MonChoco : Un Acteur Unique en Afrique de l’Ouest pour sa Confection de Chocolat Cru

Interview avec Dana Mroueh, Fondatrice de MonChoco

Vous fabriquez du chocolat. Expliquez-nous exactement quel est votre produit ?

Il s’agit de chocolat artisanal, fabriqué à la main. Mais c’est surtout du chocolat cru. Qui dit « cru » dit « sans torréfaction du cacao ». Nous parlons donc d’un produit qui est travaillé de manière très naturelle, brute. On ne cuit pas les fèves de cacao. On pédale à l’aide d’un vélo pour casser les fèves de manière éco-responsable. De plus, nous n’ajoutons pas d’huile, ni de beurre de cacao ou de lécithine de soja. C’est simplement du cacao avec un peu de cassonade. Et c’est cru. Cela a donc un goût très différent, car on conserve la saveur du cacao. Les bienfaits sont différents également, puisque plus riches en antioxydants et en protéines, et ils sont préservés. Il s’agit donc d’un produit très différent des autres chocolats.

Êtes-vous les seuls au monde à produire cela ?

Nous sommes toujours ouverts et à la recherche d’opportunités. Toutefois, nous souhaitons conserver la même philosophie et les mêmes valeurs. C’est vraiment cela qui nous importe. Grandir n’a pas vraiment d’intérêt pour nous si nous devons perdre notre A.D.N.

Non, nous ne sommes pas les seuls. D’autres produisent du chocolat cru. Toutefois, ceux qui le fabriquent comme nous, sans beurre, huiles ajoutées ou quoi que ce soit d’autre, avec seulement deux ingrédients (cacao + cassonade), se comptent sur les doigts d’une main. Nous sommes également très peu dans le monde à faire notre chocolat et à le transformer nous-mêmes. La majorité des chocolatiers achète du chocolat chez des industriels comme Barry Callebaut ou Valrhona pour le transformer chez eux. C’est ainsi que travaillent les chocolatiers en Europe ou ailleurs. Nous sommes déjà une poignée de gens à travailler à partir de la fève de cacao, parmi lesquels une autre petite poignée produit du chocolat cru. De plus, la manière dont nous travaillons est vraiment très différente puisque nous prenons vraiment la fève telle que la nature nous l’offre, avec un peu de cassonade, et sans rajouter de beurre.

Actuellement nous ne fabriquons que du chocolat 70 %. Nous avons différents parfums (noix de cajou, piment, fleur de sel, fève de cacao et gingembre), toujours avec des produits du terroir de Côte d’Ivoire que nous transformons chez nous.

Quels retours avez-vous, de manière générale ?

Nous avons de bons retours. Les gens aiment beaucoup, surtout ici, car ils sont habitués à manger des fèves de cacao, et pas forcément du chocolat. Ici, les gens ont tous un papa ou un tonton planteur, et ils ont l’habitude de manger des fèves de cacao brutes. Cela appartient à notre culture. Donc, quand ils mangent notre chocolat, cela leur rappelle les fèves de cacao qu’ils ont l’habitude de manger dans les champs. Cela leur rappelle leur enfance, comme la madeleine de Proust.

Qu’avez-vous fait auparavant ? D’où a surgi cette idée ?

L’idée est venue un peu par hasard. Mon grand-père avait un hôtel et il y fabriquait du chocolat qu’il voulait proposer en dehors de l’établissement. Ma mère a partagé son projet avec moi et je lui ai piqué l’idée, car elle me plaisait beaucoup, alors je l’ai fait moi-même plutôt que de le laisser faire, lui. Toutefois, je n’avais pas du tout de formation de chocolatier. J’ai fait des études en économie et en gestion et j’ai travaillé un peu dans l’automobile, chez Peugeot-Citroën. Je ne peux pas prétendre être une chocolatière après un an et demi, deux ans dans le métier. C’est un métier très exigeant et très spécifique qui s’acquière en 20 ans au moins, parce qu’on en apprend tous les jours. C’est une matière incroyable à travailler. On a toujours des surprises. J’ai donc appris en travaillant chez plusieurs chocolatiers qui ont accepté de partager leur savoir-faire avec moi. C’est ainsi que j’ai appris les bases.

