Brassivoire : Production et Commercialisation de Bière en Côte d’Ivoire
Alexander Koch partage son évaluation du secteur de la bière en Côte d’Ivoire, et présente Brassivoire, une joint-venture détenue à 51% par Heineken et à 49% par CFAO, spécialisée dans la production et la commercialisation de bière.
Interview avec Alexander Koch, Directeur Général de Brassivoire
Pourriez-vous nous donner votre vision du secteur de la bière en Côte d’Ivoire ? Quelle était la situation à votre arrivée, et comment évolue-t-elle depuis que vous êtes présents ? Comment évaluez-vous la croissance de la consommation de bière et la croissance du secteur de manière générale ?
Le marché de la bière en Côte d’Ivoire est très prometteur. Nous estimons le volume actuel à 2,7 millions d’hectolitres, ce qui signifie un peu moins de 12 litres par personne et par an en Côte d’Ivoire. Pour comparaison, dans d’autres pays de la région, par exemple au Cameroun, on est à 37 litres par habitant. En France, c’est 30, aux Pays-Bas, 73. Les premiers sont les Tchèques, à 150 litres. Il y a donc un bon potentiel de progression en Côte d’Ivoire. Le marché de la bière a montré une très belle croissance ces dernières années, c’est dans cette dynamique qu’en 2015 nous nous sommes installés ici. Depuis novembre 2016, nous sommes opérationnels, et nous observons déjà des résultats tangibles sur le marché. Avant notre arrivée, le marché de la bière ivoirien était principalement dominé par le groupe Castel. Aujourd’hui nous sommes deux brasseurs, et ce, pour le bénéfice des consommateurs ivoiriens.
Ça paraît tellement beau… Mais alors, il y a encore de la place pour 10 brasseurs !
Tout dépend du développement du marché, mais il est clair qu’il y a suffisamment de potentiel pour les deux brasseurs : le Groupe Castel notre concurrent, implanté depuis longtemps, et Brassivoire, filiale des groupes Heineken et CFAO, implanté il y a à peine un an. Nous verrons comment le marché se comportera.
Il y a déjà eu auparavant une tentative d’un autre brasseur, qui n’a pas marché, et qui a finalement été racheté. Quelles leçons tirez-vous de cette expérience antérieure ?
C’est peut-être un choix de nos concurrents de travailler ensemble. En ce qui nous concerne, nous estimons que le marché est suffisamment dynamique et notre récent succès avec le lancement de notre bière « Ivoire » nous confirme que le marché est très ouvert à la concurrence, qui est toujours bonne pour le consommateur.
Pouvez-vous nous parler de la philosophie de votre activité ? Vous amenez un produit nouveau, et derrière il y a aussi certainement une philosophie d’entreprise.
Nous croyons vraiment en la Côte d’Ivoire. Certes, le pays a vécu des temps difficiles au cours des années 2000/2010 mais c’est un pays avec un énorme potentiel. Brassivoire veut vraiment être un partenaire de sa croissance.
Nous avons créé et développé Brassivoire en partant de rien. Je me rappelle que nous étions 3 au tout début du projet et notre premier investissement a été une machine à café.
Nous sommes une véritable entreprise. C’est seulement en septembre 2015 que la construction de la brasserie a démarré. Au bout de 13 mois et 1 semaine, nous avons réussi à brasser notre première bière, un record pour le groupe Heineken, qui confirme aussi le potentiel de la Côte d’Ivoire : c’est véritablement un exploit de construire une brasserie en si peu de temps. 17 mois après le début de cette belle aventure, nous sommes passés de 3 à 200 « Brassivoiriens ». Pour faire vivre cette famille et l’emmener à partager la même vision, nous nous sommes posés quelques questions :
– quelle identité pour Brassivoire ?
– avec quelle culture d’entreprise ?
– et quel sens donner à notre activité ?
C’est ce qui nous a emmené à décider ensemble que Brassivoire c’est « FRESH » :
– F = First Safety : la sécurité d’abord,
– R = pour obtenir les Résultats attendus,
– E = en recherchant l’Excellence en permanence,
– S = pour garantir la Satisfaction de tous nos consommateurs et partenaires,
– H = tout en étant une société Humaine
C’est donc cet esprit « FRESH » intrinsèque à Brassivoire que nous partageons au quotidien avec l’ensemble de nos partenaires.
