Novamed : Groupe Leader de l’Hospitalisation Privée en Afrique de l’Ouest

Sami Chabenne partage son analyse du secteur privé de la santé en Afrique et explique quelle est la stratégie et les avantages concurrentiels de Novamed, groupe leader de l’hospitalisation privée en Afrique de l’Ouest, issu du Management Buy Out des cliniques d’Afrique subsaharienne de Saham Santé.

Interview avec Sami Chabenne, Directeur Général Groupe à Novamed

Sami Chabenne, Directeur Général Groupe à Novamed

Quelle est votre analyse du secteur privé de la santé en Afrique ? Quelles sont les tendances ?

Toute l’idée de Novamed est née du diagnostic stratégique de la santé privée en Afrique. Quand on regarde l’Afrique de l’Ouest, on se rend compte qu’on se trouve sur un bassin de population assez important. On parle de 150 à 200 millions d’habitants. On est sur un secteur de la santé qui est en capacité très faible (tant quantitativement que qualitativement), surtout dans un contexte où il existe une classe moyenne en émergence. On se retrouve donc dans une situation où, effectivement, les besoins sont supérieurs à l’offre, tant du point de vue de la quantité que du point de vue de la qualité. Au delà de ça, on se rend compte qu’on est sur un secteur qui est totalement déstructuré. Il n’y a aucun groupe médical. Les cliniques sont indépendantes, souvent construites par un médecin. Elles sont donc incapables d’investir et de se développer pour disposer d’un plateau technique aux standards internationaux. Et enfin, on se rend compte qu’il s’agit d’une médecine qui n’a pas suivi la transition épidémiologique, du passage d’une maladie infectieuse au traitement des maladies de longue durée. On se retrouve donc, dans la majorité des cas, à être capables de traiter le paludisme, la grippe, les infections de tous les jours, mais il y en a certaines que nous n’appréhendons pas réellement : les maladies longue durée telles que le cancer, les maladies cardiaques, le diabète, qui sont les maladies du monde développé et qui représentent aujourd’hui en France autour de 60 à 65% des dépenses de santé. Donc, sur ce contexte-là, on s’est dit qu’il y avait quelque chose à faire évoluer en Afrique de l’Ouest. Il y a une opportunité de se positionner et de contribuer à cette évolution.

Tout ce qui est cancer, etc., est moins traité ?

En fait, malheureusement, c’est traité ailleurs pour une toute petite minorité et ce n’est pas traité pour une grande majorité de la population. Et aujourd’hui, il s’agit d’une inadéquation entre les moyens financiers de la population et le coût d’un traitement à l’étranger qui sont souvent extrêmement élevés et prohibitifs pour les populations locales. L’un des points vraiment majeurs du groupe Novamed, c’est de se positionner sur ces traitements-là pour offrir des plateformes de traitement qui sont nettement plus compétitives et qui sont accessibles à une population locale qui du coup, n’a plus besoin de se déplacer et élimine ainsi déjà tous les coûts de transport, d’hébergement, d’accompagnement et, finalement, à des prix nettement inférieurs à ceux de n’importe quel pays où les gens iraient se faire traiter. C’est donc typiquement ce manque, qui est un manque flagrant, que nous souhaitons combler au travers de l’offre que nous sommes en train de construire.

Quels sont les schémas dans d’autres régions d’Afrique ?

Si l’on doit se comparer à d’autres régions, les principaux points de différence consistent d’une part dans le développement de l’offre publique. Nous sommes encore dans une région où l’offre publique est très faiblement développée. Donc, la nécessité de disposer d’un investissement privé est essentielle et primordiale. Aujourd’hui, si vous prenez une vision macro, et que vous regardez les besoins de santé de la population, les besoins d’investissement pour répondre à ces besoins de santé et les budgets publics, le constat est évident : il n’est pas possible au public de combler cette différence. Cela pomperait une partie substantielle du budget public. La présence d’investisseurs privés, leur capacité et leur rôle dans la couverture de ces besoins sont essentiels. C’est le premier point de différence.

Le deuxième point de différence est l’existence de groupes privés. Quelle que soit la région dans le monde que vous regardez, des groupes privés s’y sont déjà développés. Un groupe a certainement plus de capacités d’investissement qu’une clinique individuelle. C’est une donne qui a permis le développement d’offres comme celles que nous souhaitons faire ici dans d’autres géographies et, notamment, en Afrique de l’Est, en Inde, au Népal, etc. Ce sont des pays où des offres privées se sont développées. En ce qui nous concerne, le cœur de notre stratégie est de combler ce besoin, ce manque, et d’être en mesure de les développer.

