Cocody Cité Verte, Puits de Carbone : Un Vaste Projet Environnemental pour Changer Cocody

Interview avec N’Goan Aka-Kakou Mathias, Maire de Cocody

Pouvez-vous faire le bilan de vos activités depuis votre élection à la Mairie de Cocody?

A notre arrivée, après notre élection en 2013, nous avons trouvé un endettement de plus de 9 milliards de FCFA, alors que le budget de la commune était de 6 milliards par an. Au niveau des écoles et des centres de santé, il y avait de nombreux travaux de réhabilitation qu’il fallait faire. Avec ce budget insuffisant, il fallait tout mettre en œuvre pour redonner le goût à la vie aux habitants de Cocody. Nous avons donc usé de nos relations avec la Croix-Rouge et des hôpitaux en Europe qui nous ont gracieusement offert du matériel de santé. Nous avons également reçu des ouvrages scolaires de certains amis pour enrichir notre bibliothèque et en donner aux écoles de la commune. Nous avons réfléchi afin de trouver un financement qui pouvait permettre à Cocody d’aller de l’avant. C’est ainsi qu’à la COP 21 qui a démarré à Yamoussoukro, j’ai rencontré des amis américains, européens et africains avec qui j’ai échangé. Je leur ai dit que je dirigeais une commune où il y avait beaucoup à faire et que j’étais à la recherche de financements. Ils m’ont fait savoir que c’était dans le vert que je pouvais trouver des financements. C’est ainsi qu’est née l’idée « Cocody Cité Verte, Puits de Carbone ». J’ai échangé avec le Pr Touré Dramane de l’Université Félix Houphouët Boigny de Cocody qui était le représentant de Earth Rights Institute à Santa Monica, en Californie. Nous sommes donc entrés en contact avec cette ONG mondialement connue qui nous a permis de faire passer le projet aux Nations Unies le 26 septembre 2016. Le projet a eu un très bon accueil. C’est ainsi que les Nations Unies ont demandé au gouvernement d’accréditer l’équipe du maire de Cocody pour aller à la COP 22 à Marrakech. Pendant ce temps, nous avions fait une présentation de notre projet « Cocody Cité Verte, Puits de Carbone » pour la Côte d’Ivoire et le reste de l’Afrique au Président Hollande à l’Elysée. Il a chargé Ségolène Royale, son Ministre de l’Environnement, de suivre le dossier. C’est ainsi qu’à Marrakech, elle s’est rendue sur le stand de la Mairie de Cocody et nous a signifié que la France allait nous aider. C’était le seul projet complet à l’intérieur duquel on présentait les phénomènes naturels comme les inondations et autres. Notre partenaire, l’Université Félix Houphouët-Boigny, et les professeurs de cette institution, nous ont apporté leur expertise en nous montrant comment maitriser ces phénomènes naturels. Dans le cadre de ce projet, nous avons également mis en place un comité scientifique qui est présidé par un professeur d’université titulaire de chaire au Curat (Centre Universitaire de Recherche et d’Application en Télédétection), qui traite des phénomènes naturels et environnementaux.

Quels sont les différents programmes du projet Cocody Cité Verte ?

Il y a cinq grands programmes dans le projet. Le premier programme, c’est le revêtement. Il faut planter des arbres pour séquestrer le carbone. Le deuxième, c’est de tourner le dos aux énergies fossiles. Le troisième, c’est la lutte contre la pollution. Pour cela, nous voulons remplacer les véhicules polluants par des véhicules non polluants. Le quatrième, c’est la prévention contre les phénomènes naturels, tels que les inondations. Et, le cinquième programme concerne l’assainissement et la santé. C’est un grand projet qui comporte des sous-projets de 63 axes. Nous souhaitons que des entreprises nous aident. Dans le revêtement, il y a la reforestation. Avant l’indépendance en 1960, la Côte d’Ivoire était couverte de 16 millions d’hectares de forêt. Aujourd’hui, elle est à moins de trois millions d’hectares. Il faut reforester pour arrêter la désertification. Notre premier partenaire, c’est le Ministère de l’Environnement et du Développement Durable. Mais nous travaillons également avec le Ministère des Eaux et Forêts, le Ministère de la Construction et de l’Urbanisme, le Ministère de l’Energie et le Ministère du Plan.

Quelles sont les organisations qui vous accompagnent ?

Nous voulons que Cocody soit la ville moderne, la ville modèle, avec un puit de carbone, afin que l’humanité entière en profite pour diminuer son réchauffement.

Les grandes organisations devant lesquelles nous sommes passés pour présenter le projet en 2017 sont la Banque Mondiale, la BAD (Banque Africaine de Développement), le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement), le PNUE (Programme des Nations Unies pour l’Environnement), ONU Habitat (le programme des Nations Unies pour les établissements humains), le Fonds Vert pour le Climat et le Fonds Mondial de l’Environnement. Toutes ces institutions ont délégué des représentants pour se rendre compte de l’effectivité du projet. En avril, il y a eu un atelier sur l’environnement à la BAD devant les responsables de toutes ces institutions et où j’ai pris la parole en tant que maire de Cocody pour présenter le projet. A la fin de la présentation, le coordinateur général nous a assuré que le projet sera financé. C’est pour cette raison que nous demandons au secteur privé de nous donner un coup de pouce, c’est-à-dire de petites subventions pour le démarrage de nos activités. Début juillet, nous avons eu une cérémonie de planting d’arbre avec l’Afrique du Sud afin d’honorer la mémoire de Nelson Mandela. Nous avons également des projets dans les écoles où chaque élève doit planter un arbre. Nous voulons habituer la population au planting d’arbres.