Nous voulons amener de nouveaux standards sur le marché à travers notre façon particulière de travailler et de servir le consommateur. Nous avons lancé notre première marque « Ivoire » il y a 8 mois. C’est une marque très « FRESH ». Nous l’avons créée avec le consommateur ivoirien, car le consommateur est toujours au cœur de nos préoccupations, c’est primordial à nos yeux. C’est lui qui a choisi le nom « Ivoire », la couleur et la forme de la bouteille, le visuel de l’étiquette, et même la recette. Nous avons développé une recette exclusive incorporant un certain pourcentage de riz, que nous achetons localement. Ce riz est utilisé en combinaison avec du malt d’orge, l’ingrédient de base de nombreuses bières, que nous importons puisque nous ne pouvons pas nous en procurer localement. Nous sommes en train d’étudier la possibilité de développer un partenariat pour aider à professionnaliser la filière agricole du riz en Côte d’Ivoire. Le projet se développe bien. Afin d’obtenir la meilleure recette qui soit à la hauteur des attentes des consommateurs ivoiriens, nous avons envoyé du riz cultivé en Côte d’Ivoire aux Pays-Bas, au sein de la plus grande brasserie en Europe du groupe Heineken, où nous avons fait plusieurs brassages différents que nous avons testés ici, et c’est le consommateur ivoirien qui a choisi la recette actuelle. Je pense que c’est un facteur important, qui nous a amené vers le succès que l’on connaît actuellement.
Quelles sont les particularités de votre brasserie ?
La brasserie est à la pointe de la technologie. Nous avons travaillé avec des partenaires de renom comme Khrones et Meura. La brasserie est très efficace en consommation énergétique. Nous disposons également de notre propre station de traitement d’eaux usées : il s’agit véritablement d’une brasserie ultra-moderne. Le projet représente un investissement total de 150 millions d’euros, soit 100 milliards de francs CFA, pour construire une brasserie avec une capacité d’1,6 millions d’hectolitres. Le marché est à 2,7 millions d’hectolitres. Nous avons déjà décidé d’installer la deuxième ligne cette année, soit environ deux ans plus tôt que prévu. Cela confirme l’ambition que nous avons et le chaleureux accueil dont nous avons fait l’objet de la part du consommateur ivoirien. La bière « Ivoire » est brassée localement, tandis que les produits Heineken et Desperados sont toujours importés des Pays-Bas.
Quel est votre objectif de développement en phase deux ? Brasser plus ici, et produire plus d’Ivoire, ou d’autres bières ? Les importer ?
Aujourd’hui nous nous focalisons sur notre marque « Ivoire », qui est une marque jeune, puisqu’elle a été lancée il y a moins de 8 mois. Notre objectif est d’abord de la distribuer partout dans le pays. Ensuite, dès que la deuxième ligne de production sera opérationnelle, nous étudierons comment élargir notre portefeuille. Pour l’instant c’est trop tôt pour se prononcer. Toute notre attention se porte actuellement sur « Ivoire », ainsi que Heineken et Desperados.
Pouvez-vous nous parler de votre réseau de distribution ? Est-ce que vous l’avez mis en place, est-ce que vous continuez à le mettre en place ? Quelle est votre stratégie ?
Nous avons rencontré des distributeurs très professionnels, compétents, avec qui nous travaillons actuellement. Nous avons commencé à Abidjan, puis l’intérieur du pays. A ce jour, nous couvrons plus ou moins tout le pays avec nos distributeurs.
Vous dites vouloir être partenaire de la croissance ivoirienne. Concrètement, qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
Nous croyons vraiment en la Côte d’Ivoire. Certes, le pays a vécu des temps difficiles au cours des années 2000/2010 mais c’est un pays avec un énorme potentiel. Brassivoire veut vraiment être un partenaire de sa croissance. Avec Brassivoire nous avons créé plus de 200 emplois à ce jour. Notre présence et le développement de notre activité va stimuler la création d’emplois ou accroitre l’activité d’emplois existant, et ce tout au long de notre chaîne de valeur – du champ de riz au maquis. Dans le cadre de notre politique d’approvisionnement en matières premières locales par exemple, nous allons développer toute une chaine de valeur dans le secteur de la production et de la commercialisation du riz. Cela nous permettra de soutenir la stratégie gouvernementale de développement agricole, et d’améliorer les moyens de subsistances des agriculteurs en créant un marché fiable leur permettant d’augmenter leur productivité. Et puis, nous contribuons aussi au soutien des communautés.
Vous parlez aussi d’aider les communautés alentour, de ne pas être simplement un investisseur, mais de créer de la valeur également sur le plan communautaire. Quel type de projet avez-vous en tête ?
Il y a à peine 8 mois que nous sommes opérationnels ; mais nous sommes par exemple en train d’étudier, avec la Heineken Africa Foundation, la possibilité d’un projet pour la communauté qui vit à l’endroit où est implantée la brasserie. Nous développerons de plus en plus ce type de projets, dans le but d’être une entreprise responsable, sociale, en phase avec la société ivoirienne.
Vous parlez également de consommation responsable, qu’entendez-vous par là ?
C’est primordial pour nous. Nous sommes brasseurs, nous estimons qu’il est de notre responsabilité d’informer nos consommateurs et de promouvoir une consommation responsable. Nous avons déjà ce type de programmes avec la marque Heineken, et nous envisageons d’en développer également avec notre marque locale. Il est essentiel de communiquer sur ce sujet.
