LECAT : Laboratoire d’Essais, de Contrôle, d’Analyses et d’Assistance Technique
Souleymane Soro explique quels sont les différents secteurs d’activité du laboratoire LECAT (Laboratoire d’Essais, de Contrôle, d’Analyses et d’Assistance Technique), et mentionne quelles sont ses priorités et sa vision pour le futur de la société dans les prochaines années.
Interview avec Souleymane Soro, Directeur Général du laboratoire LECAT
Parlons un peu de votre secteur d’activité. Pouvez-vous nous en donner les tendances, et nous décrire la situation actuelle en Côte d’Ivoire ?
Les besoins sont vraiment très importants sur le secteur routier aujourd’hui en Côte d’Ivoire. Il y a encore beaucoup de routes à revêtir, c’est réellement nécessaire pour la population. Pour se déplacer, les Ivoiriens ont besoin de routes, et de routes de très bonne qualité. La demande est donc vraiment présente, que ce soit en zone urbaine, pour desservir les habitations, ou en zone rurale. Comme vous le savez, la Côte d’Ivoire est un pays agricole ; il y a beaucoup de produits à transporter, notamment vers les ports ivoiriens. Il faut donc des routes de bonne qualité, afin que les camions qui empruntent ces routes évitent d’avoir des accidents ou de connaître des retards qui entraîneraient des dommages. Le besoin est donc double : assurer des routes de bonne qualité pour transporter les produits agricoles, et pour les populations, afin de leur permettre un confort de vie, car ils doivent circuler. N’oublions pas non plus qu’entretenir un véhicule a un coût, et que sur des routes de mauvaise qualité, ce coût augmente. De bonnes routes permettent aussi de limiter les accidents.
La route représente-t-elle la majorité de vos activités, ou uniquement une partie ?
Nous souhaitons qu’à l’horizon 2020, LECAT soit reconnu comme le laboratoire phare de l’Union Ouest-Africaine. Nous envisageons donc de nous installer dans les pays limitrophes, pour y partager notre savoir-faire.
La route ne représente qu’une partie de notre activité, nous travaillons également sur les habitations. Le besoin en logements est très important en Côte d’Ivoire. La population connaît une croissance galopante, le besoin en logement est si important que c’est un véritable défi au quotidien. Les besoins sont tels que les coûts augmentent de jour en jour, sans que ces coûts soient maîtrisés. Le souci aujourd’hui, au niveau de notre laboratoire, c’est la qualité des maisons qui sont bâties. Les chantiers sont très voire trop rapidement menés, parfois au détriment de la qualité. Je pense notamment aux matériaux de second œuvre, dont la qualité laisse souvent à désirer. Une fois une maison terminée, il reste un doute sur les briques qui ont été utilisées, sur la toiture, sur la réalisation de la dalle de béton… Cela va trop vite ; il manque un contrat de qualité en aval. Encore aujourd’hui, on voit des maisons s’écrouler par temps de pluie. Les dispositions ne sont pas prises pour que tout soit réalisé professionnellement, du début à la fin. Bien sûr, cela représente un investissement important. Notre rôle est donc de garantir aux Ivoiriens des logements de qualité. Cela passe déjà par l’étude des sols, afin de s’assurer que ceux-ci sont constructibles, et peuvent supporter la construction à venir. Par la suite, il s’agit de vérifier la qualité des matériaux utilisés. Parfois, on se rend par exemple compte que la peinture qui est utilisée peut être nocive pour les habitants. Il est donc très important de contrôler cela. Au-delà des routes et des logements, nous travaillons également sur la partie environnementale. C’est aujourd’hui essentiel pour nous. En effet, quand vous construisez dans un milieu, vous influencez l’environnement et vous contribuez certainement à le détruire. Notre rôle ici est de tenter d’améliorer cet environnement une fois la construction effectuée, pour que, quand les gens s’installent, leur environnement – la nappe phréatique, par exemple – soit préservé dans la mesure du possible. Ceci est particulièrement important dans le cadre de projets industriels : en effet, quand un industriel s’installe quelque part, on sait qu’il va produire des rejets. Comment rendre ces rejets assimilables par la nature ? Cela fait partie de notre rôle d’étudier tous ces aspects.
Parlons maintenant de l’entreprise. Que proposez-vous ? Quelles sont vos activités ? Comment vous différenciez-vous par rapport aux autres laboratoires et quels sont vos avantages concurrentiels ?
