Bâtiment et Génie Civil : Interview avec Bakary Silue de EKDS Nouvelle

Bakary Silue partage son évaluation du secteur du BTP et de la construction de routes en Côte d’Ivoire et dans la sous-région, et présente EKDS Nouvelle, une entreprise ivoirienne opérant dans les domaines du génie civil et du bâtiment. Il évoque également quelques projets réalisés par EKDS et explique quelle est son ambition pour les années à venir.

Interview avec Bakary Silue, Directeur Général de EKDS Nouvelle

Bakary Silue, Directeur Général de EKDS Nouvelle

Quelle est votre évaluation du secteur du BTP et de la construction de routes en Côte d’Ivoire et dans la sous-région ?

Le secteur du BTP est en plein essor depuis 2012. On a connu des périodes assez difficiles avant. La reprise qui s’est annoncée avec l’arrivée des dirigeants actuels a d’abord constitué à réhabiliter la voirie existante (autant la voirie interurbaine que la voirie urbaine), et aujourd’hui on peut dire qu’on a encore de beaux jours devant nous en ce qui concerne le BTP en Côte d’Ivoire. En effet, pendant plus de 20 ans, il n’y a pratiquement pas eu d’activité dans ce secteur, et avec la reprise il y a beaucoup de choses à faire ; le nombre d’entreprises qui déferlent ici en ce moment prouve bien l’existence d’un véritable potentiel.

Les problèmes et les besoins sont les mêmes dans toute la sous-région : je suis allé au Burkina Faso et au Togo dans le cadre du développement de nos activités, et on remarque que les besoins y sont tout aussi importants.

Y a-t-il la même volonté de la part des gouvernements dans les autres pays de la sous-région d’adresser ce problème ? Disposent-ils des mêmes moyens ?

EKDS Nouvelle a été élue « Meilleure Entreprise de Travaux Routiers » en 2015. Nous avons été désigné 1er en 2015 et 2ème en 2016. Le fait que nous ayons été primés deux années consécutives montre que l’État nous suit de près et apprécie ce que nous faisons.

Au niveau des autres pays, je pense que la volonté est la même parce que les besoins des populations sont les mêmes dans tous les pays de la sous-région, mais effectivement ces pays n’ont pas nécessairement les mêmes moyens que la Côte d’Ivoire. Vous savez que la plupart de ces pays sont tributaires des matières premières et également des ressources naturelles. Ils n’ont donc pas la solidité économique de la Côte d’Ivoire. La volonté existe, mais souvent les autres pays comptent sur la contribution des bailleurs de fonds. Prenons le cas du Togo, par exemple, où nous nous sommes rendus pour de la prospection ; nous avons constaté qu’un bailleur de fonds accompagne le pays pour l’électrification rurale, car il est très en retard à ce niveau. Les Togolais ont d’ailleurs d’autres projets avec d’autres bailleurs de fonds dans divers domaines. Il y a donc une volonté qui est présente, mais les ressources propres de nos États sont si limitées que nos potentiels de financement proviennent essentiellement de ces bailleurs de fonds, et bien sûr également des prêts que les États contractent avec ces organismes.

Secteur du BTP en Côte d'Ivoire et dans la sous-région
Le secteur du BTP est en plein essor depuis 2012, non seulement en Côte d’Ivoire, mais aussi dans la sous-région.

Est-il facile pour une entreprise ivoirienne d’aller sur d’autres marchés et d’être choisie ? La décision est-elle neutre, y a-t-il réellement une libre concurrence ?

Au vu du premier essai que nous avons effectué au Togo, pour le moment la chose me paraît assez transparente, déjà parce que la Côte d’Ivoire, qui a connu une grave crise, n’a pas eu accès à des marchés assez importants. Dans le cas particulier de EKDS Nouvelle, nous sommes restés très actifs dans le secteur de l’électricité. Dans l’appel d’offre qui a été lancé, aucune entreprise locale au niveau du Togo n’était en mesure de concourir pour la pré-qualification. Sur 12 entreprises qui avaient concouru pour la pré-qualification, nous sommes la seule entreprise ouest africaine à avoir été pré-qualifiée pour la deuxième phase. Les trois autres entreprises venaient du Maghreb et de l’Arabie Saoudite.

Parfois vous travaillez en partenariat avec ces entreprises internationales, quand elles ont un grand projet et vous emploient comme sous-traitant ou relai local, et parfois vous êtes en concurrence directe avec elles. Comment vous positionnez-vous ?

