Agriculture et Agrobusiness en Afrique de l’Ouest: Daniel Ruegg Présente RMG Concept

Daniel Ruegg explique quelles sont les tendances du secteur de l’agriculture et de l’agrobusiness en Afrique de l’Ouest et présente RMG Concept, un groupe leader dans la distribution de produits de protection des cultures agricoles. Le Groupe RMG a plus de 11 ans d’existence en Afrique de l’Ouest et est basé dans 7 pays où il se concentre sur 4 cultures principales : le cacao, le maïs, le riz et le coton.

Interview avec Daniel Ruegg, PDG de RMG Concept

Daniel Ruegg, PDG de RMG Concept

Quelles sont les tendances du secteur de l’agriculture et de l’agrobusiness en Afrique de l’Ouest ?

Le Groupe RMG a plus de 11 ans d’existence en Afrique de l’Ouest. Nous sommes basés dans 7 pays où nous nous concentrons sur 4 cultures principales que sont le cacao, le maïs, le riz et le coton. Depuis le début, nous essayons de créer des marchés niches. C’est-à-dire que nous développons des associations d’agriculteurs. Nous avons d’ailleurs plus de 50 000 agriculteurs sous contrat, car le principal challenge de l’agriculture, c’est le soutien des agriculteurs afin qu’ils deviennent autosuffisants et qu’ils produisent. Il y a très peu de grandes exploitations qui produisent du riz, du maïs ou d’autres cultures de base. Nous avons donc pour challenge de développer ces marchés au début de la chaine. Nous apportons aux agriculteurs les intrants, c’est-à-dire des semences, des engrais et des produits phytosanitaires. Nous leur apportons aussi du conseil technique car nous avons énormément de personnes sur le terrain qui encadrent ces agriculteurs. Nous mettons les intrants à leur disposition contre un contrat qu’ils signent et qui dit qu’ils mettent à notre disposition une partie de leur récolte. Une partie de la récolte nous est donnée en remboursement du prêt et des intrants qu’on leur a fourni. Mais ils ont aussi la possibilité de nous vendre leur récolte. Aussi, nous leur permettons d’avoir accès à un marché qui est très important pour eux. Le deuxième volet sur lequel nous travaillons, c’est un volet technique qui consiste à l’amélioration des rendements. C’est-à-dire une meilleure fertilité des sols, l’amélioration de la structure des sols et l’amélioration de l’utilisation des produits. Nous avons introduit le maïs hybride et nous ne travaillons pas avec les OGM parce que nous pensons qu’il y a un gap de technicité et de productivité que nous pouvons atteindre avec les hybrides. Par exemple, au Ghana, la production moyenne est de 1500 KG à l’hectare. Nous sommes passés avec nos programmes à 4500 KG à l’hectare par agriculteur. Nous multiplions leur revenu par trois ou par quatre. Nous avons un impact très clair sur les populations villageoises. Ainsi, les agriculteurs scolarisent leurs enfants et c’est très important. Un autre challenge dans notre secteur, c’est la fourniture d’intrants aux grandes fermes de fruits, notamment celles produisant des bananes et des ananas. Nous soutenons techniquement ces agriculteurs en leur trouvant des solutions innovantes en termes de produits phytosanitaires et en termes de produits bio. Nous travaillons aussi avec les grandes exploitations de palmiers à huile et d’hévéa. Dans les autres pays d’Afrique de l’Ouest, nous fournissons des intrants et un support technique aux sociétés cotonnières. A ce niveau, nous n’encadrons pas, nous faisons du support technique ou du Key Account Management. Nous traitons ces agriculteurs comme des clients directs. En Afrique de l’Ouest, 40% de notre chiffre d’affaires est réalisé avec les petits planteurs. Cela se fait au niveau des intrants d’une part et d’autre part au niveau de la partie récupération trading des récoltes. Nous transformons certains produits nous-mêmes, comme le riz. En effet, nous produisons du paddy, nous le transformons et nous le vendons sous trois marques différentes sur les marchés locaux. Nous transformons aussi le coton. Nous achetons le coton graine, nous l’égrainons et nous exportons la fibre sur les marchés européen et asiatique. Cela se fait essentiellement au Ghana. Nous avons des projets d’investissement dans la filière du maïs. En effet, nous produisons de grosses quantités au Ghana. Nous rachetons la récolte à l’agriculteur, nous la stockons et la standardisons. Pour finir, nous fournissons les différents acteurs de l’industrie avicole, des brasseurs et des producteurs d’aliments.

Quelle est la différence entre un OGM et un hybride ?

Un OGM, c’est un organisme qui a été modifié génétiquement tandis qu’un hybride, ce sont des lignées parentales différentes ou de différentes variétés de maïs que l’on peut trouver dans d’autres pays, et qui ont été croisées pour augmenter certains caractères ou gènes de la plante sans procéder de manière génétique. Cela se fait de manière naturelle. Par exemple, on essaie de trouver des maïs qui sont résistants à la sécheresse ou du coton qui a des fibres beaucoup plus longues comme le coton égyptien. L’idéé est d’améliorer la qualité des semences et la productivité des semences en croisant différentes lignées parentales. Nous travaillons donc avec différentes firmes qui nous fournissent des semences que nous homologuons dans certains pays et que nous distribuons.

