Architecture : Réalisations et Projets de Koffi & Diabaté par Issa Diabaté

Issa Diabaté présente quelques réalisations et projets de l’agence Koffi & Diabaté, allant du logement aux bureaux d’affaires en passant par les lotissements ou encore les opérations immobilières, en Côte d’Ivoire et dans la sous-région. En 1994, il rejoint le cabinet SAU Guillaume Koffi en tant que stagiaire, pour y revenir en 1995, en qualité de Chargé des Projets Architecturaux. En 2001, il devient l’associé de Guillaume Koffi avec la création de Koffi & Diabaté Architectes.

Interview avec Issa Diabaté, Co-Fondateur de Koffi & Diabaté Group et Directeur Général de l’agence Koffi & Diabaté Architectes

Issa Diabaté, Co-Fondateur de Koffi & Diabaté Group et Directeur Général de l’agence Koffi & Diabaté Architectes

Vous êtes le leader ici en Côte d’Ivoire et vous avez également des projets à l’international, dans divers pays. Quelle est votre « patte » par rapport à d’autres cabinets ?

Je pense que ce qui nous caractérise, par rapport à d’autres agences d’architecture en Afrique, c’est d’avoir eu assez vite l’ambition de voir la modernité, de commencer à produire en anticipant ce qui allait se passer dans les années à venir, c’est sans doute cette ambition, cette envie d’aller au-delà de ce qui existe actuellement. Quand on regarde nos villes, l’état dans lequel elles sont, et quand on regarde les développements qu’il y a pu y avoir dans les années 60/70, pas uniquement à Abidjan, mais sur pas mal de capitales africaines, on voit bien qu’il y a eu une rupture à un certain moment. Et pour nous, l’ambition est de pouvoir renouer avec ces visions de développement, qui ne sont pas uniquement des visions urbaines, en rapport avec l’urbanisme, mais des visions de société qui sont retranscrites par l’architecture et par le cadre bâti.

Vous avez effectué des réalisations dans plusieurs domaines, parlons déjà du résidentiel. Vous avez réalisé des villas pour des particuliers pour lesquelles vous êtes allés au-delà du simple volet architectural, et avez géré le projet de A à Z. Pouvez-vous nous parler de vos projets de manière générale et notamment du projet actuel de 228 logements appelé Abatta Village ?

Ce qui est intéressant dans la démarche, avant d’arriver à Abatta Village, c’est d’être passé par Les Résidences Chocolat. C’est un programme de 32 logements, 18 appartements et 14 maisons, que nous avons initié en 2013 et pour lequel il était important pour nous de rompre avec les liens que l’on aurait pu avoir avec l’État et d’entamer une démarche individuelle. Cela impliquait que nous allions pouvoir intégrer dans le processus un certain nombre de sujets ayant trait au développement durable, mais également au développement futur de la ville, aux besoins en densification, en espaces verts, et aussi au fait que les différents habitants de cette ville renouent avec la vie en communauté. Les Résidences Chocolat, par exemple, est un projet où nous avons en commun un certain nombre de commodités : groupe électrogène, espaces verts, espaces de vie communs, parking ; je pense que l’une des particularités de ce projet est d’avoir installé l’intégralité des parkings en sous-sol, de sorte à n’avoir aucun véhicule qui circule au sein de la concession. Le fait d’avoir fait cela nous a permis de développer un parvis, que tous les habitants peuvent utiliser, et ne serait-ce que cette petite démarche a permis aux habitants de Chocolat, qui vivent actuellement sur le site, de renouer avec ce qu’est le rapport aux voisins, à la communauté, à l’intérêt qu’on peut avoir à la gestion de la chose en commun. C’était donc déjà intéressant de voir, avec Chocolat, que c’était effectivement possible. Certaines choses que l’on avait imaginées ne sont pas encore réalisées, comme la présence massive d’enfants dans un site comme Chocolat, mais c’est aussi en cohérence avec le positionnement du produit : c’est un produit qui, par définition, s’adresse plus aux gens qui sont dans une deuxième phase de vie, au-delà de 50 ans, où les enfants sont déjà partis ; c’est quelque chose que nous devons prendre en compte dans la réalisation de nos projets futurs.