On est quand même en Côte d’Ivoire. Ce n’est pas le pays le moins avancé d’Afrique…

Ce n’est certainement pas pour rien que nous sommes en Côte d’Ivoire et que nous y avons notre base principale. Elle se distingue de plusieurs manières. D’une part, c’est un pays où il existe plus de compétences et de savoir-faire, d’un point de vue humain, ce qui permet un développement plus rapide. C’est un pays qui, pendant une période, a connu un rôle médical important sur la région. C’était donc un peu le hub médical régional où les gens venaient se faire soigner. Le gouvernement ivoirien déploie beaucoup d’énergie et d’efforts pour développer l’offre médicale publique. D’ailleurs, typiquement, sur l’oncologie, il y a centre public en cours de développement. Sur la cardiologie, il y a un institut de cardiologie. C’est donc plutôt un terreau favorable parce que la compétence existe même si elle reste nettement à développer. En revanche, l’offre quantitative reste extrêmement faible. Pour faire simple, en Côte d’Ivoire nous avons entre 20 000 et 30 000 nouveaux cas de cancer par an. Aujourd’hui, le nouveau centre public est peut-être en capacité d’en traiter 1000 ou 2000 (3000 quand il sera très développé). Il reste encore un gap très important pour arriver à combler les besoins de la population, tant sur le cancer que sur le cardiaque, le diabète, etc. Donc, cela est sûr : la Côte d’Ivoire évolue, mais le chemin qui reste à parcourir est très important. En tant que Novamed, nous souhaitons apporter une pierre à cette construction-là et aider à parcourir une partie de ce chemin en développant une offre privée.

Qu’est-ce que Novamed ? Quels sont ses avantages concurrentiels ?

Dans 2 ou 3 ans, nous visons d’avoir une plateforme opérationnelle. Quand je dis opérationnelle, c’est-à-dire qui dispose d’un centre d’expertise qui fonctionne pleinement, avec de la compétence locale qui aurait été développée.

Comme je le disais, Novamed part de ce constat que nous venons de détailler. Novamed est un groupe de cliniques qui vise à devenir le leader du marché en Afrique de l’Ouest en combinant l’expertise médicale et technologique (c’est pour cela, notamment, que nous nous focalisons sur les maladies longue durée, qui sont des maladies plus complexes d’un point de vue médical) et qui souhaite placer le patient au centre du dispositif. C’est pour cela que nous faisons un énorme effort pour repenser la qualité du circuit patient. Et enfin, comme 3ème élément de notre ADN, il y la bonne gestion. Nous estimons que nous devons inspirer confiance à nos patients. Nous avons des investisseurs qui ont une dimension et des contraintes de bonne gestion et donc, nous souhaitons être exemplaires de ce point de vue-là. Sur la base de ces éléments, qui sont les composantes de notre ADN, nous avons développé une stratégie avec trois grands piliers. Le 1er gros pilier est un pilier d’investissement dans la qualité. Nous investissons de manière substantielle sur la qualité et l’expérience des patients dans nos cliniques. Notre 2ème pilier d’investissement majeur est en lien avec les maladies de longue durée. Nous investissons pour le développement de centres de cancer, de cardiologie et de rééducation fonctionnelle, de psychiatrie et autres maladies de longue durée. Enfin, le 3ème pilier important de la stratégie, c’est de finaliser un dispositif de réseau avec des centres d’excellence qui joueront le rôle d’un hub et des centres d’accueil qui seront ce que l’on appelle des logiques de hub and spoke (réseau en étoile), qui seront présents dans les principales villes d’Afrique de l’Ouest. C’est ce dispositif et cet ADN que le groupe est en train de déployer.

Quel va en être le bénéfice pour le patient ?

Pour le patient, les bénéfices sont multiples. D’une part, le focus principal et la raison d’exister, c’est un bénéfice de qualité. Nous améliorons substantiellement nos plateaux techniques, nous revoyons l’ensemble de nos processus, pour être en phase avec les normes internationales. Il se trouve que le groupe Novamed retravaille ses process selon les normes françaises, et donc, de la haute autorité de santé. Enfin, nous souhaitons faire bénéficier à ces patients un prix tout à fait compétitif puisque nous visons le plus grand nombre. Nous ne visons pas une médecine d’élite, mais disons une médecine de classe moyenne et de masse et donc, le patient bénéficiera de la qualité, du bon accueil, avec un prix tout à fait raisonnable, et qui est certainement plus compétitif que l’ensemble des concurrents ou que l’ensemble des offres concurrentes dans l’ensemble des pays de tourisme médical.

