Côte d’Ivoire, ainsi que d’une croissance soutenue, puisque la Côte d’Ivoire déclare entre 8,5 et 9 % de croissance ces dernières années et que depuis 2014, la tendance est maintenue. L’État continue d’appliquer son programme d’investissement, tout particulièrement dans le domaine des infrastructures. Grâce à son développement intérieur, la Côte d’Ivoire redevient leader économique de la sous-région. L’industrie en bénéficie dans différents secteurs. Mais la Côte d’Ivoire est ouverte au monde et nous sommes contraints de nous adapter aux différentes évolutions internationales qui touchent les secteurs de l’acier, des produits chimiques et plastiques et bien sûr de l’alimentaire. Ce qui s’est intensifié ces dernières années, c’est la concurrence. La Côte d’Ivoire est un pays de plus en plus ouvert, qui sait bien communiquer et vendre tous ses progrès à l’extérieur, et nous voyons apparaître une concurrence venant principalement de grands groupes internationaux. Ce peut être un désavantage, mais cela peut aussi permettre à des groupes comme le nôtre de se développer et de nouer de nouveaux partenariats. Et c’est comme cela que le groupe Eurofind considère cette ouverture.

Pouvez-vous présenter le groupe Eurofind, ses trois pôles majeurs et leur situation actuelle?

Le groupe est leader au niveau régional aussi bien dans l’acier que dans les produits plastiques et chimiques et dans l’alimentaire. Nous voulons maintenir absolument cette position et continuer à nous développer dans toute la sous-région.

Le groupe Eurofind est présent depuis de nombreuses années dans trois principales filières. La plus importante est l’acier – nous sommes leader en Côte d’Ivoire sur le marché de différents produits. Nous fabriquons des produits classiques comme les fers à béton, les tubes, les tôles, ainsi que des brouettes, des machettes, des fûts, et continuons à nous développer grâce à de nouveaux investissements et une diversification de notre production. Nous travaillons selon deux processus de transformation de l’acier différents, le premier à froid et le second à chaud, au sein des Aciéries de Côte d’Ivoire. Ce dernier nous permet de trouver localement notre matière première à base de ferraille – ce que l’on appelle les scraps, de la transformer, de la mettre en valeur et de fabriquer des produits qui participent aujourd’hui au développement de la Côte d’Ivoire. Les Aciéries de Côte d’Ivoire ont permis de construire le pont Henri-Konan-Bédié et ont participé à différents projets d’infrastructure à l’intérieur du pays, comme la construction des grands barrages. Donc nous continuons de nous développer et avons de nouveaux projets d’investissement. Nous investissons actuellement dans un projet de fabrication de boulets pour les miniers, notamment dans le domaine de l’extraction de l’or. Nous serons les premiers à le faire en Côte d’Ivoire et cela va à nouveau nous ouvrir des perspectives dans toute la sous-région, puisque des producteurs d’or y sont implantés un peu partout.

En ce qui concerne les produits chimiques et plastiques, la filière continue aussi à se développer. Nous faisons face à une forte concurrence extérieure, mais comme nous travaillons en B to B, c’est-à-dire que nous travaillons pour des industries qui fabriquent elles-mêmes des produits finis, nous bénéficions aussi de leur croissance. Nous sommes également en phase d’investissement ou en tout cas de recherche de nouvelles diversifications, notamment dans l’extrusion de produits PVC de type lambris, qui ne sont actuellement pas produits dans la sous-région. Cela peut être l’extrusion de plaques pour les sols, différents types de revêtement, ou des profilés pour les fenêtres. Nous sommes en train de rechercher de nouveaux partenariats à ce niveau.