Les Résidences Chocolat
Ce complexe immobilier de luxe constitué de 14 maisons de ville et de 18 appartements répartis en 2 immeubles de type R+2 propose un nouveau type d’habitation à Abidjan. Avec 32 logements sur une surface globale d’1,100 ha, les notions de densification et de mutualisation des espaces furent des facteurs-clés du projet. Cet éco quartier a été conçu pour donner une large superficie aux espaces verts et piétonniers, tout en favorisant une végétation abondante qui protège les habitations du soleil et crée un microclimat.

Ce qui est intéressant avec Abatta Village, c’est qu’il vient après Chocolat. Les Résidences Chocolat avaient quelque part un côté élitiste, inspirationnel, car c’est intéressant d’amener des gens qui ont l’habitude de vivre sur des espaces relativement généreux et des jardins de 2000 m2, à habiter une concession de 400 m2, pour un logement qui est positionné comme « luxe ». Aujourd’hui, on fait donc la transition du luxe vers le moyen standing, il sera plus facile d’imposer aux acquéreurs d’habiter sur des parcelles plus réduites. Donc ce que nous expérimentons avec Abatta, c’est de renforcer cette densification. On était avec Chocolat sur une trentaine de logements à l’hectare, on est aujourd’hui à plus de 95 logements à l’hectare, ce qui nous permet de développer 220 logements. Mais le fait de pouvoir travailler sur une matière plus large nous permet aussi de tester d’autres choses. Par exemple, on va vraiment pouvoir tester ce que c’est que la mixité sociale, à l’échelle d’un lotissement comme Abatta, avec des produits de différentes gammes. Cela permet à des gens d’origines sociales mixtes de partager un espace commun de la même façon. Cela signifie que le rapport que l’on a à l’espace commun, que l’on soit dans un logement haut-de-gamme ou moyen-de-gamme va rester le même, ce qui va renforcer la mixité sociale. Mais quand on développe un programme comme Abatta, on a également la possibilité de tester d’autres choses, comme par exemple introduire du tertiaire dans le programme. Au-delà des logements, on aura donc aussi des espaces de bureaux, des espaces commerciaux et on va donc retrouver les piliers de ce nouvel urbanisme que nous avons vocation à développer : pouvoir se loger, pouvoir travailler, pouvoir se livrer à ses loisirs sur une empreinte relativement restreinte.

Abatta Village
Projet de construction d’un éco-quartier mixte à Abatta comprenant 220 logements (répartis en immeubles d’appartements et villas), des espaces commerciaux, de loisirs, un complexe sportif et une marina.

Donc contrairement à Abidjan, où on trouve des quartiers résidentiels, des quartiers d’affaires, etc., on renoue avec l’idée de ce qu’était la ville à l’origine ?

Je pense que ce qui nous caractérise, par rapport à d’autres agences d’architecture en Afrique, c’est d’avoir eu assez vite l’ambition de voir la modernité, de commencer à produire en anticipant ce qui allait se passer dans les années à venir.

C’est un peu l’idée, effectivement. Quand vous regardez des quartiers comme Cocody-centre, qui ont été développés dans les années 60, on voit déjà la volonté de vouloir favoriser la proximité de différentes couches sociales. Vous avez du logement en bandes, du logement collectif, du logement villa, du logement de grand standing, tout cela dans un seul et même quartier, sur une empreinte réduite, avec des marchés, des commerces, etc. C’est dommage que l’on ait perdu cette vision qui existait déjà dans les années 60 et qui offrait quand même pas mal d’espaces verts et de respiration, qui présageait de ce que pourrait être la ville africaine à l’horizon des années 2000, mais qui s’est laissée polluer par la vision des années 80, avec de grands ensembles résidentiels, comme on en trouve aux II-Plateaux ou à la Riviera. La prolifération de cette vision a apporté une forme de ségrégation dans la ville, avec des quartiers résidentiels, des quartiers commerciaux, des quartiers populaires et nous pensons véritablement qu’il est temps de faire la démarche inverse, de pouvoir démocratiser les quartiers, qu’ils n’aient pas tous le même « make-up » social. On sait désormais qu’on a besoin de conserver le lien entre les différentes couches de la société. Quand vous habitez un quartier résidentiel et que vous avez des employés qui habitent à 20 ou 30 km de leur lieu de travail, vous perdez en efficacité.