Votre secteur est-il concurrentiel ?

Le Groupe RMG a plus de 11 ans d’existence en Afrique de l’Ouest. Nous sommes basés dans 7 pays où nous nous concentrons sur 4 cultures principales que sont le cacao, le maïs, le riz et le coton.

Notre secteur est très concurrentiel. Nous avons des concurrents à tous les niveaux. Nous essayons, depuis le bord champ, d’être le plus proche possible du consommateur. A chaque niveau de la chaine des valeurs, nous avons des concurrents. Au début, nous avons nos concurrents habituels qui sont les distributeurs d’intrants. Par la suite, nous entrons aussi en concurrence directe ou indirecte avec les sociétés de trading qui achètent et qui commercent les intrants. Après cela, au niveau du secteur riz, nous allons entrer en concurrence avec d’autres producteurs locaux ou les gros importateurs de riz en Afrique de l’Ouest. Mais il y a peu de personnes qui font ce que nous faisons. C’est-à-dire fournir des intrants et arriver aux consommateurs avec des produits comme le coton, le cacao et le riz. Par contre, nous voyons des clients qui gèrent de grosses exploitations dans le palmier à huile ou l’hévéa, commencer à importer leurs propres engrais et avoir leur propre gamme de produits phytosanitaires. D’autres grandes sociétés de trading qui achetaient des produits en Afrique qu’elles revendaient sur le marché international ou local, se rapprochent de plus en plus de la production. Certaines reviennent en arrière parce qu’elles trouvent que la production avec les petits planteurs est risquée En effet, il faut gérer les risques climatiques, les risques de non remboursement et la vente des intrants n’est pas toujours facile. Raison pour laquelle l’encadrement des petits planteurs n’a pas beaucoup de concurrence.

Vous avez créé des fonds dédiés aux planteurs. Que recherchez-vous ?

Au niveau du segment des petits planteurs, il y a quatre acteurs totalement différents. Il y a premièrement le fournisseur d’intrants. Il y a deuxièmement une société ou une association d’agriculteurs qui est capable d’encadrer les agriculteurs et qui distribue des intrants en s’assurant que les planteurs les utilisent correctement pour augmenter la productivité. Troisièmement, il faut une société de trading qui va créer le marché, ou un transformateur. Quatrièmement, nous avons le groupe des financiers et des assureurs. Il faut pouvoir financer tout le processus. Depuis maintenant sept ans, le groupe RMG Concept s’occupe de ces quatre segments. Nous travaillons avec de nouvelles associations d’agriculteurs. Nous leur vendons les intrants parce que ces gens ont reçu des dons ou ont monté des affaires et peuvent nous prépayer ou payer nos intrants. Puis, ils vendent leur récolte à d’autres personnes. Nous avons réussi à signer des partenariats avec des acheteurs de commodités qui nous garantissent avant l’encadrement des agriculteurs, un volume d’achat de riz ou de maïs pour les brasseurs. Ainsi, nous avons un contrat d’achat qui est garanti et nous pouvons monnayer la signature auprès d’une banque pour faciliter le crédit intrants à ces gens. C’est tout le financement de la chaine qui commence par le financement des intrants pour leur distribution, le financement des agriculteurs et la liquidité pour acheter la production des agriculteurs. Nous essayons de trouver des partenaires. Nous avons aussi essayé de monter un fonds de financement appelé un fonds revolving à des taux d’intérêt compétitifs pour l’agriculture et pour les petits planteurs. Ainsi, nous pouvons utiliser cette facilité pour encadrer beaucoup plus d’agriculteurs. Notre facteur limitant en ce moment, c’est notre bilan. Je ne peux pas me permettre de financer plus que ce que je fais actuellement. Chaque année, nous mettons des intrants d’un montant de 20 à 30 millions d’euros à disposition des planteurs. On pourrait très facilement, avec les infrastructures que nous avons, tripler le nombre d’agriculteurs que nous avons sous contrat. Mais il nous faut trouver d’autres véhicules de financement pour le faire. Nous avons plusieurs pilotes à l’essai. Nous avons un pilote avec une structure de microfinance qui a été d’accord sur la base de données clients que nous avions avec des agriculteurs. Cette microfinance a sélectionné les agriculteurs qui étaient bancarisables. Elle a décidé de préfinancer les agriculteurs à hauteur de 70%. Avec cette facilité et le soutien de cette microfinance, nous avons décidé d’augmenter le nombre d’agriculteurs. Nous n’avons pas réduit notre exposition en termes de financement mis à disposition. Au contraire, nous avons décidé de l’augmenter parce qu’il y avait une forte demande pour le riz et nous n’avions pas assez de riz à revendre. Il y a le ProFunding qui est aussi intéressant. Nous réfléchissons à une autre alternative qui est celle de faire sponsoriser certains agriculteurs par des privés et des personnes intéressés par l’agriculture dans des pays comme le Ghana, la Côte d’Ivoire et le Mali. Nous voulons faire une plateforme de cofinancement au Nigeria. L’avenir de ces pays, c’est l’autosuffisance alimentaire et la création d’une économie rurale qui va permettre de garder la jeune population hors des villes. Si on crée une agriculture réellement commerciale, on va y arriver. Si rien n’est fait pour les jeunes, il y a un gros impact social qui risque de nous rattraper. Nous sommes une entreprise commerciale et notre ambition, c’est de générer des bénéfices et de réinvestir ces bénéfices dans les quatre produits que j’ai cité au départ : le maïs, le riz, le coton et le cacao. Pour le cacao, nous encadrons entre 12 000 et 19 000 planteurs par an au Ghana. Nous avons aussi quelques initiatives en Côte d’Ivoire. Nous voulons plus nous intégrer dans la chaine des valeurs en produisant ce que l’on appelle le cacao fin. C’est un cacao de niche qui est très demandé à l’international. Nous faisons déjà du cacao certifié, mais nous voulons aller plus loin et faire du cacao d’origine. L’idée, c’est de maintenir le prix de la commodité au haut niveau parce que nous n’avons pas l’influence sur le coût. Pour les autres cultures comme le riz et le maïs, il faut respecter les prix d’achat du marché et il ne faut surtout pas intervenir. Toutefois, nous nous permettons de payer une prime à l’agriculteur si le produit est de qualité. Raison pour laquelle chaque fois que nous transformons et qu’il y a des marges suffisantes, l’agriculteur a une part. Cela nous permet de fidéliser la base de nos agriculteurs. Nous maintenons un prix d’achat qui respecte les conditions du marché.