On n’a pas la prétention d’avoir le même niveau technique et de qualification que ces entreprises multinationales. Nous nous efforçons donc d’améliorer nos prestations quand nous travaillons soit en sous-traitance, soit en cotraitance avec elles, au vu de l’expérience que ces structures ont déjà acquise. Aujourd’hui, nous pensons que nous intéressons ces multinationales qui viennent de plus en plus souvent nous consulter, soit pour aller en groupement, soit pour de la sous-traitance éventuelle. Dernièrement, nous avons été contactés par une entreprise française qui assure des travaux qu’elle nous a sous-traités, et qui souhaite collaborer avec nous sur certains projets. Pour nous, il s’agit d’opportunités que nous essayons de saisir. La semaine dernière, une entreprise chinoise qui travaille sur un projet et qui a connu quelques retards a souhaité que nous puissions venir à la rescousse pour essayer de l’accompagner dans la réalisation de travaux. Nous essayons de saisir toutes ces opportunités qui s’ouvrent à nous pour développer nos partenariats mais également notre enveloppe avec ces entreprises étrangères. Nous ne sommes en tout cas certainement pas fermés à la collaboration avec des entreprises venant de l’extérieur.

EKDS Nouvelle est une entreprise ouverte aux partenariats
EKDS Nouvelle est une entreprise ouverte aux partenariats et aux collaborations.

Comment s’établissent ces contacts avec ces entreprises ?

Cela dépend. Sur la Côte d’Ivoire, quand nous avons créé l’entreprise, notre objectif était de nous faire connaître. Très souvent, lorsque les entreprises arrivent, leur premier réflexe est d’aller vers les acteurs étatiques pour se renseigner sur des partenaires éventuels ; nous avons la chance d’être connus par les acteurs nationaux, particulièrement des structures telles que l’Agéroute, ou le Ministère des Infrastructures, car nous avons déjà réalisé des projets pour eux. Ils orientent donc ces entreprises vers nous pour des échanges et, pourquoi pas, pour que cela aboutisse à des partenariats. Le plus souvent, c’est de cette manière que nous entrons en contact. Et puis les panneaux de chantier sont également une forme de publicité qui amène les entreprises à s’orienter vers nous. Au niveau des médias et de la publicité, nous ne sommes pas encore très présents ; nous avons souhaité avant tout mettre l’accent sur le savoir-faire qui pourrait ensuite constituer pour nous une véritable publicité.

Quels sont vos avantages concurrentiels ? Et quels travaux avez-vous réalisés ?

Notre avantage au niveau national a été de savoir profiter du vide qui était survenu après la crise à cause du départ de toutes les entreprises qui avaient pignon sur rue en Côte d’Ivoire, notamment les entreprises internationales. C’est à ce moment que nous nous sommes dit qu’il fallait développer une entreprise locale pour pouvoir répondre aux besoins de la Côte d’Ivoire. Aujourd’hui, on se plaint de la qualité de la voirie, mais vous pouvez imaginer que sans la création de ces PME, ce serait encore plus dramatique.

Quand nous avons créé l’entreprise, nous avons mis l’accent sur le recrutement de jeunes ingénieurs et de techniciens qui sortaient de l’école et n’avaient pas vraiment de possibilités de s’exprimer ; nous avons donc fait du recrutement et pris des techniciens et ingénieurs qualifiés pour assurer l’encadrement de ces jeunes. Je vous signale au passage que notre directeur d’exploitation est un transfuge d’une grande filiale internationale, Colas, et qu’il a passé 20 ans dans cette structure. Nous mettons aujourd’hui l’accent sur la formation des techniciens, mais aussi des ouvriers spécialisés tels que les conducteurs d’engins. Les ressources humaines constituent l’essentiel de l’expertise que nous recherchons. Au niveau de l’électrification, cela a fonctionné de la même manière ; nous avons développé le volet électrique en essayant de mettre en place une entreprise assez agressive. Aujourd’hui nous pouvons nous targuer de faire partie des grandes entreprises locales qui sont capables de réaliser des chiffres d’affaires de plus de 7 millions d’euros par an dans l’électricité. Cette année, nous avons déjà acquis quelques marchés sur des financements de l’UE de près de 10 millions d’euros. Quand on sait que depuis 2016 il n’y a pratiquement pas eu d’activité dans nos secteurs, le BTP comme l’électrification, ce début d’année a été un bon moteur pour nous, et je pense que c’est grâce à notre technicité.

Les marchés qui nous ont fait connaître ont été des marchés peut-être pas très importants en termes de chiffres d’affaires, mais très complexes. Prenons par exemple le cas de la voirie de San Pédro, qui est une zone très difficile car côtière : nous avons réalisé l’artère principale qui a été financée par le projet Banque Mondiale / État de Côte d’Ivoire ; de même à Korhogo. Il s’agit de marchés que nous avons acquis alors que nous étions en compétition avec des entreprises internationales. Nous avons remporté ces marchés en 2014, coup sur coup, et les avons réalisés de manière satisfaisante aux yeux des autorités. Nous pensons que cela a été un projet phare pour nous, en tout cas pour la zone urbaine, qui constitue les travaux les plus compliqués, dans le sens où l’on doit travailler sous trafic, c’est-à-dire en permettant aux gens de pouvoir circuler tout en réalisant les travaux. Nous avons donc réalisé les artères principales de ces deux villes qui font aujourd’hui la fierté de ces localités. Cela nous a permis de nous faire connaître et de faire un saut en avant.

