ARIS : Une Compagnie Pan Africaine d’Intelligence Economique et Stratégique

Jean-Michel Lavoizard présente ARIS (Advanced Research & Intelligence Services), une compagnie privée pan africaine d’Intelligence Economique & Stratégique (IES) innovante, créée en 2010 en Afrique de l’Ouest, et dont il est le Directeur Général et Co-Fondateur.

Interview avec Jean-Michel Lavoizard, Directeur Général et Co-Fondateur d’ARIS (Advanced Research & Intelligence Services)

Jean-Michel Lavoizard, Directeur Général et Co-Fondateur d'ARIS (Advanced Research & Intelligence Services)

Comment pouvez-vous définir le concept d’intelligence économique en Afrique ?

Le terme consacré en français, c’est l’Intelligence Economique & Stratégique (IES). Il se réfère à ce que les anglo-saxons appellent business intelligence. Il vise, selon notre approche, à apporter de la visibilité à des opérateurs économiques et investisseurs qui évoluent dans un environnement africain caractérisé par le manque de transparence et par des pratiques à risque. Nous partons du principe que toute source ouverte publique, déclarée par écrit et par oral, n’est pas complète ou n’est pas fiable. En effet, les opérateurs sont confrontés à plusieurs problèmes. Ils peuvent nous solliciter pour pénétrer des marchés. Ils peuvent aussi nous demander d’identifier et d’évaluer des risques par des due diligence d’intégrité et des background check. Enfin, les opérateurs et les investisseurs peuvent nous solliciter pour, en autres, régler des problèmes survenus à la suite d’évènements nouveaux qui ont chamboulé leurs prévisions. A ce moment-là, nous faisons des investigations pour les aider à gérer la crise.

Quelles différences faites-vous entre votre compagnie et les autres qui évoluent dans le même secteur d’activité en Afrique ?

J’ai passé quinze ans dans le métier du renseignement au sein des forces spéciales françaises. Mais, j’ai également fait cinq ans dans un cabinet anglo-saxon de référence d’intelligence économique. Tout ce parcours m’a permis de capitaliser sur des techniques et des méthodes que l’on peut en partie transposer dans le secteur privé.

Notre business model est unique sur le continent africain. Nous sommes dans une logique de spécialisation. Notre compagnie est dédiée exclusivement à l’intelligence économique, contrairement à d’autres qui font, en plus de l’intelligence économique, de la sécurité, du lobbying, etc. De plus,les ressources humaines de notre entreprise sont déployées en permanence et en totalité sur le continent africain. Nous vivons et travaillons tous sur le continent, ce qui nous permet d’être mobiles et d’adapter notre travail au contexte africain. Nous utilisons aussi quasi-exclusivement des ressources humaines et techniques internes dans la collecte et dans l’analyse des informations. Nous ne sous-traitons pas auprès d’autres consultants ou cabinets. Notre équipe utilise des moyens techniques et numériques pour collecter les informations de façon discrète et légale. Nous allons à la source pour recueillir des informations de première main. Souvent, dix personnes peuvent travailler sur un même dossier pour reconstituer le puzzle de la réalité d’un marché, d’un appel d’offre, d’une malversation, d’une contrebande, etc. Ce qui fait de nous des créateurs d’informateurs et non des compilateurs d’informations, comme cela se voit dans d’autres entreprises.

Comment intervenez-vous sur le terrain ?

Nous aidons les entreprises dans la recherche d’informations et de preuves. Nous collectons et analysons ces informations. Par la suite, nous en tirons des conclusions. Nous faisons alors des recommandations à nos clients. Nous les accompagnons également dans la mise en œuvre de stratégies de pénétration de marché ou de résolution d’un problème.

Concrètement, comment se fait la recherche d’informations sur le terrain ?