Chacun essaie de s’améliorer comme il le peut. Notre voie aujourd’hui passe par la certification. Je pense que d’ici 3 mois, nous serons certifiés ; cela représente pour nous un grand défi, et nous devons passer ce test. Chez nous, au laboratoire, tout est bien maîtrisé. Nous disposons d’équipements de pointe, toujours étalonnés, nous assurons un véritable suivi d’échantillons. Nos équipes sont diplômées, bien formées et maîtrisent les essais en laboratoire. Ce que nous souhaitons, c’est que, quand un échantillon arrive chez nous, nous puissions assurer quand il repart que tout a été fait dans d’excellentes conditions. Nous souhaitons rester dans une démarche d’amélioration continue de notre contrôle de la qualité des matériaux.
Parlez-vous un peu de votre activité de recherche : en effet, vous allez au-delà de votre simple rôle de laboratoire de contrôle, pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
C’est l’un des points qui nous intéresse le plus, car comme vous le savez, en Afrique, nous connaissons beaucoup de problèmes. Nous consommons beaucoup de matériaux qui viennent de l’extérieur. Notre défi aujourd’hui est de valoriser les ressources locales. La nature est en Afrique très généreuse, et nous souhaitons profiter de cette générosité. Nous menons par exemple aujourd’hui des recherches sur les cabosses de café et cacao, qui sont des déchets agricoles. Nous pensons qu’il est possible de valoriser ces déchets ; il faut oser pousser les recherches là-dessus. Le plus gros secteur en termes de besoin aujourd’hui, c’est, comme je l’ai dit plus tôt, l’infrastructure routière. Est-ce que ces matériaux offerts par la nature pourraient être utilisés dans ce domaine ? La population grandissante fournit également une grande quantité de déchets solides et liquides. Comment les valoriser ? Nous pensons que nos deux secteurs d’activité, routes et logements, peuvent absorber ces déchets. Les pistes explorées sont diverses, certains étudient la possibilité d’utiliser les déchets pour fabriquer des pavés ; le résultat n’est pas forcément très esthétique, nous essayons donc d’accompagner ces entreprises pour les amener à proposer quelque chose de plus acceptable visuellement. Pour les industriels, la production et le recyclage des déchets sont également des thèmes importants. Nous mettons donc l’accent sur la recherche, et ce de manière très poussée, pour aider les industriels, les populations, voire l’État ivoirien, qui fait également face à ces problèmes.
Aujourd’hui votre entreprise mène ces recherches seule, envisagez-vous des partenariats, avec d’autres laboratoires ivoiriens, ou peut-être même internationaux ? Comment pensez-vous développer cette activité ?
Cette question est essentielle pour nous. Il s’agit avant tout de savoir-faire. Plusieurs voies s’offrent toujours à vous lorsque vous commencez une recherche ; parfois, on gagne énormément de temps en trouvant un partenaire qui vous dit : « pour ce point précis, nous avons déjà trouvé une solution ». Il ne reste alors plus qu’à l’adapter localement ; nos portes sont toujours ouvertes pour ce type de partenariat. Nous souhaitons nous inspirer de ce qui se fait ailleurs pour trouver des solutions adaptées à la Côte d’Ivoire, et ces collaborations sont toujours les bienvenues ; nous sommes ouverts aux réflexions, aux idées venant de l’extérieur, notamment en ce qui concerne la valorisation des déchets ou des ressources naturelles.
Pouvez-vous nous évoquer plus précisément les domaines sur lesquels vous seriez intéressés pour collaborer avec un partenaire étranger ?
Nous travaillons sur deux grands sujets. Tout d’abord, sur la partie infrastructure routière : le bitume est très cher, et sa mise en œuvre très complexe, c’est l’une des raisons pour lesquelles les routes ne sont pas bien faites ; nous souhaiterions donc trouver ici, en Afrique, un matériau qui permettrait de remplacer le bitume. C’est l’un de nos grands défis ; cela prendra du temps. Pendant ce temps, nous aimerions trouver une solution de compromis, entre les routes en terre et le bitume, c’est-à-dire un produit qui permette de stabiliser les routes en terre. Cela existe déjà ailleurs, mais nous ne souhaitons pas prendre ce qu’il y a ailleurs ; nous souhaitons trouver localement un produit qui permette cela. C’est là-dessus que nous travaillons actuellement. Au niveau des logements, notre plus gros souci est le ciment. En Côte d’Ivoire, on fait souvent face à des ruptures de ciment, ce qui retarde les constructions. Nous réfléchissons donc pour tenter de trouver, parmi tous les déchets qui existent, un autre liant. Nous souhaiterons remplacer des matériaux comme les briques ou les éléments de toiture par d’autres éléments moins gourmands en ciment, d’autant plus que le ciment est souvent très cher, et très rare en Côte d’Ivoire. Nous sommes donc à la recherche d’un partenaire pour développer ce type de produit. Sur le sol ivoirien, nous recherchons des argiles qui pourraient servir de liant. Toute contribution qui pourrait nous aider à trouver un matériau localement, en replacement du ciment, serait vraiment la bienvenue.
