Investiv : Service-Conseil et Gestion d’Exploitations Agricoles en Côte d’Ivoire

Karim Aboubacar Sidik nous parle du secteur agricole en Côte d’Ivoire et présente Investiv, une entreprise technologique ivoirienne spécialisée dans le service-conseil aux producteurs agricoles.

Interview avec Aboubacar Karim, Directeur d’Investiv

Aboubacar Karim, Directeur d’Investiv

Comment se porte le secteur dans lequel vous évoluez ?

C’est un secteur qui commence à être structuré. En Côte d’Ivoire, il y a une institution nommée ANADER (Agence Nationale d’Appui au Développement Rural) qui est chargée du conseil. Mais cette institution est limitée en termes de capacités. Il n’y a pas d’agents pour suivre tous les agriculteurs. Plusieurs structures de conseil agricole se sont donc mises en place. Il y a également des agronomes indépendants qui se mettent en entreprise pour répondre à la demande. C’est un secteur qui est en plein essor et le gouvernement, à un moment, sera obligé de sous-traiter avec toutes ces structures de conseil privées pour faire face aux défis du monde agricole. Quand nous nous rendons sur une parcelle par exemple, nous constatons de nombreux défauts. Il y a des itinéraires techniques qui ne sont pas respectés et cela porte un coup à la production. Il faut également former les agriculteurs aux nouvelles techniques de semence pour moderniser l’agriculture.

Quelle est la valeur ajoutée que vous apportez à ce secteur ?

Nous sommes ouverts à toutes les propositions d’investissement. Nous en sommes au stade de stabilisation de l’entreprise. Nous voulons développer des services au-delà des frontières de la Côte d’Ivoire.

Nous faisons du conseil, mais au-delà, nous faisons de la gestion d’exploitations agricoles. Par exemple, pour quelqu’un qui veut faire de la tomate, nous mettons en place l’exploitation pour lui et nous la gérons. Nous l’aidons à commercialiser le produit. Nous lui permettons de suivre toutes ces étapes via une plateforme en ligne. Quand vous êtes client d’Investiv et que vous n’avez pas le temps d’aller sur votre parcelle, à travers un code de suivi, vous voyez toutes les photos-vidéos, les rapports de visite, les chiffres clés et les indicateurs de votre exploitation. Nous faisons également la promotion de l’agriculture de précision. C’est une agriculture qui permet d’optimiser au maximum les ressources. Face à la déforestation, au réchauffement climatique et à la population qui croît, il faut avoir de nouvelles méthodes de culture qui respectent l’environnement et qui optimisent les parcelles. Il faut produire plus sur de petites parcelles tout en limitant l’emploi des produits néfastes. C’est notre apport à ce secteur. Nous voulons bâtir le futur de l’agriculture en Afrique en misant sur l’agriculture de précision.

Qui sont vos clients ?

Nous avons deux cas de figures. Dans le premier cas, il y a des gens qui n’ont pas commencé une activité agricole, qui ont entendu parler de notre entreprise et qui veulent se faire accompagner. Il y a également des gens qui ont commencé et qui sont venus vers nous par la suite parce que les choses ne marchaient pas. Nous proposons à ces personnes des plans de réhabilitation de parcelles. En outre, il y a des entreprises qui nous sollicitent pour faire de la cartographie de parcelles, des prévisions de récoltes et des comptages de plants.

Quelles sont les entreprises avec lesquelles vous avez travaillé ?

Nous avons travaillé avec l’ONDR (Office National de Développement de la Riziculture). Avec cet office, nous avons fait des plans d’aménagement dans la culture du riz. Nous avons utilisé des drones pour survoler les parcelles afin de déterminer les zones où il y avait le plus d’eau. Puis nous avons fait des plans afin de mieux irriguer les parcelles de riz. Nous travaillons également avec A2P (Afrique Phyto Plus) qui est une entreprise d’intrants agricoles. Nous avons développé une parcelle de démonstration pour cette entreprise. En effet, les responsables voulaient montrer la qualité de leurs intrants. Nous avons aussi travaillé avec la commission nationale de l’Unesco sur un projet. Nous avons fait des formations agricoles sur le terrain.