EKDS Nouvelle a été élue « Meilleure Entreprise de Travaux Routiers » en 2015. Chaque année, lors de la fête de l’Indépendance, dans les différents secteurs d’activité, l’État met en place une commission pour essayer de voir les meilleurs dans chaque secteur d’activité. Nous avons été désigné 1er en 2015 et 2ème en 2016 ; la compétition ne concerne bien sûr que les entreprises locales. Le fait que nous ayons été primés deux années consécutives montre que l’État nous suit de près et apprécie ce que nous faisons.

EKDS Nouvelle : formation des ressources humaines
La formation des ressources humaines est une priorité pour EKDS Nouvelle.

Quels les défis et les points à développer aujourd’hui ?

Pour ce qui est de nos défis, c’est gagner en notoriété en Côte d’Ivoire et aller au-delà de notre pays. Nous cherchons donc à nous faire connaître dans la sous-région. Il y a des entreprises de la sous-région qui pénètrent les marchés en Côte d’Ivoire, nous devons aussi être en mesure de nous exporter hors du pays. Nos premières expériences sont en cours, nous espérons qu’elles vont se concrétiser d’ici la fin de l’année. L’un de nos défis est également d’accéder à des marchés au volume beaucoup plus important, en réalisant des travaux interurbains. La majorité de nos projets jusque-là concerne essentiellement des travaux urbains, qui de notre point de vue paraissent assez compliqués par rapport aux travaux interurbains, notamment à cause des problèmes de déplacement des réseaux, de la circulation alors que vous êtes en train de travailler ; ces difficultés sont moindres dans les projets interurbains. Pour ce type de projet, nous devons travailler en partenariat avec des entreprises qui ont déjà pignon sur rue, et qui ont une expertise : je veux parler des multinationales, car les critères de sélection sont très pointus et il faut avoir déjà réalisé des travaux d’une certaine importance ; très souvent, nous sommes assez limités à ce niveau. En ce moment, on travaille avec certains partenaires pour démarrer ensemble des projets ; nous espérons que cela va fonctionner, pour nous permettre de prouver que nous avons aussi du savoir-faire pour des travaux plus importants. Donc nos défis sont de nous faire connaître en-dehors de la Côte d’Ivoire, mais également de réaliser des travaux un peu plus importants sur la Côte d’Ivoire.

Peut-on dire que vous êtes en recherche de partenariat, pour travailler avec de plus grandes entreprises ? Cherchez-vous un partenariat ponctuel sur chaque projet, ou souhaitez-vous aussi des partenariats à long terme avec des entreprises, voire des entreprises qui souhaiteraient entrer au capital ?

Pour le moment, nos partenariats sont ponctuels. Quant à l’ouverture de capital, c’est du ressort du conseil d’administration qui pour l’instant ne l’a pas envisagé. En ce moment, nous participons à des appels d’offres en groupements, en joint-venture.

EKDS Nouvelle
Bakary Silue souhaite faire de EKDS Nouvelle une entreprise à l’envergure internationale d’ici quelques années.

Quelles sont vos priorités du moment ?

Nous finissons un certain nombre de projets, et notre combat continue d’être la formation des ressources humaines. Nous souhaitons aller vers une certification, et nous essayons donc de nous organiser dans ce but pour que dans deux ans nous puissions être une entreprise compétitive, avec une certification au moins ISO, afin de rassurer nos partenaires sur la qualité de nos prestations. Pour cela, nous souhaitons procéder à des recrutements un peu plus pointus, mais également à de la formation encore plus pointue, et une parfaite organisation, ce qui nous permettra de pouvoir satisfaire aux besoins non seulement de nos clients, mais également de nos partenaires qui souvent ne nous connaissent pas et ont besoin de savoir qu’ils ont affaire à un partenaire fiable. Dans cette optique, la certification est réellement une étape clé de notre développement.

Quelle est votre ambition à 3 ans pour EKDS Nouvelle ?

Pour nous, EKDS Nouvelle doit devenir une grande entreprise à l’envergure internationale, qui doit être en mesure d’aller chercher des marchés partout dans la sous-région. EKDS est une jeune entreprise, qui a été créée sous forme individuelle en 1997, et ce n’est qu’en 2005 que nous sommes devenus une SARL. L’objectif est d’aboutir à une forme de SA, avec ouverture du capital, mais cela dépend évidemment des actionnaires de l’entreprise, qui partagent cette vision mais n’ont pas encore pris de décision ferme là-dessus. Nous pensons que dans 3 ans, l’entreprise doit être capable de faire un chiffre d’affaires assez important pour pouvoir dégager suffisamment de bénéfices. Nous voulons donc nous faire connaître d’abord, et obtenir une certification afin de nous faire un nom, car la certification est devenue une norme importante pour les gens qui cherchent des structures pour les accompagner pour réaliser un certain nombre de projets. Nous travaillons dans ce sens pour ne pas être limités à notre secteur d’activité ; c’est vraiment notre défi : devenir une grande entreprise, à l’exemple de certaines multinationales.

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