Parlez-nous du programme des véhicules polluants.

Nous voulons remplacer tous les véhicules polluants, les taxis et les Wibus, mais aussi former les chauffeurs. Nous voulons transformer le transport public en transport vert. A ce niveau, il y a Hyundai et une entreprise iranienne installée au Sénégal qui nous ont approchés. Ce projet propose des véhicules à un coût très abordable, afin que les conducteurs de taxi puissent les rembourser et en être le propriétaire en trois an. L’Iran nous propose des véhicules qui peuvent marcher avec l’électricité ou le gaz. Nous allons demander à Hyundai, qui nous a fourni des Wibus, d’agrandir le parc à 5000 bus pour Cocody. Le projet va s’étendre à tout le district d’Abidjan, qui compte 13 communes. Si toutes les communes veulent 5000 véhicules comme Cocody, il y aura de nombreux véhicules verts.

Qu’en est-il de l’autonomisation de la femme ?

Beaucoup de femmes préparent à manger sur un foyer avec du bois. Une fumée se dégage de ce foyer et pollue l’air. Nous voulons éviter cela. Le foyer amélioré a déjà été fabriqué. Il fonctionne avec des brindilles qui remplacent le bois et le charbon. Le prototype qu’on nous a présenté coûte entre 15 000 et 60 000 FCFA. Nous attendons des bailleurs et des sponsors pour nous aider dans le financement des 200 000 foyers que nous voulons pour la commune de Cocody.

Qu’en est-il du programme des parcs et jardins ?

Avec une fondation, nous avons identifié sept parcs et jardins. Nous avons mis à contribution nos géographes qui nous ont présenté un projet d’un montant d’un milliard deux cent mille FCFA. Au Carrefour de la Vie, il y a une forêt de deux hectares et demi que nous allons transformer en un parc avec un ou deux kiosques à l’intérieur. Il y aura également une bibliothèque, des toilettes et un parking. Nous allons permettre aux habitants de Cocody d’aller s’y promener. Nous avons pour ambition de créer 50 parcs et jardins. Nous souhaitons avoir l’appui d’entreprises comme Bolloré, Bouygues, MTN et Orange, et ces parcs pourront porter le nom de ces entreprises. Il y aura également le wifi populaire dans ces parcs. Ce sont des idées que nous avons mûries quand nous sommes revenus de la conférence sur les smart cities organisée par le Maroc. Nous avons expliqué aux populations les bienfaits du vert, et nous leur avons dit que les grandes institutions étaient prêtes à nous accompagner pour la mise en place de ce projet. C’est ainsi que nous avons eu le soutien des populations et celui du gouvernement, qui nous a accompagné. En ce qui concerne le financement, tout est prêt. La Banque Mondiale nous a demandé les budgets de démarrage. Aussi, Cocody et Abidjan, à travers la Mairie de Paris, ont pu être admis au C40, les 40 grandes villes qui sont entrées dans le développement durable. Nous prévoyons un espace pour piétons et des espaces pour personnes handicapées sur les routes que nous allons prolonger.

Parlez-nous des emplois verts.

Nous allons commencer à assainir en faisant le curage des caniveaux, le ramassage des ordures et l’élagage des branches gênantes. Nous allons créer des pépinières d’arbres pour les plantings. La Sodefor (Société de Développement des Forêts) et le CNRA (Centre National de Recherche Agronomique) vont nous fournir 5 millions de plants. Nous avons prévu de faire 15 hectares de pépinières. Ce sont des emplois que nous allons créer. Aussi, nous allons créer des emplois au niveau de l’énergie solaire parce que nous aurons besoin de faire des panneaux. En définitive, en ce qui concerne les emplois dans la commune de Cocody, il y aura 100 000 emplois directs et 400 000 emplois indirects pour ce projet. Puisque le projet a été étendu sur un espace de 20 000 km2 sur 30 communes avec 10 millions d’habitants, et qu’il a été connecté à 40 villes à l’intérieur de la Côte d’Ivoire, il y aura de nombreux emplois créés. Et toutes les villes participeront à ce projet innovant.

Vous voyez-vous comme le pionnier du vert en Côte d’Ivoire ?

Oui, nous pensons être la locomotive. Chaque maire veut faire de sa cité une cité verte. Nous exhortons tous les maires à aller dans ce sens. C’est une vision du Président de la République parce qu’à la COP 21, il fait une déclaration et il a, par la même occasion, pris un engagement pour le climat, celui d’avoir en Côte d’Ivoire, d’ici 2100, une température avec moins 1,5°C. De retour à Abidjan, nous avons mis en place une équipe pour pouvoir aider le Président à suivre cet engagement.

Comment voyez-vous Cocody dans trois ans ?

Dans trois ans, nous souhaitons voir le revêtement de Cocody commencer. Nous voulons voir les arbres pousser afin que Cocody soit verte. Nous souhaitons que la salubrité soit au rendez-vous pour qu’il n’y ait plus de saleté dans les rues. Nous souhaitons aussi que les caniveaux servent de passage aux eaux de ruissellement pour qu’il n’y ait plus d’inondations et de morts. Nous voulons que Cocody soit la ville moderne, la ville modèle, avec un puit de carbone, afin que l’humanité entière en profite pour diminuer son réchauffement.