Côte d’Ivoire Tourisme : Présentation du Secteur Touristique en Côte d’Ivoire
Jean-Marie Somet dresse un panorama du tourisme en Côte d’Ivoire et mentionne certaines attractions du pays. Il évoque également l’importance de nouer des partenariats avec les compagnies aériennes afin de favoriser le secteur. Enfin, il parle de sa stratégie et de sa vision pour le futur du pays dans les deux à trois années à venir.
Interview avec Jean-Marie Somet, Directeur Général de Côte d’Ivoire Tourisme
Le développement du tourisme en Côte d’Ivoire passe par un travail de persuasion auprès des agences de voyage. Quel message souhaitez-vous leur délivrer ?
Il est important pour nous de souligner premièrement l’aspect sécuritaire. L’image de notre pays a souffert de deux événements : Ebola et les attentats. Mais l’Afrique n’est pas un pays, c’est un continent, et la Côte d’Ivoire se distingue des autres états africains par son indice sécuritaire aussi élevé que celui de la Suisse. La Côte d’Ivoire est une terre d’accueil, avec une culture de « l’akwaba » (qui signifie « bienvenue ») et ses 60 façons de dire bonjour et de cultiver l’amour entre les peuples. Le pays possède des niches très importantes sur lesquelles il peut s’appuyer, comme tous les pays à vocation touristique. Dans le secteur balnéaire, la Côte d’Ivoire a 550 km de plages à faire découvrir. Sur le plan culturel, la diversité de ses ethnies lui permet d’accueillir ses visiteurs de 60 manières différentes. L’offre est donc extrêmement dense et la jeunesse a besoin de s’ouvrir. Le pays peut aussi s’appuyer sur la pêche sportive : les records du monde de pêche de marlin bleu sont détenus par la Côte d’Ivoire. L’agrotourisme est essentiel pour le pays et repose sur deux activités principales. Tout d’abord, la Côte d’Ivoire est le premier producteur de fèves de cacao dans le monde. Ce record ne peut être battu puisque nous produisons près de 45 % de la production mondiale. Or le cacao est destiné à la fabrication du chocolat, qui est consommé presque exclusivement en dehors du pays – la Côte d’ivoire consomme 0,01 % des tablettes de chocolat produites dans le monde, la France atteint 7,5 kg de chocolat par an et par habitant, la Suisse 11 kg et le Danemark plus de 12 kg. La consommation de chocolat dans les pays non producteurs de cacao peut amener la Côte d’Ivoire à mieux se faire connaître et à attirer les visiteurs, désireux de connaître l’origine du chocolat qu’ils mangent. L’écotourisme est une autre branche importante, avec les parcs et réserves. La forêt du Banco, au cœur d’Abidjan, abrite des arbres deux fois centenaires. Le Parc national de la Comoé, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, s’étend sur 1 150 000 hectares et connaît un retour des éléphants, des gazelles, des buffles, des panthères et des lions après la période de crise. Le potentiel de la Côte d’Ivoire en terme d’offres de safaris est énorme. La formalisation et l’aménagement des sites jouent un rôle important à ce niveau. Le Parc national de Taï, qui est le cadre principal du documentaire de Disneynature Chimpanzés, rassemble les chimpanzés les plus intelligents au monde et nous sommes dans l’obligation de les préserver. C’est pourquoi l’accès de ce parc est limité à 10 personnes à la fois. Enfin, la station balnéaire de Grand-Bassam est incontournable et dispose d’une identité culturelle forte reposant sur la présence de nombreux rois. Cette culture de la royauté fait l’objet d’un rejet dans d’autres régions du pays. Et c’est dans cette diversité que réside notre force. Parcourir le pays permet d’aller à la rencontre de ses peuples, de découvrir leur mode de vie et leur façon de vous accueillir. La Côte d’Ivoire est une destination rêvée qui offre au visiteur une pléiade d’émotions et de sensations nouvelles. Par ailleurs, le tourisme d’affaire est aussi fortement développé et représente près de 60 % de l’économie touristique. Nous voulons saisir l’occasion que présente la venue d’hommes d’affaires, car elle est source d’investissements potentiels dans un pays à forte croissance. Et ces investissements viennent confirmer le niveau de sécurité de la Côte d’ivoire, car seul un pays sûr attire les capitaux. Les cinq dernières années ont été un tournant pour le pays qui s’est rendu compte de la nécessité de créer des richesses pour mieux les redistribuer