BTP : Présentation de la Société des Entreprises Koman par Daouda Koman

Daouda Koman explique quelles sont les tendances actuelles dans le secteur du BTP en Côte d’Ivoire et présente la SEK (Société des Entreprises Koman), ses réalisations, ses avantages concurrentiels, sa stratégie et ses objectifs à long terme.

Interview avec Daouda Koman, PDG de la SEK (Société des Entreprises Koman)

Daouda Koman, PDG de la SEK (Société des Entreprises Koman)

Quelles sont les tendances actuelles dans le secteur du BTP en Côte d’Ivoire ? Quels sont les grands travaux à faire, et les besoins sur ce marché ?

Depuis bientôt 2 ans, on observe un petit ralentissement, compte tenu des travaux qui ont déjà été réalisés et n’ont pas encore été payés par l’État de Côte d’Ivoire. Nous espérons que dans les années à venir, les choses pourront redémarrer normalement. Nous avons rencontré à ce sujet les autorités de Côte d’Ivoire pour manifester nos inquiétudes par rapport aux travaux qui ont eu lieu avec une absence ou des retards de paiement. Les autorités en sont conscientes, et ont même pris des dispositions courageuses : elles se sont engagées à ce qu’à partir de maintenant, aucune commande ne soit passée tant que les fonds ne sont pas disponibles. Nous avons été rassurés par ces engagements ; nous avons dans le cadre de ces réalisations des partenaires financiers, des banques qui nous accompagnent, et qui sont très inquiètes du volume des impayés et de leur délai. Les banques sont également rassurées, et demanderont effectivement à voir la preuve de la disponibilité des fonds avant le démarrage des travaux.

Compte tenu de cette situation, vous n’avez pas attendu : vous avez décidé de vous diversifier. Parlez-moi de vos compétences : que propose votre entreprise ?

SEK (Société des Entreprises Koman) existe depuis 40 ans et nous travaillons sur les marchés publics depuis 1984. Nous avons accumulé au cours de cette période une grande expérience : construction de routes en terre ou en bitume, travaux d’assainissement, drainages, ouvrages d’art (ponts), aménagement de bas-fonds, travaux maritimes, vente de produits préfabriqués, manufacture de béton, commercialisation de produits bitumineux, etc. Par ailleurs, nous avons ouvert des brèches hors de la Côte d’Ivoire, dans les pays de la sous-région : Burkina Faso, Nigéria, Guinée, où nous avons réalisé le même type de travaux. Par exemple, en Guinée, nous avons aménagé 700 hectares de bas-fonds agricoles pour la culture du riz. Nous avons construit plus de 350 km de routes en terre, ainsi que des barrages de retenue d’eau pour l’agriculture et l’élevage. Nous avons construit des routes bitumées au Liberia, ainsi que des ponts. Nous avons fait des travaux au Burkina Faso dans le cadre de l’opération qu’ils appellent Ouaga 2000 : c’est nous qui avons fait le bitumage de Ouaga 2000 dans la ville de Ouagadougou, ainsi que celui du palais présidentiel. Voilà en quelques mots l’expérience que nous avons dans le secteur.

En Côte d’Ivoire, nous avons beaucoup travaillé avec des promoteurs immobiliers. Nous avons été le partenaire de la plupart des grands promoteurs immobiliers pour les travaux de viabilisation et de bitumage. Pour ce qui est de l’aménagement des bas-fonds, nous en avons aménagé plus de 150 hectares dans le cadre d’un projet appelé PAID financé à 100% par la BAD. Autour de ce programme, nous avons réalisé à peu près 200 km de routes en terre. Voilà notre savoir-faire dans ce domaine.

Aujourd’hui, les appels d’offre deviennent de plus en plus concurrentiels, le secteur devient agressif, des entreprises étrangères arrivent, qui possèdent une expérience et des moyens plus importants. Nous voulons proposer à l’État de Côte d’Ivoire, dans le cadre du PND (Plan National de Développement) 2016-2020, des investissements que nous mettrons en place avec des investisseurs partenaires pour effectuer les réalisations du PND. Par exemple, le troisième pont qui a déjà été réalisé. Il y a d’autres projets, et nous voulons proposer à l’État de les financer, soit en BOT (Build–Operate–Transfer), soit avec paiement après réalisation.