On entend effectivement parler de briques en terre, qui seraient moins chères et plus légères… Ce n’est qu’un exemple.
Oui, finalement, on se dit : nos parents ont bien vécu, avant l’arrivée du ciment ; ils disposaient de matériaux de construction, ils vivaient mieux, dans des conditions hygrométriques intéressantes. Notre démarche est donc d’aller voir cela, de répertorier les techniques de construction qui existaient avant en Afrique. Une fois cette étape accomplie, nous étudions s’il est possible de les réutiliser et de les moderniser pour en tirer le meilleur.
Pouvez-vous nous parler d’un ou deux projets phares qu’a menés votre laboratoire, pour nous donner une idée de votre activité ?
Oui, nous avons récupéré les papiers que les gens jetaient pour fabriquer du verre. Nous avons ainsi fabriqué des carreaux par exemple. D’autres industriels travaillent en ce sens, ils recyclent le plastique pour fabriquer des pavés par exemple, mais la manière dont cela est fait ne nous convient pas. En effet, à voir les fumées produites par ce recyclage, et les conditions dans lesquelles les gens travaillent, on se dit qu’on n’a fait que déplacer le problème… Ce qu’ils rejettent est plus effrayant que les déchets eux-mêmes ; donc pour nous ce n’est pas la bonne voie. En termes environnementaux, le résultat nous gêne beaucoup ; l’initiative est bonne, mais il faut l’améliorer. C’est donc l’un de nos thèmes de réflexion, en collaboration avec nos ingénieurs. Nous travaillons également sur les feuilles de bananier, pour fabriquer du papier. Nous travaillons actuellement sur fonds propres ; nous aimerions un partenaire avec des idées, une volonté d’avancer. Toute contribution serait la bienvenue pour nous.
Revenons à votre laboratoire, pourriez-vous nous indiquer quelques grands projets sur lesquels vous avez travaillé ?
Nous avons notamment travaillé sur la qualité du revêtement de la route d’Adzopé, une ville à côté d’Abidjan, jusqu’à Abengourou, avec le contrôle qualité de la mise en œuvre de l’enrobé de cette voie. C’est un projet encore en cours. Nous avons également travaillé pour un groupe minier, dans la mise en place de certains barrages.
Pour quelles entreprises, quels constructeurs travaillez-vous ?
Pour les mines, il s’agit de BCM, un groupe australien ; pour la route d’Adzopé, c’est une entreprise marocaine, Sintram, avec un bureau de contrôle. Nous travaillons aussi pour l’Etat ivoirien pour le contrôle des travaux de routes en terre. Il y en a beaucoup en Côte d’Ivoire, notamment au nord et à l’est ; nous assurons alors la maîtrise d’œuvre.
Pouvez-vous nous parler de vos défis, de vos priorités ?
Norte première priorité, c’est de gagner en notoriété. Ensuite, comme je vous le disais, c’est la certification. C’est un élément-clé pour nous. Enfin, le suivi des recherches dont nous avons parlé. Pour le reste, il s’agit plus de travail quotidien : faire du marketing pour obtenir des marchés auprès des entreprises avec lesquelles nous souhaitons travailler, l’État, les organismes internationaux (l’AFD, l’Union européenne, le PNUD…). Nous avons déjà travaillé avec des partenaires reconnus.
Quelle est votre vision pour les 2-3 prochaines années ?
Nous souhaitons qu’à l’horizon 2020, LECAT soit reconnu comme le laboratoire phare de l’Union Ouest-Africaine. Nous envisageons donc de nous installer dans les pays limitrophes, pour y partager notre savoir-faire. Aujourd’hui, nous ne sommes présents qu’en Côte d’Ivoire ; nous avons quelques partenariats au Burkina Faso, nous avons essayé d’obtenir des marchés au Bénin, ça n’a pas été très facile, sans doute en raison de la relative jeunesse de l’entreprise. Mais je suis confiant pour l’avenir : la certification nous apportera la légitimité donc nous manquons peut-être, et nous pourrons certainement nous externaliser. Nous disposons de matériel que nous sommes les seuls à posséder en Côte d’Ivoire, notamment en matière environnementale : nous avons par exemple une machine Geoprobe. Nous faisons donc des prélèvements de sols contaminés pour les analyser, ce qui intéresse beaucoup les entreprises pétrolières. Je crois que ce type d’équipement nous permettra vraiment de prospecter dans la sous-région.