par la suite. La forte part occupée par le tourisme d’affaire atteste de cette réussite. De plus, à notre arrivée à la tête de Côte d’Ivoire Tourisme en 2013, la part du tourisme dans le PIB tournait autour de 0,6 %. Aujourd’hui, elle s’élève à près de 7 %, ce qui représente 141 milliards de francs CFA d’investissements. Une véritable prise de conscience s’est opérée dans le pays à l’égard du tourisme et de son apport dans l’économie nationale – à hauteur de 380 milliards de francs CFA en 2015 et de 500 milliards estimés aujourd’hui. Nous disposons d’une force incroyable avec une population jeune et active qui s’ouvre, ainsi que des retraités qui ont aussi beaucoup à offrir. Ils peuvent transmettre un savoir extrêmement dense car l’histoire du pays est très riche, ne serait-ce qu’en relation avec la route des esclaves. Nous voulons notamment dans ce cadre faire découvrir leur racine aux populations américaines d’origine ivoirienne, et les ouvrir à la diversité de la Côte d’Ivoire et de ses 60 ethnies, qui n’ont que la langue française en commun. Les touristes ivoiriens eux-mêmes contribuent au fort développement du secteur dans le pays : 706 000 personnes ont sillonné le pays depuis 2013, ce qui est considérable. Certaines fêtes locales, comme le Paquinou au mois d’avril au centre du pays, attirent énormément de monde. La Fête de l’Abissa à Grand-Bassam suscite également un engouement très important chez les Ivoiriens. Ces derniers ont commencé à réaliser ce qu’est le tourisme, à savoir l’éloignement de son lieu d’habitation pour une durée d’au moins 24 heures. Mais les acteurs jouant un rôle primordial sont les hôteliers, qui se sont rendu compte du taux de fréquentation de leurs hôtels. Ce dernier est passé de 39 % à près de 69 % aujourd’hui. Certains hôtels situés sur la plateforme aéroportuaire atteignent même un taux de remplissage de 90 %. En Côte d’Ivoire, cette plateforme brasse 1 800 000 voyageurs, qui ne sont pas tous des touristes, certains étant en escale, mais cela reflète la force d’attraction du secteur aéroportuaire qui a su fortement faire remonter sa fréquentation en 5 ans. Plus de 25 compagnies desservent la capitale. La question qui se pose à nous désormais est la suivante : allons-nous pouvoir être à la hauteur de cette évolution pour passer le cap des 2 millions de touristes ? Selon le gouvernement, nous pouvons aller encore plus loin et atteindre à l’horizon 2020 les 5 millions de touristes si nous nous en donnons les moyens.
Quels partenariats avez-vous développés ou souhaitez-vous mettre en place avec les compagnies aériennes ?
Les compagnies aériennes sont avant tout dirigées par des hommes d’affaire et les relations ne sont pas toujours aisées. Il faut aujourd’hui mettre en avant l’intérêt qu’il y a à desservir la Côte d’Ivoire. Plus de 25 compagnies desservent aujourd’hui l’aéroport d’Abidjan qui est devenu un point de connexion central. Car il était selon nous fondamental de faire de notre capitale un relais vers le reste de l’Afrique. Nous sommes fiers d’avoir désormais atteint ce statut grâce aux partenariats avec ces compagnies. Mais nous avons eu par exemple des difficultés à obtenir d’une compagnie française des offres de billets promotionnels. Il a fallu faire jouer la concurrence pour qu’elle se rende compte que favoriser notre destination lui serait aussi profitable. Nous restons néanmoins l’une des destinations les plus chères au monde. Un billet pour New-York peut s’acheter à un prix entre 200 et 300 euros pour 8 heures de vol. Un billet pour la Côte d’Ivoire est compris entre 700 et 1000 euros pour moins de 6 heures de vol. Nous devons tous faire des efforts pour mettre en place ensemble une plateforme de communication qui permette d’offrir des billets à 300 euros. Du côté de notre gouvernement, une baisse de certaines taxes serait souhaitable pour que les compagnies puissent desservir notre pays à moindre coût.
La Côte d’Ivoire connaît un très fort taux de croissance. Comment cela se répercute-t-il dans le secteur du tourisme et quels objectifs les investisseurs doivent-ils atteindre selon vous ?
La Côte d’Ivoire est une destination rêvée qui offre au visiteur une pléiade d’émotions et de sensations nouvelles. Par ailleurs, le tourisme d’affaire est aussi fortement développé et représente près de 60 % de l’économie touristique.