Nous avons une méthodologie qui consiste, à partir de sources ouvertes, à creuser des canaux. Que ce soit une enquête de marché, une évaluation de risque ou une investigation, nous allons sur le terrain. Par la suite, nous nous rapprochons géographiquement de la cible. Progressivement, nous recueillons toutes les informations par le biais de renseignements humains, de canaux documentaires et de supports images et numériques. Nous mobilisons des équipes que nous déployons sur le terrain de façon discrète sans jamais révéler l’identité de notre client. En plus de protéger son identité, cela nous évite d’avoir des informations biaisées. Concrètement, ce sont des approches par prétexte que nous faisons. Nous localisons aussi l’endroit où trouver toutes sortes de documents en relation avec ce que nous recherchons. Cela nous permet de documenter les enquêtes et les due diligence pour nos investigations.

Pouvez-vous nous donner des exemples de cas que vous avez pu résoudre ?

Dans le volet intelligence des marchés, notre mission est de pénétrer des marchés et de remporter des appels d’offres. La difficulté, c’est que les appels d’offres des marchés africains sont concurrentiels. Il n’y a pas un appel d’offres sur lequel il n’y a pas déjà une concurrence exacerbée. En plus, nous sommes dans un environnement où les appels d’offres ne sont pas transparents et sont sujets à des pratiques à haut risque. Nous devons donc faire la différence. La première façon d’être plus compétitif dans l’obtention d’un marché, c’est d’avoir la bonne information avant les autres. C’est ainsi que nous avons aidé une multinationale pharmaceutique à pénétrer un marché d’Afrique centrale. Les dirigeants de ce groupe, depuis l’étranger, n’osaient même pas mettre les pieds dans ce pays qui a une réputation d’Etat sulfureux. Mes collaborateurs et moi y avons séjourné pendant quatre mois. Nous avons évalué le marché potentiel pour cette multinationale, sans jamais dévoiler le nom de notre client. Nous avons également préparé le terrain en organisant des rendez-vous clés avec des acteurs publics, privés et ceux de la société civile. Ces rencontres ont permis à notre client d’établir de bons contacts en trois jours. Et, pour finir, cette multinationale s’est installée dans ce pays. Au niveau du risque, nous sommes très sollicités par des fonds d’investissement et des groupes industriels qui veulent établir des partenariats ou faire une acquisition. Ces groupes nous demandent de faire des due diligence d’intégrité qui sont requises par les standards internationaux. Par exemple, à travers ces enquêtes, les entreprises savent à qui elles ont affaire. Elles savent aussi les risques auxquelles elles s’exposent en termes d’intégrité, de solvabilité et de performance. Sur des centaines de due diligence que nous avons réalisé, 40% de nos clients ont revu les principes de la relation d’affaire, car la valeur déclarée par la structure en face ne correspondait pas à la réalité. Autrement dit, on évite à nos clients d’avoir des problèmes.

Côté investigation, nous occupons 50 % du marché africain. A ce niveau-là, nous avons réussi, dans un pays d’Afrique de l’Ouest, à interpeller un individu qui a détourné des millions d’euros. Il avait disparu dans la nature et bénéficiait d’une protection politique et judiciaire. Par des techniques d’investigation, nous l’avons localisé. Il a finalement été interpellé et remis à la justice. Comme autre exemple dans ce domaine, nous avons aidé un groupe industriel qui faisait l’objet de contrebande. Nous avons récemment travaillé sur une fraude bancaire de 150 millions de dollars dans un pays en Afrique de l’Ouest. Le groupe bancaire et les cabinets d’audit n’arrivaient pas à prouver l’existence de la fraude. Par notre méthode de travail, nous avons retrouvé les traces de la fraude et identifié les fraudeurs. Nous avons évalué les actifs dispersés et cachés dans d’autres pays. Des actions ont été engagées par notre entreprise pour que la banque récupère ce qu’on lui avait volé.

Votre parcours de forces spéciales vous a-t-il permis de mettre en place une entreprise fiable ?

J’ai passé quinze ans dans le métier du renseignement au sein des forces spéciales françaises. Mais, j’ai également fait cinq ans dans un cabinet anglo-saxon de référence d’intelligence économique. Tout ce parcours m’a permis de capitaliser sur des techniques et des méthodes que l’on peut en partie transposer dans le secteur privé, bien que le contexte soit différent. La compagnie ARIS-Intelligence utilise des sources ouvertes. C’est différent de ce que l’on pourrait appeler l’espionnage. L’espionnage implique la transgression des lois d’un pays. L’espionnage fait par les services de l’Etat est prévu par la loi et encadré par la justice. Il ne doit pas être pratiqué dans le secteur privé. Depuis douze ans que je fais ce métier, je n’ai jamais dépassé les limites de la loi et de l’éthique.

