SAPHYR : La Société Africaine de Pétrole et d’Hydrocarbures Raffinés
Jean-Paul Kakou-Marceau présente SAPHYR, une société ivoirienne dont le but est d’apporter une réponse qualitative et fonctionnelle aux problèmes liés aux produits pétroliers par une constante innovation en transformant l’utilisation du gaz domestique en une expérience simple et désormais sûre pour le consommateur africain.
Interview avec Jean-Paul Kakou-Marceau, Directeur Général de SAPHYR (Société Africaine de Pétrole et d’Hydrocarbures Raffinés)
Pour commencer, pourriez-vous nous donner une évaluation de votre secteur d’activité ?
Nous sommes présents dans la distribution de produits pétroliers, et plus spécifiquement dans le gaz butane. Le secteur est scindé en deux groupes : vous avez d’un côté le GPP (Groupement Professionnel de l’Industrie du Pétrole) qui est constitué de grandes entreprises, et plus particulièrement de multinationales ; et puis vous avez l’APCI (Association Professionnelle des Pétroliers de Côte d’Ivoire) qui est constituée d’indépendants, principalement nationaux, dont nous faisons partie. Ces indépendants représentent à peu près 20 à 30 % des parts de marché. Quant aux multinationales, elles représentent entre 70 et 80 % du marché. Le secteur a dépassé la barre symbolique des 200 000 tonnes par an, avec un taux de pénétration d’environ 30 %, ce qui veut dire qu’il y a encore 70 % des ménages qui n’ont pas accès au gaz et qui sont au charbon. Notre but est donc d’étudier des propositions et des mécanismes pour pouvoir satisfaire cette demande. C’est ce que nous sommes en train de mettre en place.
Comment est-ce que ce changement vers le gaz va s’effectuer à votre avis ? Est-ce que le gouvernement est derrière vous ?
Il faut savoir que l’État a déjà mis en place une politique de butanisation pour lutter contre la déforestation, ce qui nous a amené aujourd’hui à avoir une production et une commercialisation d’environ 200 000 tonnes, puisque l’État subventionne une partie du gaz en Côte d’Ivoire.
Donc c’est une éventualité qui peut être rentable ?
Bien sûr.
Que peut-on trouver sur le marché en ce moment ? Qu’est-ce que vous amenez de différent ?
Cette année, nous comptons tripler voire quadrupler notre chiffre d’affaires. Et dans trois ans, nous espérons atteindre la barre des 10 milliards, voire même plus.
Notre valeur ajoutée est principalement liée au produit que nous mettons sur le marché. La bouteille composite est un produit révolutionnaire, qui est aujourd’hui très connu au niveau mondial. La différence entre nos bouteilles et les bouteilles existantes sur le marché, c’est que nos bouteilles n’explosent pas. En fait, elles sont constituées de ce que l’on appelle la robe, qui est en polyéthylène renforcé, et du cœur de la bouteille, qui est en fibre de verre, un alliage très résistant, plus résistant même que l’acier, et qui est aujourd’hui utilisé à travers le monde dans la construction, l’aérospatial, ou tout autre domaine où l’on a besoin de légèreté et de solidité. Lorsque cette bouteille est exposée à un feu, la robe de la bouteille va fondre, mais les fibres de verre vont résister. Elles vont se dilater et créer des petits espaces pour laisser passer le gaz qui va s’enflammer et se consumer. Mais il n’y aura pas d’effet BLEVE (Boiling Liquid Expanding Vapor Explosion), c’est-à-dire d’effet d’explosion. Et ça, c’est la révolution principale. Tandis que la faiblesse de la bouteille en acier, c’est qu’elle peut exploser. Au-delà de ça, notre bouteille a également d’autres avantages : elle est plus légère (environ 6 kilos en moins), elle ne rouille pas (ce qui est un avantage lorsque l’on se trouve dans un pays bordé par l’océan), et elle est translucide (la fibre de verre permet de voir le gaz en phase liquide à l’intérieur de la bouteille et l’on peut en vérifier le niveau avec une petite source de lumière, ce qui permet de ne pas être surpris par une rupture en pleine cuisson par exemple).
Quels sont vos principaux domaines d’activité et comment définiriez-vous votre stratégie de développement ?
Nous avons trois domaines d’activité stratégiques. Le premier domaine concerne les bouteilles de gaz emballées : nous avons un centre remplisseur ultra moderne qui nous permet d’enfûter nos propres bouteilles. Nous avons également ce que nous appelons le passage, et qui permet d’avoir des concurrents qui passent par nous pour pouvoir remplir leurs propres bouteilles. Et puis nous avons le vrac, qui est destiné aux entreprises qui ont besoin de gaz butane pour faire fonctionner leurs machines ou leurs usines.
L’activité principale, c’est les emballés. C’est un marché à suivre sur le long terme parce qu’il y a un besoin d’investissement important, ce qui se fait au fur et à mesure. Pour le moment, nous avons fait venir près de 20 000 bouteilles qui sont déjà toutes vendues. Nous préparons maintenant notre deuxième rotation pour agrandir notre parc de bouteilles.
Comment êtes-vous structurés exactement ?
Nous avons des mandataires, qui jouent le rôle de grossistes, et nous avons des revendeurs. C’est un peu la stratégie du piggy-back, c’est-à-dire que nous avons un réseau déjà existant que nous réutilisons, puisque nos revendeurs ne sont pas exclusifs et sont également revendeurs d’autres marques. Donc nous faisons venir des bouteilles, les mandataires nous les achètent et les vendent, puis nous commandons d’autres bouteilles. C’est vraiment quelque chose de récurrent que nous mettons en place sur du long terme.