Donnez nous un exemple.

Prenons le cas d’un patient atteint d’un cancer et qui se trouve au Burkina. Aujourd’hui, ce patient n’a aucune solution locale pour être traité. Donc, que fait-il ? Dans 99 ou 99,5 % des cas, il n’a pas le choix. Il fait un peu de chimiothérapie, et malheureusement, l’issue est fatale. Seule une toute petite minorité est capable de voyager. Nous, dans notre clinique du Burkina, nous proposons d’accueillir ces patients, de faire des diagnostiques et d’initier un traitement local, de stabiliser ces patients et de leur proposer d’aller se faire traiter à Abidjan pour les traitements plus lourds (que ce soit la chirurgie ou la radiothérapie). Tout le monde sait qu’il y a des liens très forts entre le Burkina et Abidjan. Souvent les personnes ont de la famille à Abidjan. Les coûts de transport ne sont pas très élevés. Nous rendons faisable cette possibilité pour le patient de venir se faire traiter à Abidjan. Pour être très concret, un patient qui veut se faire traiter avec des séances de radiothérapie en France devra débourser autour de 40 à 50 000 EUR pour pouvoir supporter ce traitement. S’il va au Maroc, qui est une option plus économique, il devra, en tenant compte de son déplacement et de son accompagnement, débourser de 10 à 15 000 EUR pour pouvoir faire ce traitement. Nous, nous proposons un traitement autour de 3 à 4 000 EUR à Abidjan, ce qui veut dire que nous sommes en train d’ouvrir des horizons énormes à un nombre très important de personnes qui aujourd’hui n’ont pas de solution de traitement, en leur permettant d’en avoir une. Au-delà de ce fait-là, ces personnes reviennent dans leur pays d’origine une fois traitées et nous avons les moyens de les suivre (et donc d’assurer un suivi et une surveillance du cancer pour pouvoir, en cas de récidive, le traiter et apporter des solutions). C’est une valeur ajoutée énorme pour ces patients. La réalité, c’est que nous offrons certainement une solution qui est plus efficiente d’un point de vue médical que la solution qui consiste à aller se faire traiter dans un pays très cher avec une excellente plateforme de traitement, mais une surveillance amoindrie une fois que les gens reviennent chez eux, parce que cela devient très compliqué au bout de 6 mois, 1 an ou 2 ans, de continuer à aller faire les contrôles à l’étranger ou de se brancher sur un système de contrôle différent. Donc, nous pensons que notre proposition pour le patient pourra lui changer la vie et sauver les vies d’un nombre substantiel de personnes qui aujourd’hui n’ont pas les moyens de le faire.

Quels sont vos besoins ?

Aujourd’hui, pour mettre en œuvre notre développement, nous avons besoin de ressources humaines. C’est l’un des points les plus durs de notre développement et c’est probablement l’investissement le plus important que nous faisons parce que, comme nous visons la qualité, et que nous visons en même temps des spécialités qui sont peu développées, nous sommes obligés d’investir de manière très importante nous-mêmes dans la formation des ressources. Donc, nous avons en ce moment, un nombre très important de personnes qui sont en train de se former, soit au Maroc, soit en France, pour être capables d’opérer ces nouvelles spécialités. Et, en parallèle, nous avons mis en place des programmes de formation (et de formations continues, notamment). L’ensemble de nos ressources est en phase d’être reformé dans une logique d’amélioration continue pour être en mesure d’apporter cette offre qualitative. Donc, cela est un pilier, qui est le pilier de la formation et des ressources humaines. Un autre besoin important pour nous, c’est un besoin financier. Et comme vous le savez certainement, il est très difficile d’avoir de la dette en Afrique de l’Ouest, et donc, c’est l’un des sujets de discussion en ce moment : assurer les ressources financières nécessaires pour poursuivre le développement et la réussite de Novamed.

Qu’auriez-vous à dire et à proposer à des investisseurs potentiels lorsque vous aurez accompli votre mission ?

Nous pensons que nous allons proposer une plateforme. L’idée de Novamed est de constituer une première plateforme qui est une plateforme qualitative, bien gérée, qui dispose des spécialités clés et qui sont les spécialités qui vont se développer, pour lesquelles les besoins sont les plus importants. Donc, nous proposons une structure qui est une plateforme de développement, car aujourd’hui, les besoins sont ce qu’ils sont, mais les besoins sont en croissance exponentielle dans ces pays pour plusieurs raisons. D’une part parce qu’il y a un rattrapage. C’est-à-dire qu’il y a des gens qui aujourd’hui n’ont pas les moyens, ou la conscience de se faire traiter et qui vont l’avoir progressivement ; il y a une augmentation de la population et une augmentation des moyens (on est sur des croissances de PIB qui sont nettement supérieures à d’autres zones dans le monde). Donc on a plusieurs moteurs de croissance qui vont alimenter les volumes et rendre la plateforme Novamed encore plus performante, encore plus nécessaire, et lui donner d’énormes potentiels de développement et de rôles dans la réponse aux besoins des populations locales. Nous pensons réellement que la plateforme est de nature à apporter une amélioration substantielle, une contribution à la santé publique dans les pays où elle sera présente.