C’est vendable pour les classes aisées, qui aiment parfois se retrouver entre elles, dans un petit espace, avec le statut social lié au fait d’habiter dans un quartier en particulier…

Je pense que le fait d’habiter autrement va permettre de briser ces espaces de confort. Parfois, on se rend compte qu’au-delà d’habiter un quartier, on a mode de vie qui a besoin d’être efficace et de nous apporter un certain confort, et on se rend compte que le fait d’avoir des quartiers complètement ségrégués nous éloigne de ce confort. Nous espérons donc, avec des exemples comme ceux des Résidences Chocolat ou d’Abatta Village, casser cette notion de vouloir habiter son quartier, une zone qui représente un certain statut, et entrer plutôt dans la démarche où l’on habite une ville, un environnement urbain, où l’on a ses petites habitudes, où l’on limite l’impact des déplacements, où l’on ne se retrouve pas dans des embouteillages de 2 ou 3 heures, où l’on a du personnel qui habite à proximité, où l’on peut mettre un certain nombre de commodités en commun. Je pense que c’est plutôt vers ça que s’oriente le confort de la ville de demain.

Agence Koffi & Diabaté Architectes
Créée en 2001, l’agence Koffi & Diabaté Architectes s’articule autour de ses deux associés et d’une équipe de 45 personnes qui croient tous fortement que le partage et l’échange sont l’ultime gage d’une nécessaire ouverture d’esprit.

Vous appelez ça la « mobilité de tous » : on se déplace à pied.

Oui, exactement. Pour éviter les embouteillages, si on évite le déplacement tout court, je pense qu’on fait un grand pas. Cela évite d’avoir à régler d’autres problèmes qui viennent avec le déplacement, comme la distance et la congestion urbaine, et cela permet d’imaginer d’autres organisations de travail qui sont aujourd’hui en train de s’installer avec les nouvelles technologies : ne pas nécessairement avoir à se déplacer pour rejoindre son lieu de travail, mais avoir une certaine ergonomie de travail qui pourrait avoir lieu aussi bien dans son habitat que dans d’autres espaces où l’on peut mettre en place des synergies de travail, comme des espaces de co-working, qui à mon avis présagent de ce qui va se passer dans quelques années.

À quelle phase de développement le projet Abatta Village se trouve-t-il actuellement ?

Normalement, nous commençons la construction au mois de septembre, et dans la foulée la commercialisation.

Vous n’êtes pas seulement dans le résidentiel, mais aussi dans le corporate. Pouvez-vous nous parler de certains projets phares, et de vos perspectives ?

Dans le côté commercial, il y a deux projets qui sont emblématiques du début de notre carrière, deux concours que nous avons remportés en 1996 et 1998, qui étaient pour le premier le siège de la Banque Centrale des États d’Afrique de l’Ouest à Daloa, et le deuxième, un bâtiment pour la caisse de retraite des agents de l’UEMOA (BCEAO, BRDN, Commission Bancaire, etc.). Ce sont des bâtiments qui ont permis de montrer au grand jour notre savoir-faire et de donner une autre impulsion à notre carrière. Par la suite nous avons fait pas mal de bâtiments tertiaires, notamment à Libreville avec l’immeuble GML d’une quinzaine d’étages, à Abidjan avec l’immeuble de la Bridge Bank, et aujourd’hui, nous avons quelques projets du même type, comme le siège d’Orange Côte d’Ivoire que nous avons remporté en 2015 à la suite d’un concours et dont la construction devrait démarrer incessamment ; ou encore un projet pour le siège du Groupe Eurofind. Donc à côté de notre démarche en tant que développeurs, nous continuons notre parcours en tant qu’architectes.

D’ailleurs, pour le siège d’Orange, vous étiez en concurrence avec des cabinets internationaux, n’est-ce-pas ?

Oui, nous étions en concurrence avec deux cabinets internationaux d’origine française, nommément Patriarche et Architecture Studio.

Agence Koffi & Diabaté Architectes
Le projet du siège d’Orange Côte d’Ivoire est un immeuble tertiaire de nouvelle génération, inscrit dans une démarche de haute qualité environnementale, qui conjugue des plateaux de bureaux flexibles et efficients avec des espaces de circulation généreux, vrais lieux de vie et de travail collaboratif.

Et pour cette partie de votre activité, avez-vous prévu d’aller plus loin, comme vous l’avez fait pour le résidentiel ?