Dans trois ans, quels sont les objectifs que vous souhaitez atteindre ?

Dans trois ans, nous souhaitons produire localement, transformer localement et commercialiser localement dans différentes culture. Pour le moment, nous avons des volumes qui sont encore faibles. Par exemple, il faut que l’on transforme le maïs, mais cela se fait en fonction des pays et des marchés. Au Ghana, la population consomme énormément la farine de maïs pour son alimentation. Nous devons pouvoir transformer le maïs, augmenter la valeur, produire l’aliment nous-mêmes ou avec des partenaires financiers et techniques. Aussi, nous voulons nous lancer dans la volaille, plus précisément dans la production d’œufs et de poulets. En effet, nous voulons faire une intégration complète de la chaine. Au niveau du riz, nous sommes déjà intégrés avec la production issue de notre propre ferme. Nous travaillons majoritairement avec les petits planteurs au Ghana. En Côte d’Ivoire, nous encadrons les agriculteurs avec lesquels nous rachetons du paddy que nous transformons en riz et que nous revendons en Côte d’Ivoire. L’idée c’est de faire une intégration régionale dans différents pays. Nous voulons relancer nos activités au Burkina et au Togo. Nous voulons également renforcer notre capacité de production en Côte d’Ivoire. C’est cela que nous voulons atteindre dans trois ans en fonction des moyens dont nous disposons et de l’état financier du groupe. Nous voulons être un acteur sur la chaîne des valeurs pour pouvoir mieux gérer les risques parce que les politiques agricoles changent assez rapidement. Nous devons pouvoir optimiser le risque et les marchés de l’ensemble des filières. Nous avons reçu des financements de certains gouvernements européens. Nous avons également reçu des financements de la SFI donc nous respectons toutes les normes de la Banque Mondiale. Nous sommes aussi évalué chaque année. Il y a des rapports qui sont disponibles sur notre site internet. Depuis deux ans, une université européenne fait du monitoring pour le compte des investisseurs sur notre impact effectif sur la chaine des valeurs au niveau du volet social au Ghana. Au delà de ça, nous essayons d’être neutres en termes d’énergie. Nous avons plusieurs projets. Par exemple sur notre ferme, nous avons un projet de production en énergie solaire et en biomasse pour pouvoir irriguer l’eau. Nous avons aussi notre rizerie qui va fonctionner à l’énergie solaire. Nous développons toujours les nouvelles technologies pour réduire l’utilisation des intrants. Au nombre de gramme ou de kilo de matières actives à l’hectare, nous introduisons une gamme de produits bio. Nous travaillons beaucoup sur les formules d’engrais parce que malheureusement les volumes d’engrais utilisés à l’hectare en Afrique de l’Ouest sont les plus faibles au monde. Généralement les formules ne sont pas adaptées et nous y travaillons. Les agriculteurs ne comprennent pas que l’investissement n’est pas immédiat. Quand on veut augmenter les PH ou la matière organique du sol, les résultats ne sont pas immédiats. Les résultats sont visibles sous deux à trois ans. Nous faisons donc de la sensibilisation auprès des agriculteurs. Nous créons des systèmes qui soient durables aussi bien pour les populations que pour leur environnement.

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