Quels sont les prix que vous avez reçus ?

Nous avons reçu le prix de la Fondation Tony Elumelu for Entrepreneurship, qui chaque année récompense mille entrepreneurs africains. En 2017, nous avons gagné le concours de la Business Plan Competition du Patronat Ivoirien. C’est ce prix qui nous a d’ailleurs fait connaître. La CGECI Academy (Confédération Générale des Entreprises de Côte d’Ivoire) nous a permis de gagner en crédibilité et en visibilité à l’échelle nationale. Nous avons aussi remporté le prix du district d’Abidjan et le prix de l’Ecole Polytechnique de Paris. Cette école récompense des start-up africaines. Nous avons également reçu un prix de la BAD (Banque Africaine de Développement). Ces prix nous ont permis d’avoir un fonds de 35 millions. Cet argent nous a permis de lancer l’entreprise et de stabiliser l’amorçage. Nous nous sommes rendu compte que cela n’était pas suffisant mais nous avons quand même fait un bon chiffre d’affaires.

Le secteur est-il concurrentiel ? Si oui, quels sont vos avantages ?

Investiv est à la fois technique, informatique et agricole. Nous n’avons pas de concurrent qui réunisse tous ces segments. Mais sur chaque segment, nous avons des concurrents. Nous avons des concurrents sur la branche conseil agricole et gestion et sur le segment des drones à cartographie. Toutefois, nous sommes la seule entreprise agricole spécialisée dans l’offre de services de drones. La plupart de nos concurrents au niveau de l’agriculture qui utilisent les drones se limitent à l’analyse. Ils ne font pas la mise en place de parcelles agricoles. Nous sommes les seuls à avoir une entreprise qui regroupe des agronomes et des informaticiens.

L’entreprise est-elle ouverte aux investissements ?

Nous sommes ouverts à toutes les propositions d’investissement. Nous en sommes au stade de stabilisation de l’entreprise. Nous voulons développer des services au-delà des frontières de la Côte d’Ivoire. Nous avons besoin de capitaux. Nous n’avons pas de profils d’investisseurs définis. Nous cherchons un investisseur qui, en plus de l’argent, pourra créer des synergies, une amélioration technique et qui pourra faire du réseautage avec notre entreprise. Nous recherchons en plus de l’argent, l’investisseur qui va nous apporter une valeur ajoutée.

Parlez-nous de votre déploiement dans la sous-région.

Nous avons commencé à faire des tests dans des pays tels que le Cameroun et le Sénégal. Nous voulons avoir un siège en Côte d’Ivoire et avoir des équipes techniques dans tous les pays de l’Afrique de l’Ouest. Nous avons développé un modèle très stable dans le système de gestion agricole, que ce soit pour les cultures pérennes ou maraichères. Dans la culture maraichère, nous faisons des hors-sol. Ce sont des plantations à cheval entre le sol et les serres. Ce sont des systèmes stables en termes de production. Il faut pouvoir exporter ce système dans plusieurs pays d’Afrique.

Dans trois ans, que sera votre entreprise ?

Notre mission, c’est d’automatiser la production agricole tout en incluant les populations rurales. C’est vrai qu’un petit producteur ne peut pas avoir accès nos services parce qu’ils coûtent chers. Mais nous voulons toucher des institutions qui pourraient nous permettre de démocratiser ces services afin de les proposer aux planteurs. Nous voulons contribuer à augmenter le revenu de ces planteurs qui sont pauvres. Nous voulons leur donner de l’espoir pour l’avenir. Avec l’exode rural, nous voulons montrer à la jeunesse que l’agriculture peut être attractive.

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