Quant à notre dernier pôle d’activité, l’alimentaire, nous avons continué ces deux dernières années à développer nos gammes avec Eurolait en Côte d’Ivoire et au Mali, grâce notamment à l’acquisition de marques de jus. Nous avons réalisé un plan d’investissement assez important ces quatre dernières années et avons pu tripler la production d’Eurolait. Je rappelle que nous travaillons avec Yoplait – nous sommes franchisés Yoplait depuis vingt ans maintenant – et la marque Candia pour la production de laits stérilisés. Nous avons notre propre marque de bouillon alimentaire, MaxiGoût, ainsi que la marque Bonjus, bien connue en Côte d’Ivoire, que nous voulons développer dans les années à venir. Nous sommes également en contact avec des groupes européens qui souhaiteraient être présents en Afrique de l’Ouest et particulièrement en Côte d’Ivoire. Je ne vais pas vous l’apprendre, ces zones sont extrêmement intéressantes en terme de croissance. De nombreux groupes européens voudraient s’y implanter et recherchent des partenariats, le rôle du groupe est donc de faire le lien entre l’Europe et l’Afrique. Nous sommes en permanence en discussion avec eux et espérons atteindre une nouvelle phase de développement grâce à ce type de partenariat.

Groupe Eurofind en Côte d'Ivoire
Le groupe Eurofind est leader au niveau régional dans ses différentes activités : l’acier, les produits plastiques et chimiques, et l’alimentaire.

Vous êtes aussi en train de vous développer dans un quatrième secteur.

Tout à fait. Le groupe a acquis quelques terrains au nord et au sud d’Abidjan au cours des dernières années, ce qui va nous permettre de nous développer dans le secteur de l’immobilier, et en particulier de l’immobilier de standing, pour répondre à un besoin existant. Dans ce secteur aussi, de nombreux groupes internationaux souhaitent se réimplanter en Côte d’Ivoire, après en être partis entre 2000 et 2010, et recherchent un hub, un point d’ancrage local dans la sous-région. Il y a donc une demande réelle dans le domaine de l’immobilier de luxe et de standing qui suppose des critères de sécurité et de service de niveau européen. C’est ce créneau qui nous intéresse.

Quel est l’intérêt pour un groupe européen d’être partenaire avec Eurofind au lieu de s’implanter directement en Côte d’Ivoire?

La Côte d’Ivoire est effectivement extrêmement attractive, l’Afrique de l’Ouest aussi, mais cela reste l’Afrique, avec ses spécificités et une distance importante par rapport à l’Europe. L’environnement est différent, il faut connaître la législation, le cadre fiscal, les particularités du pays. Ce n’est pas toujours évident. La Côte d’Ivoire offre en effet d’importantes perspectives de développement, mais, comme dans tout pays, il existe des problèmes. Les problèmes fonciers font partie du grand chantier de l’État, car les litiges sont fréquents. Il peut y avoir des difficultés au niveau judiciaire auxquelles l’État travaille aussi. Donc je pense que ces groupes-là souhaitent avoir des partenaires locaux qui maîtrisent cet environnement et qui peuvent leur faire gagner énormément de temps au moment de s’implanter. Nous nous appuyons aussi sur un savoir-faire local et un « fonds de commerce » : nous connaissons tous les clients, tous les partenaires commerciaux et les banques. Tous ces grands groupes ont donc intérêt à avoir un point d’attache local.

Le Groupe Eurofind est leader de l'acier en Côte d'Ivoire
La filière la plus importante pour le groupe Eurofind est l’acier. Le groupe est d’ailleurs leader en Côte d’Ivoire sur le marché de différents produits.

Votre activité ne se limite pas à la Côte d’Ivoire et s’étend à toute la sous-région et la région, notamment grâce aux exportations. Comment se traduit votre présence?

En dehors de la Côte d’Ivoire, nous sommes présents au Sénégal, au Mali, au Togo et au Bénin, grâce aux différentes activités du groupe. Nous étions jusqu’à peu encore présents au Nigéria et au Cameroun, mais, pour des raisons stratégiques, nous avons préféré céder ces activités pour nous recentrer sur la sous-région. Néanmoins, le groupe exporte dans plus d’une vingtaine de pays, de la Mauritanie jusqu’à l’Afrique Centrale en passant par le Sénégal, ce qui nous garantit une présence directe ou indirecte via des partenaires locaux dans tous ces pays. D’où l’attrait que nous représentons pour d’autres groupes internationaux qui souhaiteraient s’implanter dans la sous-région.