Parlez-nous un peu de votre production. Quelle quantité produisez-vous ?

C’est très artisanal, comme je l’expliquais. On utilise l’énergie du corps pour pédaler afin de casser les fèves de cacao, en évitant d’utiliser l’énergie électrique. Puis, le séchage se fait à la main. Ensuite, le broyage se fait manière traditionnelle avec des moulins (granits) pendant environ trois jours. Enfin, c’est moulé à la main. Et comme c’est un travail très artisanal, certains jours, nous pouvons produire 100 tablettes, alors que d’autres nous en produision 300, voire même parfois 400. La quantité est très aléatoire et nous essayons de pallier à ce problème-là. A une période, cela dépendait aussi du soleil, parce qu’on ne peut pas bien sécher les fèves de cacao par mauvais temps, ce qui nous amenait à ralentir la production. Nous avons ouvert il y a peu de temps, mais plus le temps passe, plus nous parvenons à trouver de nouvelles astuces pour pallier aux différents problèmes.

Vous n’utilisez pas d’électricité, y compris pour les opérations avec le granit ?

Si, avec le granit, nous utilisons de l’électricité. Nous essayons d’en utiliser le moins possible et de recycler nos déchets. Par exemple, l’écorce de la fève de cacao n’est pas comestible, parce qu’elle n’est pas digeste. Nous l’utilisons pour faire des infusions de cacao. Ou alors, nous les proposons en tant qu’engrais aux planteurs. On essaie vraiment d’avoir une démarche éco-responsable pour avoir l’impact le plus minime possible sur l’environnement.

Comment voyez-vous votre développement ? Quels sont vos challenges actuels ?

Nous avons de nombreux challenges. Le premier est de trouver des planteurs avec qui nous pourrions bénéficier d’une qualité plus constante et d’un travail plus régulier, parce que c’est très aléatoire. Quand il s’agit de l’humain, on ne peut pas avoir la main mise sur tout. Il s’agit vraiment de trouver des personnes fiables, plus régulières et plus sérieuses en amont avec nos fournisseurs. Notre deuxième challenge consiste à devenir plus productifs, plus rapides. Et enfin, le troisième challenge concerne l’export. Nous exportons déjà en petite quantité, mais jusqu’à aujourd’hui, ce produit était surtout destiné à faire découvrir le chocolat aux Ivoiriens, parce qu’ils plantent du cacao, mais ne savent pas ce que le monde en fait. Nous voulions vraiment leur faire découvrir ce qu’est le chocolat, et maintenant que nous commençons à nous faire connaitre au niveau local, le projet serait vraiment de faire partager ce produit au plus grand nombre.

Etes-vous à la recherche de partenaires ?

Si cela peut nous permettre de grandir plus vite et mieux, oui, pourquoi pas ? Nous sommes toujours ouverts et à la recherche d’opportunités. Toutefois, nous souhaitons conserver la même philosophie et les mêmes valeurs. C’est vraiment cela qui nous importe. Grandir n’a pas vraiment d’intérêt pour nous si nous devons perdre notre A.D.N.

Votre chocolat n’est pas bon marché. Il s’adresse à ceux qui ont la capacité d’en acheter. Quel marché ciblez-vous, au départ ?

Nous nous adressons aux Ivoiriens à la recherche de quelque chose de fin, de différent, d’innovant ; aux bons vivants, aimant les produits du terroir, aux connaisseurs de vins, de chocolat, à tout type de personnes qui aiment vraiment les choses de qualité.

Et comment se le procure-t-on ?

On peut nous appeler par téléphone, ou se rendre chez nos distributeurs parce que nous avons de nombreux partenaires ici, ainsi que quelques un à l’extérieur. La liste des points de vente est disponible sur notre site internet : www.monchoco.com. On y retrouve de nombreuses épiceries fines come par exemple Oenophile, Eucalyptus, Comptoir des Artisans, Nushi, etc. ; de magasins consacrés à la santé et au bien-être ; ou encore d’hôtels où nos produits sont disponibles.

Comment voyez-vous MonChoco dans deux ou trois ans, si tout marche comme vous le désirez ?

Dans le meilleur des mondes, MonChoco sera à la portée de tous, connu et toujours avec le même A.D.N., et les mêmes valeurs, mais plus global.