Pouvez-vous donner un exemple de ce qui dépasse les limites de la loi ?

C’est par exemple tout ce qui relève de techniques d’intrusions, d’interceptions et d’écoutes. Ce que l’on ne s’autorise jamais dans une enquête de marché, d’autant plus lorsque qu’il relève du marketing intelligence, de collecte d’informations. Les informations et les preuves que l’on obtient et les conditions dans lesquelles cela se fait doivent être recevables devant la justice. Ce métier a son code de déontologie. Il y a des choses qui se font, il y a des choses qui ne se font pas.

Compte tenu de la forte demande, vous êtes amené à faire des recrutements. Quels profils recherchez-vous ?

Nous avons notre propre centre de formation en intelligence économique. Nous recherchons des hommes et des femmes généralement africains. Peu importe qu’ils soient anglophones ou francophones. Nous recherchons aussi ceux de la diaspora et des travailleurs d’autres nationalités. Ce sont des gens, qui par principe, doivent être différents les uns des autres. Mes collègues sont très qualifiés. Ils ont de l’expérience dans des domaines diversifiés comme l’économie, les finances, le droit, l’audit, etc. Il y en a aussi d’autres qui ont des compétences techniques et numériques. Toutefois, tous les employés participent la fabrication du rapport qui est notre produit fini. Cette manière d’inclure tous les employés facilite la cohésion au sein du groupe. Notre langue de travail est l’anglais, mais nous pouvons travailler également en français et en portugais. Nous travaillons avec des gens qui ont des prédispositions, comme l’ouverture d’esprit et la détermination, bien que le CV compte aussi dans le recrutement.

Etes-vous intéressé par un partenariat entre vous et d’autres entreprises évoluant le même secteur d’activité ?

On privilégie le développement de l’entreprise. Cela nous permet de préserver notre liberté et notre indépendance. On n’envisage pas de relations formalisées. On est une startup qui se développe lentement avec des fondamentaux solides. On aime bien être identifié comme des spécialistes de l’intelligence économique. Toutefois, les partenariats se font occasionnellement avec des métiers connexes du droit ou de la sécurité. Quand il y a un besoin d’expertise particulière, nous consultons des services que nous jugeons crédibles. Mais c’est ARIS-Intelligence qui conduit les missions.

Comment voyez-vous ARIS-Intelligence dans trois ans ?

Nous avions une mission qui a prévalu à la création d’ARIS-Intelligence il y a sept ans, c’était de devenir un acteur majeur dans le domaine de l’intelligence décisionnelle en Afrique. Nous sommes sur la bonne voie. La stratégie pour réaliser cette vision consiste à développer en interne un réseau continental de hubs régionaux de cinq bureaux qui interagissent au plan opérationnel entre eux. Nous disposons actuellement de deux points d’ancrage solides en Afrique de l’Ouest. Ce sont la Côte d’Ivoire et le Nigeria. En Afrique australe, nous avons l’Afrique du Sud. En Afrique de l’Est, le Kenya. Ultérieurement, nous irons dans le Maghreb, au Maroc. Nous y travaillons déjà, à distance, à partir de nos bases existantes. Au moment venu, une nouvelle filiale sera créée dans ce pays. Nous apprenons énormément de nos expériences de terrain. Nous avons eu des hauts et des bas liés au contexte macro-économique. Il y a eu par exemple la crise pétrolière, la crise d’Ebola en Afrique de l’Ouest et les difficultés sécuritaires liées au terrorisme islamique. Tout cela a fortement freiné les appétits des investisseurs. Mais aujourd’hui, nous sommes repartis, depuis deux ans, sur un mode de développement continu. Nous sommes très optimistes.

Scroll to top
Close