Comment voyez-vous le développement économique de la Côte d’Ivoire et son rôle dans la région? Est-elle selon vous en passe de reprendre son rôle de locomotive de la région, malgré la concurrence du Nigéria?

Le Nigéria a toujours été une grande puissance sous-régionale, mais la Côte d’Ivoire, en tant que pays francophone, a toujours été un hub pour la région économique de l’UEMOA (Union Économique et Monétaire Ouest Africaine) et de la CEDEAO (Communauté Economique des États d’Afrique de l’Ouest). Après avoir connu une période de crise, la Côte d’Ivoire est en train de reprendre son leadership dans la sous-région. Nous bénéficions d’infrastructures excellentes et d’investissements importants pour continuer à les développer. On peut notamment évoquer le port qui est en train d’être complètement transformé. Les investissements sont aussi importants dans le domaine de l’électricité et dans celui des routes. Le réseau routier ivoirien est en train d’être réhabilité et continue à se développer à l’intérieur du pays, avec des connexions vers le Burkina Faso, le Mali, une autoroute qui doit se prolonger vers le Ghana et le Nigéria. Nous bénéficions donc d’infrastructures extrêmement intéressantes. Tous les besoins sont couverts pour permettre de continuer à se développer. C’est pourquoi, par rapport à d’autres pays de la sous-région où nous sommes aussi implantés, nous voyons clairement une différence.

Le Groupe Eurofind est actuellement en phase de recherche de nouvelles diversifications, notamment dans l’extrusion de produits PVC.
Dans la filière des produits chimiques et plastiques, le groupe Eurofind est actuellement en phase de recherche de nouvelles diversifications, notamment dans l’extrusion de produits PVC.

En outre, la Côte d’Ivoire connaît un taux de croissance phénoménal par rapport au monde entier et même par rapport à l’Afrique dont le taux de croissance, qui était l’un des plus élevé au monde jusqu’à il y a un ou deux ans, a chuté récemment. Un groupe peut donc être intéressé par cette situation en Côte d’Ivoire et dans la sous-région. Quel est votre avis quant aux perspectives de croissance pour les pays de la sous-région?

En effet, le Nigéria a connu de belles années puis une crise due à la baisse des cours pétroliers principalement. Le Ghana aussi a connu de très belles années, mais il fait désormais face à une baisse de croissance. Par contre, la Côte d’Ivoire, très forte dans le secteur de l’agriculture, a connu ces dernières années, grâce à une réforme de l’État ivoirien, une hausse des cours qui bénéficie à l’ensemble des acteurs de la filière et a permis de continuer à se développer. Son secteur industriel est le plus développé dans la sous-région puisque il apporte environ un tiers des ressources. Et le secteur tertiaire est en très fort développement avec une relocalisation des banques et des télécommunications et de nombreuses activités qui se déploient. Donc la Côte d’Ivoire a tous les atouts pour continuer à se développer dans les prochaines années et à imposer son leadership. L’État ivoirien a présenté ses perspectives de croissance en deux plans, le premier sur la période 2011-2015, puis le plan national développement 2016-2020 avec d’énormes dépenses d’infrastructures pour que la Côte d’Ivoire devienne un pays émergent en 2020. Nous en prenons le chemin.

Comment voyez vous le développement du groupe Eurofind dans les deux ou trois prochaines années ? Quelles sont vos perspectives?

Le groupe est leader dans ses différentes activités. Il est leader au niveau régional aussi bien dans l’acier que dans les produits plastiques et chimiques et dans l’alimentaire. Nous voulons maintenir absolument cette position et continuer à nous développer dans toute la sous-région. Notre souhait serait aussi à terme, de donner une autre dimension à ce groupe grâce à des partenariats internationaux, puisque nous sommes régulièrement approchés par de grands groupes qui souhaitent tisser des liens forts avec Eurofind.