Quels sont les domaines où vous avez un réel avantage concurrentiel, et les plus importants pour vous en termes de marge ? Est-ce par exemple la viabilisation de terrain ? Avez-vous intérêt à investir, à aménager vous-mêmes les terrains et à pouvoir les vendre ?

En matière de travaux obtenus après appel d’offre, les marges sont très réduites, car les contrats s’obtiennent au prix d’une concurrence féroce. Ces contrats se font aussi de plus en plus rares.

En revanche, en matière d’aménagement urbain, la demande est largement supérieure à l’offre. Tous les Ivoiriens veulent avoir un toit, pour cela il faut un terrain viabilisé, c’est la nouvelle politique de l’État de Côte d’Ivoire ; il faut donc des voies bitumées, des réseaux de drainage des eaux pluviales, de l’eau potable et de l’électricité. C’est le minimum ; cela peut éventuellement se compléter par un réseau d’évacuation des eaux usées, et avec le téléphone. Mais avec les éléments principaux, c’est-à-dire la voirie, l’eau potable, l’électricité et le réseau de drainage des eaux pluviales, on a déjà un bon aménagement qui permet à la population de se loger décemment. Le paiement ne pose à ce niveau aucun problème ; dès lors que la demande est plus forte que l’offre, à chaque fois qu’une zone viabilisée est mise sur le marché, on a immédiatement des acquéreurs.

Pour ces projets, avez-vous besoin de partenaires ? Empruntez-vous aux banques, travaillez-vous avec des investisseurs, ou financez-vous cela avec vos fonds propres ?

Jusqu’à récemment, c’était l’État de Côte d’Ivoire qui viabilisait les terrains et qui gérait la commercialisation ; nous agissions alors pour le compte de l’État. Depuis une quinzaine d’années, quelques privés s’y sont intéressé ; on peut alors soit être accompagné par une banque, ou travailler avec fonds propres ; dans ce cas, on peut trouver des partenaires investisseurs. C’est ce que nous proposons à certains partenaires étrangers. En principe, on n’a pas de difficulté à en trouver.

Dans le cadre de vos réalisations actuelles, quelle est la part de l’international ?

Nous existons depuis 40 ans et travaillons sur les marchés publics depuis 1984. Nous avons accumulé au cours de cette période une grande expérience : construction de routes en terre ou en bitume, travaux d’assainissement, drainages, ouvrages d’art (ponts), aménagement de bas-fonds, travaux maritimes, vente de produits préfabriqués, manufacture de béton, commercialisation de produits bitumineux, etc.

En ce moment, nous travaillons en Côte d’Ivoire pour l’État de Côte d’Ivoire ; il s’agit de marchés que nous avons obtenus à la suite d’appels d’offres, qui sont en train d’être terminés ; nous travaillons aussi hors de la Côte d’Ivoire comme je vous le disais. Nous travaillons en ce moment au Libéria ; en Guinée et au Burkina Faso, notamment compte tenu des événements récents, nos activités sont en baisse mais nous comptons les reprendre bientôt. À l’époque de la crise en Côte d’Ivoire, au début des années 2010, nous avons arrêté nos activités ici et avons beaucoup travaillé au Libéria. Nous avons ensuite repris progressivement nos activités en Côte d’Ivoire, mais ce n’a pas été facile ; la concurrence était déjà là, et les difficultés de paiement ont commencé au deuxième semestre 2015. En 2016, nous n’avons pas été payés du tout, et 2017, c’est un peu pareil.

Quelle est la stratégie du groupe ?

Ce sont les points que j’ai évoqué : BOT ; aménagement, viabilisation et commercialisation de terrains. On parle d’un niveau d’investissement de plusieurs centaines de milliards, il ne faut pas aller plus loin, car ensuite nous ne serons plus en mesure de tenir nos engagements. Si on a un projet en BOT, et un ou deux projets de viabilisation, ça suffit largement. Si ces projets aboutissent, nous ne nous intéresserons sans doute plus aux appels d’offre de l’État. Nous envisageons d’aller au-delà de ces travaux : une fois les terrains viabilisés, nous pourrions approcher les Ivoiriens, en local ou ceux de la diaspora, pour voir s’ils sont intéressés par des bâtiments que nous pourrions poser sur ces terrains viabilisés : en d’autres termes, aller jusqu’à la promotion immobilière. Comme vous le voyez, cela représente déjà énormément d’activité et de travail.