Pourriez-vous nous parler plus en détail du vrac ?
Ce qu’il faut savoir c’est que le vrac est un réseau très fermé et qu’il y a très peu d’acteurs sur le marché. Aujourd’hui, nous avons une quinzaine de clients. Notre but dans un premier temps est bien sûr de consolider ces acquis-là, et donc de maintenir ces clients, ce qui nécessite un fond de roulement très important. Et au-delà, s’il y a une possibilité d’en faire plus, bien sûr, il faut le faire. Mais il est important de savoir que les marges au niveau du vrac sont moins intéressantes que les marges au niveau des emballés. Donc stratégiquement, il plus intéressant de se concentrer sur les emballés, mais ça prend du temps. Donc dans ce milieu, on est obligé de faire un peu des deux.
Et en ce qui concerne le passage ?
Le passage concerne très peu d’entreprises, mais c’est quand même un business important pour nous, qu’il faut consolider et garder. Le prix est un facteur important. Il faut faire de belles propositions. Et puis, il faut maintenir un certain professionnalisme. Et surtout, il faut avoir des normes de sécurité établies quand on est remplisseur. Nous avons donc pris le soin de mettre en place des normes de sécurité internationales. Nous venons d’ailleurs tout juste de faire signer notre plan opérationnel interne, ce qui est très important pour ce genre de site.
Quelles sont les priorités du moment ?
Nous sommes dans une phase de développement, donc automatiquement, il est important que l’on arrive à être excédentaire au niveau de notre compte d’exploitation. Aujourd’hui, on a une trésorerie positive, ce qui est très bien. Mais le défi le plus urgent, c’est d’avoir un compte d’exploitation excédentaire. Et pour cela, il faut consolider nos acquis, mais également maximiser le vrac, le passage et les emballés en vendant plus. Donc il faut chercher d’autres clients, commander plus de bouteilles, etc. Ça, c’est quelque chose que l’on tente de mettre en place au fur et à mesure. Nous sommes également sur le point de diversifier nos activités en créant un réseau de stations-service. Nos objectifs pour l’année 2017 sont donc d’arriver à faire tous ces investissements et toutes ces consolidations.
Qu’en est-il de votre expansion à l’international ?
En ce qui concerne les bouteilles composite, on a souvent la question des professionnels du secteur qui nous approchent pour nous demander comment nous avons pu lancer une bouteille composite à 35 000 francs la bouteille, parce que c’est du jamais vu. Plusieurs personnes ont voulu tenter ce type d’activités parce que c’est le futur. C’est comme lorsque la télévision cathodique a été remplacée par les écrans plats. Mais la barrière de prix était un handicap pour beaucoup de sociétés. Nous, ce que l’on a fait c’est de négocier sur des volumes importants. Et c’est pour ça que nous avons pris le soin d’avoir une exclusivité sur plusieurs pays de la sous-région. Donc il est important pour nous de développer non seulement la Côte d’Ivoire, mais aussi la sous-région. Et nous allons nous y atteler dès cette année en mettant en place des systèmes de passage pour certains pays à faible commercialisation de produits, mais aussi des investissements plus importants pour d’autres pays comme le Sénégal ou le Burkina Faso. Au total, nous avons l’exclusivité sur six pays, en comptant la Côte d’Ivoire.
Quelle est votre vision à moyen terme, disons dans trois ans ?
Tout va se mesurer en termes de chiffre d’affaires, de marge, de résultats et de représentativité nationale ou régionale. L’année passée, nous avons atteint un chiffre d’affaires d’environ 1,2 milliard. Cette année, nous comptons tripler voire quadrupler ce chiffre d’affaires. Et dans trois ans, nous espérons atteindre la barre des 10 milliards, voire même plus. En termes de résultats, nous espérons être excédentaire cette année ou l’année prochaine et pouvoir atteindre une part symbolique de 300 à 500 millions en termes de résultats d’ici trois ans. Enfin, au niveau sous-régional, nous souhaitons être implantés sur les cinq pays où nous avons l’exclusivité.
Est-ce que vous êtes à la recherche d’investisseurs ?
Bien sûr. Nous prévoyons d’ouvrir notre capital à certains fonds d’investissement afin d’obtenir un levier financier pour investir et financer la partie Côte d’Ivoire, mais aussi la partie internationale. Nous souhaitons avoir des fonds d’investissement qui seraient là pour une durée établie à cinq ans, c’est-à-dire qu’ils rentreraient maintenant et qu’ils sortiraient au bout de cinq ans avec des primes de sortie. Et bien sûr, ils bénéficieraient de distributions de dividendes au fil du temps. Ce qui peut les intéresser, c’est que notre entreprise met en avant des produits de qualité. Et nous misons beaucoup sur l’innovation. Et comme vous le savez très bien, l’innovation est un facteur de succès. Troisièmement, ce qui serait intéressant aussi, c’est de combler les besoins des 70 % de ménages qui sont encore au charbon. Nous voulons trouver des solutions pour pouvoir investir dans ce type d’activités. Donc, non seulement cela lutte contre la déforestation, mais ça implique également une dimension sociale. Les fonds d’investissement sont très percutants sur ce genre d’idées et je les invite vraiment à nous contacter et à voir les détails avec nous.