L’amélioration du cadre institutionnel économique favorise fortement les investissements en Côte d’Ivoire. Les opérateurs du secteur touristique n’en ont pas encore assez conscience. À Abidjan, la situation est différente, puisque la ville compte environ 35 000 chambres d’hôtels, avec la présence de grosses enseignes comme le groupe Accor. Mais à l’intérieur du pays, il reste beaucoup à faire, via le développement d’écolodges par exemple. Il est possible aujourd’hui d’investir dans le sud-ouest de la Côte d’Ivoire, notamment dans les baies, comme la baie de Taki qui est selon moi la plus belle baie au monde car encore à l’état sauvage. Le potentiel de construction y est important, sans que la nature ne soit détruite. La baie des Sirènes ou la baie de Monogaga sont d’autres sites intéressants, car l’eau y est calme et la construction peut s’y faire sans qu’aucun dégât ne soit causé à l’environnement naturel. Le projet des relais paillotes vient du gouvernement et relève de la même approche d’un tourisme en harmonie avec les hommes et la nature. Il favorise l’énergie solaire, l’approvisionnement en nourriture auprès des populations locales, l’emploi durable des jeunes, etc. Tous ces projets nous intéressent et nécessitent un investissement raisonnable. Quant aux parcs et réserves, ils présentent également un potentiel de développement d’écolodges. Nous bénéficions de la présence de l’organisme WCF et de l’appui des Espagnols dans le Parc national de la Comoé. Il serait maintenant judicieux de construire un système d’hébergement, sur le modèle du Kenya ou de l’Afrique du Sud, afin de permettre la visite de ces parcs. La Côte d’Ivoire tourne le dos au tourisme de masse et promeut un tourisme raisonné. L’investissement doit donc se concentrer sur les parcs et la nature, qui a été si généreuse avec notre pays. L’environnement aquatique offre de superbes décors qu’il faut valoriser, grâce, par exemple, à des bateaux-mouches qui, inspirés des bateaux de Paris ou d’Istanbul, pourraient permettre la découverte de la lagune à Abidjan, avec un service de restauration à bord. Les possibilités d’investissement sont donc nombreuses pour donner corps à la vision que nous avons.
Quelle est votre stratégie de promotion du tourisme dans le pays ?
Tout d’abord, elle passe par une présence sur tous les salons les plus importants dans le monde. Nous avons ciblé quatre destinations majeures : la France, l’Espagne, l’Allemagne et la Chine, et venons de nous rendre en Autriche. Il est essentiel d’y être présent pour pouvoir y représenter notre pays et gagner en visibilité. Nous occupons désormais un espace de plus de 100 m2 sur tous ces salons et avons même obtenu en Chine le prix du meilleur stand et de la meilleure animation. Nous avons donc marqué près de 81 pays en Chine. Mais, comme je l’évoquais, le tourisme de masse ne nous intéresse pas et nous n’espérons pas plus d’un million de touristes chinois par an en Côte d’Ivoire. En Allemagne par exemple, nous ciblons l’écotourisme dont sont férus les Allemands. Peu de gens sont conscients que la Côte d’Ivoire est le premier producteur de cacao et que le chocolat qu’ils mangent vient des fèves produites dans notre pays. Or cela constitue une aubaine pour nous dans le cadre de notre stratégie en matière d’écotourisme. Nous devons développer la marque Côte d’Ivoire auprès des grandes maisons chocolatières et montrer aux Européens que l’origine première des saveurs de leur chocolat se situe dans notre pays, qui est le berceau du cacao. Il en va de même pour les noix de cajou dont la Côte d’Ivoire est le premier producteur mondial. Le sport fait également partie de notre stratégie de promotion. Beaucoup de stars du football viennent de Côte d’Ivoire et jouissent d’une grande réputation à l’extérieur du pays. Le golf est aussi fortement pratiqué dans notre pays, mais peu de gens connaissent les terrains d’Abidjan, de Yamoussoukro ou de San Pedro. Les zones de pêches connaissent un succès incroyable, notamment en raison de la présence du marlin bleu. Nous mettons aussi l’accent sur le culturel et le religieux. La plus grande basilique au monde se trouve en Côte d’Ivoire. La Basilique Notre-Dame de la Paix de Yamoussoukro a été construite à l’initiative du président Félix Houphouët-Boigny et dépasse Saint-Pierre de Rome. Il en a fait don au Vatican et aujourd’hui, les visites ne cessent de croître et le tourisme religieux occupe une part toujours plus importante. Enfin, le peuple ivoirien est un peuple de paix, musulmans et chrétiens cohabitent sans aucun heurt. Tous les Ivoiriens doivent être des ambassadeurs de leur pays, car ils sont les mieux placés pour mettre leur pays en valeur, grâce à « l’akwaba ».
Quels sont selon vous les objectifs à atteindre par le secteur du tourisme dans les deux à trois années à venir ?
Je vais rester optimiste, en estimant à 5 millions le nombre de touristes ivoiriens et internationaux atteint d’ici à trois ans. Si la plateforme aéroportuaire continue à connaître cette évolution positive, nous pourrons atteindre 2 millions de touristes dans un an. Notre priorité est que notre destination soit reconnue et que le cacao ne soit plus qu’un point de départ vers la découverte des autres merveilles du pays. Car nous voulons développer un tourisme de qualité basé sur des niches. Nous observons les dégâts causés par le tourisme de masse dans d’autres pays, ce qui nous encourage à nous éloigner de ce modèle pour développer une voie bien plus raisonnée à travers les niches que nous avons : le balnéaire avec nos 550 km de plages, le culturel, le tourisme historique pour connaître et faire connaître notre histoire et notre relation au reste du monde, le sport, la pêche, etc. Nous devons nous appuyer sur ces forces. Chaque kilomètre de plage vous donne l’occasion de découvrir notre merveilleux pays. Nos îles et les vestiges de la mangrove constituent également des atouts de taille. Je rêve de touristes souhaitant venir découvrir l’âme et la force de ce pays. Et l’homme reste toujours au cœur de notre développement touristique.