Eurolait
Le groupe Eurofind a créé Eurolait en 1997. Cette société produit principalement des produits laitiers (yaourt et lait) mais aussi des bouillons culinaires.

Vous êtes aussi présents en Europe. En quoi consiste votre activité sur ce continent?

À partir des années 1980, le groupe s’est développé en Europe. Son activité est complètement différente de celle que nous avons en Afrique, puisqu’elle touche le secteur de l’ameublement et des fournitures d’ameublement en général. Le groupe est leader européen dans les mécanismes de convertibles et a par exemple développé les mécanismes des célèbres « clic-clac » et « B-Z ». Il est aussi présent dans la production de tissus enduits, comme le similicuir, et travaille avec des clients prestigieux du monde de l’automobile et de grandes marques de luxe du secteur de la bagagerie et de la maroquinerie, qui exportent à travers le monde. Enfin, l’activité du groupe comprend aussi la production de meubles de collectivités, comme les écoles, les médiathèques et les bibliothèques. Voilà les principaux métiers du groupe en Europe. Il y eu de nombreuses évolutions au cours des années, mais aujourd’hui le groupe est présent en Belgique, en France, aux Pays-Bas, en Espagne, au Portugal, en Hongrie et l’était jusqu’à peu à Shanghai. Jusqu’à tout récemment, le chiffre d’affaire global d’environ 600 millions d’euros était réalisé à peu près à parts égales par les activités africaines et européennes du groupe. À la différence de l’Afrique où le développement s’est fait surtout à partir de créations, il y a eu en Europe une succession de rachats d’entreprises.

À quels défis êtes vous confrontés aujourd’hui?

Pour en revenir à la Côte d’Ivoire, il est vrai que nous connaissons une période de croissance, peut-être due en partie à un phénomène de rattrapage après ces années difficiles, et que le pays bénéficie de bases solides puisque l’économie est repartie aussi vite qu’elle avait ralenti. Néanmoins, nos dirigeants comme nous-mêmes faisons face aujourd’hui à de gros défis dans le secteur de l’éducation. Nous avons souffert et souffrons encore du fossé qui s’est creusé dans les années 2000 en terme d’éducation, notamment dans l’enseignement supérieur. L’accent doit donc être mis, selon nous, sur ce secteur social pour que la Côte d’Ivoire puisse continuer à se développer dans le temps sur de bonnes bases. Aujourd’hui, tous les chefs d’entreprises sont confrontés à la difficulté de trouver des gens bien formés. Cela ne concerne pas forcément les élites qui ont pu faire des études à l’étranger, mais il manque une main-d’œuvre qualifiée de niveau BAC+2 à BAC+4 dont nous avons localement besoin pour continuer à développer les entreprises.

Partenariats Eurodind
L’un des souhaits d’Eurofind est de donner une autre dimension au groupe grâce à des partenariats internationaux.

Le groupe est-il engagé à ce niveau?

Le groupe a créé une fondation il y a quelques années, dont l’action principale est située à Daloa, où est né notre Président Fondateur, Monsieur Moustapha Khalil, qui a souhaité participer au développement de la ville. Il y a créé un lycée que le groupe suit et soutient année après année, avec des investissements, des salles informatiques, de nouvelles classes et un programme de bourses pour les élèves. Ce lycée compte aujourd’hui environ 3000 élèves. Nous souhaitons continuer dans cette voie. À l’avenir, l’ensemble des sociétés du groupe va participer en interne à cet engagement, en attribuant chaque année aux meilleurs élèves parmi les enfants de nos salariés, des bourses pour financer leurs études, dans l’espoir qu’ils soient amenés à travailler dans le groupe dans quelques années. Nous souhaitons aussi, par le biais de la fondation, participer au développement d’une école supérieure technique pour former des techniciens dont nous avons grandement besoin. Voilà comment nous essayons, à notre échelle, de participer au développement social.

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