Pouvez-vous décrire le style de management que vous voulez mettre en place, ou que vous avez déjà mis en place au sein de l’entreprise, puisque vous avez déjà recruté beaucoup et de manière très rapide ; quel est le style Brassivoire ?
Le style Brassivoire reste toujours « FRESH », comme notre bière. Nous avons créé un style assez ouvert, transparent, pas trop hiérarchique : je ne suis pas Monsieur le Directeur Général. Je suis Alexander. Ma porte est toujours ouverte, nous travaillons en open space avec toute l’équipe, ce qui facilite des échanges ouverts et rapides et nous aide aussi à créer un esprit gagnant. Chaque vendredi, nous nous rassemblons pour évoquer les points de la semaine, les points « FRESH », la sécurité, les résultats, l’excellence, la satisfaction, tout ce que nous pouvons améliorer ; nous échangeons sur les aspects humains. Tout cela donne une culture de dynamisme et d’ouverture au sein de laquelle chacun peut contribuer, et qui donne beaucoup de motivation et d’énergie à l’équipe.
La bière Ivoire avait été primée à Bruxelles.
Nous avons gagné une médaille à l’Institut International de la Qualité et du Goût, à Bruxelles. Nous sommes très fiers d’avoir gagné ce prix international. Comme j’ai l’habitude de le dire, c’est au consommateur que revient le dernier mot et le consommateur a visiblement beaucoup apprécié notre bière. Je considère ce prix comme une confirmation de la qualité d’Ivoire. Chez Brassivoire, et au sein du groupe Heineken en général, la qualité est toujours la préoccupation première.
Quels sont vos challenges à venir ?
Grâce à nos équipes jeunes et très motivées, nous faisons face à beaucoup de défis. Mais des challenges, il y en a toujours : nous sommes une jeune société qui vient de démarrer ses activités, nous devons donc encore renforcer notre réseau de distribution.
Une autre priorité est le développement des « Brassivoiriens ». Nous avons beaucoup investi dans la formation de nos équipes (plus de 3 000 heures de formation à ce jour). Nous procédons à des échanges d’expériences que nous trouvons très enrichissants. Nous avons fait venir nos collègues d’autres brasseries Heineken et également envoyé nos collègues locaux dans des brasseries Heineken à l’étranger pour bien les former.
Et en termes de sécurité ?
Safety First, c’est très important : je suis fier de dire qu’on a construit cette brasserie sans accident grave. Nous avons beaucoup insisté sur l’aspect sécuritaire. Nous avons par exemple un groupe avec nos collègues via une plateforme d’échanges. Cette plateforme permet un échange d’informations fluide et rapide au sein de l’équipe. Je trouve que c’est une façon de communiquer innovante.
Il y a environ 250 marques dans le portefeuille du groupe Heineken, avez-vous l’intention d’en introduire d’autres, au-delà des 3 dont nous avons parlé ?
Notre ambition est de lancer plus de marques sur le marché ivoirien, mais pour le moment on se focalise vraiment sur les 3 marques que nous avons déjà.
Etes-vous à la recherche de partenaires ?
Nous ne pouvons évidemment pas faire le travail seuls, donc nous avons beaucoup de fournisseurs, de partenaires avec qui nous travaillons dans le transport, la distribution, les réseaux de communications, le marketing, etc. Nous travaillons avec de nombreuses personnes.
Pouvez-vous nous parler de l’actionnariat Heineken/CFAO, de la fusion de deux styles d’entreprises différents ?
Nos deux actionnaires, Heineken et CFAO, ont déjà créé une brasserie ensemble, il y a plus de 20 ans, Brasco, au Congo. En 2015, ils ont décidé de créer une brasserie en Côte d’Ivoire ; c’est ainsi que Brassivoire est née. Nous avons notre propre culture au sein de Brassivoire, mais nous nous appuyons bien évidemment sur l’expertise de chacun de nos actionnaires. Heineken est le deuxième brasseur mondial, avec un savoir-faire brassicole de plus 150 ans. Heineken connait bien l’Afrique puisque le groupe y est présent depuis plus de 100 ans. Le groupe CFAO, quant à lui, est un acteur spécialisé dans la distribution et implanté en Afrique depuis plus de 150 ans. Nous avons là deux actionnaires de taille qui nous soutiennent dans nos activités.
Comment vous projetez-vous à moyen terme, disons d’ici 2 à 3 ans ?
J’espère que dans 3 ans, nous tournerons à pleine capacité et que nous pourrons envisager un deuxième projet pour augmenter notre capacité. J’espère que la croissance du marché de la bière reflètera aussi la croissance du pays de manière générale. Je pense vraiment que la Côte d’Ivoire a un très bel avenir, avec de nombreux projets d’infrastructure qui vont améliorer la qualité de vie et l’économie locale. Brassivoire continuera à être partenaire de cette croissance.