Bien sûr, la démarche de développement et la démarche d’architecte classique est aussi nourrie par notre démarche en tant qu’architectes qui font de l’expérimentation. Pour cela, nous avons beaucoup travaillé sur le village d’Assinie-Mafia, à 1h30 d’Abidjan, où nous faisons de l’urbanisme de proximité, ce qui nous permet non seulement de tester pas mal de choses en termes d’urbanisme, mais aussi en termes d’architecture. Nous avons pu tester une nouvelle typologie de bâtiments, qui implique au-delà de la mobilité douce, de la passivité : des bâtiments rafraîchis naturellement par l’air, avec des toitures ventilées, des séjours traversants, où on limite au maximum l’utilisation de la climatisation. Par la suite, nous sommes allés un peu plus loin en testant la même chose au niveau de l’urbanisme : comment fédérer des voisins sur l’identité d’un quartier, d’un lieu, comment introduire des trottoirs, comment planter, introduire des espaces verts, des espaces publics… Évidemment, dans un village c’est beaucoup plus facile à faire qu’en ville, mais cela sert d’exemple et d’expérience. Cela nous permet de savoir les expériences qui peuvent marcher, et comment les mener. Cela nous permet également de fédérer certaines personnes autour de cette démarche, car ce n’est pas une démarche purement technique, mais une démarche qui engage des personnes, une communauté. Cela étend le rôle de l’architecte : pour moi, ce sera le rôle de l’architecte de demain, notamment en Afrique. Au-delà de créer un objet et de construire, on sera dans une démarche qui va bâtir quelque chose d’intellectuel : bâtir des communautés, impliquer les gens dans le respect de l’environnement. Comment mener des démarches individuelles en-dehors de l’État ; comment prendre en compte l’importance de son environnement sans forcément y être contraint. Pour nous, l’architecte de demain doit être un agent du changement, de manière plus générale, pas uniquement sur le cadre du bâti.

Vous voulez développer ce côté collaboratif : il n’y a donc pas qu’une tête pensante, tout le monde participe ?

Oui, je pense qu’il est important que tout le monde participe car aujourd’hui, on a un peu tendance à remettre sa responsabilité sur le dos de l’État, en affirmant que l’État devrait prendre en charge telle ou telle chose. C’est vrai ; mais en l’absence d’une démarche étatique, il y a les citoyens qui doivent pouvoir montrer leur capacité à changer les choses. J’aime donner cet exemple en rapport à un quartier informel d’Abidjan, qui est à Adjoufou où, avec un groupe de jeunes architectes, nous avons menés une action. Ce qui en est ressorti, c’est qu’en l’absence de l’État, les gens se prennent en charge. Ils font la collecte des ordures, ils organisent la sécurité, la propreté. On se rend donc compte que les citoyens peuvent être un relai aux prérogatives de l’État.

Agence Koffi & Diabaté Architectes
L’agence Koffi & Diabaté Architectes travaille sur un large éventail de projets allant du logement aux bureaux d’affaires en passant par les lotissements ou encore les opérations immobilières, en Côte d’Ivoire et dans la sous-région. Son but est de bâtir des édifices modernes, de qualité, tout en prenant en compte le style de vie et l’identité culturelle de ses clients.

Pourriez-vous nous parler de votre projet appelé La Cocoteraie, à Assinie-Mafia ?

La Cocoteraie est l’un des projets que nous avons à Assinie. Cette fois-ci, il s’agit d’un projet de développement avec 24 villas et un hôtel en bord de lagune, évidemment dans le respect d’une démarche écologique et durable. Cela devrait intéresser une bonne partie de la population d’Abidjan qui a de plus en plus besoin de sortir de la ville et des turpitudes de l’environnement urbain.

En conclusion, quel serait votre message à destination des investisseurs, qui pourraient être intéressés par ce que vous proposez, en résidentiel ou en corporate ?

Ce que je remarque, c’est que les investisseurs ont tendance à être plutôt conservateurs et à financer des démarches qui fonctionnent déjà. Dans notre cas, nous avons besoin de gens qui aient envie de prendre le risque avec nous, de tenter des choses nouvelles. Nous avons foi en notre vision. Nous avons vu qu’elle fonctionne dans les projets que nous avons pu mettre en œuvre, et nous voudrions être soutenus dans cette démarche d’innovation par des gens qui arrivent à percevoir l’intérêt de cette innovation.

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