Est-ce que vous travaillez avec le gouvernement ?

Nous cherchons à développer des modèles en PPP, et donc nous sommes en train de discuter avec plusieurs gouvernements sur des solutions où nous contribuons à l’investissement et où nous opérons une partie pour l’Etat. Le cadre réglementaire aujourd’hui n’y est pas très favorable, mais nous espérons que dans le développement de Novamed, nous pourrons proposer des solutions très intéressantes aux gouvernements [en tout cas nous pensons pouvoir le faire], dans une logique de PPP.

Vous avez déjà des choses qui ont été mises en place. Est-ce que vous pouvez nous donner des exemples de success-stories ?

Absolument. Nous avons démarré notre développement il y a un an et demi, et donc nous sommes en pleine transition. Mais aujourd’hui, nous avons réussi à rénover une clinique qui est vraiment passée du 20ème au 21ème siècle. Nous avons mis tous les processus médicaux en place. Nous avons revu l’ensemble de l’infrastructure qui a été rénovée mètre carré par mètre carré. Nous avons installé un centre de cardiologie et un centre de chirurgie cardiaque à cœur ouvert. C’est le centre de cardiologie le plus à la pointe en Afrique de l’Ouest et nous sommes en train de finaliser la mise en œuvre du centre de radiothérapie à la polyclinique des II Plateaux [centre qui devrait être opérationnel avant la fin de 2018].

Où en serez-vous dans 2 ou 3 ans si tout se passe comme prévu ?

Dans 2 ou 3 ans, nous visons d’avoir une plateforme opérationnelle. Quand je dis opérationnelle, c’est-à-dire qui dispose d’un centre d’expertise qui fonctionne pleinement, avec de la compétence locale qui aurait été développée. Aujourd’hui, nous nous appuyons beaucoup sur de la compétence mixte, surtout sur les nouvelles spécialités. Nous sommes obligés d’avoir recours à de la compétence internationale qui vient nous aider à former nos ressources locales. Donc, ce que nous visons, c’est, à minima, d’avoir un centre de cardiologie totalement opérationnel avec de la ressource locale, un centre de chimiothérapie et de radiothérapie ; et puis d’avoir même une capacité de redéploiement sur ces deux spécialités. J’espère que d’ici 2 ans, nous aurons initié la construction d’un centre supplémentaire, soit de cardiologie, soit d’oncologie, sur l’Afrique de l’Ouest. Il s’agit là du premier volet.

Pour le second volet, nous souhaitons être présents à minima dans 5 pays en dehors de la Côte d’Ivoire, où nous avons des centres de diagnostic et de suivi des patients, qui sont des centres de recrutement, pour offrir ces possibilités de traitement que nous avons développées à Abidjan dans les centres d’expertise. C’est cet ensemble de dispositifs humains avant tout, en termes de compétences, de spécialité sur les maladies de longue durée et de logique de réseau, que nous souhaitons réaliser dans les 2 ou 3 ans qui viennent.

Y a-t-il quelque chose que vous souhaiteriez ajouter ?

Je voudrais insister aussi sur la valeur ajoutée de ce projet pour les médecins. C’est un projet qui offre à l’ensemble des ressources humaines, dont les médecins, la possibilité de progresser. Je pense que cela est très important dans notre dispositif de donner de la perspective. Je pense qu’il y a une perspective « patient » qui est très intéressante. Il y a une perspective « investisseur » qui est très intéressante. Il y a aussi une perspective « médecin » à qui nous offrons une possibilité de se spécialiser, de réaliser de vrais projets médicaux qui sont à valeur ajoutée pour le pays et qui permettent à l’individu de s’épanouir pour aller au-delà de ce qu’il sait faire et de ce qu’il a fait jusqu’à présent. L’idée est de mettre en œuvre cette logique de progrès et d’être à la page, d’être au niveau international en termes de compétences et d’expertise. C’est une composante importante, car il s’agit vraiment d’une trilogie « patient-médecin-clinique/investisseur » qui permet la réussite du modèle.

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