Quel serait votre message à de potentiels investisseurs à l’international ?

Venez avec nous en Côte d’Ivoire : voyez les produits que nous proposons, et surtout ce que vous pouvez gagner. Vous avez un partenaire sûr, avec plus de 40 ans d’expérience sur le terrain, dans l’aménagement urbain, la construction routière, les travaux d’assainissement, la construction de réseaux d’eaux usées, eaux pluviales, eau potable, etc. La Côte d’Ivoire est un pays sûr ; les produits peuvent être vendus : on n’a pas affaire à l’État, mais à des privés qui ont des épargnes sûres et sont prêts à mettre la main à la poche pour investir dans l’immobilier. Je pense que ce sont des arguments convaincants pour attirer les investisseurs : un partenaire fiable et expérimenté, un pays stable et une clientèle solvable.

Pour conclure, comment vous voyez-vous à long terme, dans 5 à 8 ans ? Que sera SEK si tous vos projets se concrétisent ?

Nous avons prospecté à l’étranger, nous connaissons les marchés de la Guinée, du Burkina et du Libéria. Nous voulons y développer ce que nous avons fait ici. Ces pays, comme tous les pays africains, ont besoin d’infrastructures : routes, logements, assainissement, ponts… Tous ces pays sont dans le besoin, certes à des degrés différents. Nous avons travaillé en Guinée pendant plus de 10 ans, nous savons à quel point ces pays sont en manque d’infrastructures, même de logements. C’est pareil pour le Burkina ou le Libéria. Nous comptons également aller au Mali. Les besoins sont réels, les gens sont prêts à payer. Notre stratégie ne doit pas compter uniquement sur le financement des États ; nos États, en Côte d’Ivoire ou ailleurs, ont souvent des ressources limitées compte tenu de la mauvaise vente de nos matières premières, je ne vous apprends rien. Les appels d’offre sont de plus en plus concurrentiels, et les paiements de moins en moins assurés, et l’État attribue souvent les marchés aux prix les plus bas. Une entreprise qui veut prospérer doit chercher d’autres moyens de survivre ; s’accrocher uniquement aux marchés publics est extrêmement risqué. Il faut trouver des solutions alternatives ; c’est ce que nous avons fait. J’espère pouvoir vous réinviter d’ici deux ans, et vous montrer ce que nous avons accompli.

Êtes-vous intéressés par des investisseurs qui prendraient des parts dans votre entreprise ?

Nous travaillons avec des partenaires qui investissent sur des projets précis. En effet, quand on démarre un partenariat avec une autre entreprise, on ne la connaît pas. Il nous est arrivé de signer des partenariats en Côte d’Ivoire sur des projets précis avec des partenaires locaux, et cela ne s’est pas bien passé. Ils nous ont contacté pour mettre en place le partenariat, nous leur avons fait confiance, mais nous nous sommes aperçus que nous avions fait le mauvais choix. Aujourd’hui, nous testons les partenariats sur des projets ; si ceux-ci se passent bien, on peut alors envisager de passer à l’étape suivante. C’est une question de prudence.

Pour conclure, le point le plus important dans une entreprise, ce sont ses ressources humaines. Notre entreprise a plus de 40 ans, l’expérience compte beaucoup et c’est entre autres cela que nous avons à montrer à nos partenaires étrangers. Avec le temps, nous incorporons de plus en plus de ressources humaines. Il y a 30 ans, nous n’avions pas besoin d’électroniciens : aujourd’hui, nous ne pouvons pas nous en passer. Nous n’avions pas besoin de responsable qualité ; aujourd’hui, nous avons tout un département qualité au sein de l’entreprise, que nous avons mis en place depuis les années 90. Nous avons un département juridique ; un département technique (ingénieurs travaux, d’étude et qualité). Nous avons des informaticiens à la hauteur des missions qui leur sont assignées. Nous avons sur le terrain des agents expérimentés, qui ont entre 15 et 20 ans d’expérience. Ce sont ces ressources humaines de qualité que nous présentons à nos partenaires étrangers.

Un mot sur votre capitalisation ?

Il y a 35 ans, nous avons commencé avec un capital de 10 millions. Puis, nous sommes passés à 100 millions. Quand nous sommes allés à l’international, la condition sine qua non était d’avoir un capital assez consistant pour convaincre les pays étrangers où nous allions. Nous sommes donc passés à 1,1 milliard.

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