Infrastructure et BTP : Interview avec Philippe Eponon de La Route Africaine
Philippe Eponon met en avant la situation actuelle du secteur du BTP en Côte d’Ivoire, et présente la Route Africaine, ses avantages concurrentiels, ses projets et les distinctions qui lui ont été attribuées. Il évoque également ses ambitions pour le futur de la société dans les deux prochaines années à venir.
Interview avec Philippe Eponon, Administrateur Général de La Route Africaine et Président du GIBTP (Groupement Ivoirien du Bâtiment et des Travaux Publics)
Quelle est la situation actuelle du secteur du BTP et où se situent ses besoins aujourd’hui?
En ma qualité de Président du GIBTP (Groupement Ivoirien du Bâtiment et des Travaux Publics), je représente aussi bien les entreprises internationales que les sociétés locales. À la fin de la crise post-électorale, le gouvernement a fait un effort important de relance de l’économie par le BTP. Toutes les infrastructures étaient quasiment en ruine et l’État a investi lourdement dans le secteur, ce qui a provoqué une réaction en chaîne favorable à toutes les entreprises. Aujourd’hui ces dernières ont épuisé les investissements étatiques et sont en attente d’autres investissements. Or, une grande partie des machines et équipements sont encore en cours d’amortissement et restent inutilisés. Il est donc nécessaire de réfléchir à la manière de relancer l’activité de toutes ces entreprises, le développement de la Côte d’Ivoire étant loin d’être terminé. J’appelle donc l’État à mettre sur pied un plan pour favoriser le redémarrage de l’activité du secteur du BTP. Il est souvent d’usage d’associer la prospérité de notre secteur à celle de l’économie en général. Actuellement, la situation est très difficile en Côte d’Ivoire à cause de la chute des coûts des matières premières. Les retards de paiement vont certes être prochainement résolus grâce à l’aide de l’État, mais la reprise de l’activité est indispensable pour relancer durablement l’économie.
Quels sont, pour votre entreprise, les secteurs les plus intéressants en termes de marges et de revenu ?
Notre société a été nominée puis nommée meilleure entreprise du secteur des travaux publics. Cette distinction est source de fierté, car elle couronne un processus.
La Route Africaine intervient depuis 6 ans dans le cadre de grands projets de BTP, tels que la construction de nouvelles routes, la réhabilitation de pistes en terre et les ouvrages de génie civil (drainage, assainissement, ouvrages d’art). Nous avons aussi constaté un déficit au niveau des terrains urbains aménagés d’Abidjan et de villes de l’intérieur du pays. Nous avons déjà développé deux projets dans ce domaine. La remise à niveau des aménagements urbains pour qu’ils répondent aux normes actuelles de qualité de vie pour les populations constitue aujourd’hui un créneau porteur pour notre entreprise. Ce sont des projets directement financés par le promoteur lui-même. Par ailleurs, notre activité touche aussi toute la chaîne de fabrication de produits manufacturés pour la construction routière. Les projets les plus porteurs en termes de chiffre d’affaires sont les grands projets routiers. Mais ces derniers ne peuvent être contractés que dans le cadre d’un appel à concurrence. Ils sont favorables au chiffre d’affaires mais apportent très peu de marges bénéficiaires. Il est donc nécessaire de trouver d’autres créneaux, comme l’aménagement des terrains urbains, permettant de dégager davantage de marges et de continuer à développer notre activité.
Quelle est votre expérience et quels sont vos avantages concurrentiels dans le domaine des aménagements urbains ?
J’aimerais premièrement rappeler le contexte de création de notre entreprise. J’ai travaillé pendant 27 ans dans une multinationale et me suis rendu compte de la différence de coûts et de qualité qu’il y avait entre une société internationale, qui répondait aux règles internationales, et une société locale, obéissant à des règles locales. Je me suis aperçu que le fossé existant entre les règles internationales et locales constituait un créneau intéressant, car, grâce à mon expérience, je maîtrisais très bien les deux systèmes et étais donc capable de me situer au centre, en proposant une qualité internationale à des coûts locaux. Le personnel que j’employais était essentiellement local et son coût était bien inférieur au personnel expatrié. Je représente donc aujourd’hui la transition entre les sociétés locales et les entreprises internationales et multinationales. Mon objectif est d’atteindre le statut d’une société internationale à brève échéance, en développant mon activité à l’extérieur de la Côte d’Ivoire. Mais je dois pour cela acquérir une réputation solide dans mon propre pays. Le Ministère de la Construction a identifié un besoin réel dans le secteur des terrains urbains aménagés, qui est le créneau principal sur lequel nous voulons nous concentrer aujourd’hui. Il y a une vingtaine d’années, l’État ivoirien a créé des sociétés d’aménagement urbain qui ont permis de construire de nombreux quartiers à Abidjan. Mais depuis que l’État s’est désengagé, la relève n’a pas été prise. Nous avons été identifiés par l’Agence de Gestion Foncière, un organisme public, pour développer dans un premier temps deux projets d’aménagement de terrains urbains qui se sont ensuite vendus extrêmement rapidement. Mais le Ministère de la Construction s’est aperçu qu’une seule agence ne suffisait pas pour couvrir tous les besoins d’Abidjan et des villes de l’intérieur du pays dans ce secteur. Il a donc ouvert ce secteur d’activité à des entreprises privées ayant les compétences financières et techniques nécessaires pour aménager des terrains sous le contrôle du gouvernement qui décide alors de la vente. Notre avantage réside dans le fait d’avoir été les premiers à aménager des terrains qui se sont très bien vendus. Nous avions préfinancé les projets et la vente des terrains nous avait ensuite permis de rentrer dans nos frais. Nous disposons donc aujourd’hui de la confiance des banques qui nous ont accompagné dans ce cadre. Notre expérience positive dans ce domaine constitue un avantage fondamental dont nous voulons profiter, car ces projets d’aménagement sont beaucoup plus rémunérateurs que les grands projets, grâce auxquels nous pouvons gagner en visibilité mais qui ne nous permettent pas de dégager des marges importantes.
Envisagez-vous de vous développer dans d’autres domaines ?
Nous souhaitons davantage nous tourner vers l’industrie routière. Pendant trente ans, le commerce de béton manufacturé était entre les mains d’une seule société ivoirienne. Or les sous-produits du béton servent à la construction de routes et nous portions un intérêt croissant à ce domaine. Nous avons donc lourdement investi dans des équipements de production de béton manufacturé. C’est un secteur que l’on envisage de développer car d’une part, ces produits peuvent servir dans le cadre des aménagements urbains, et d’autre part, notre clientèle du secteur de l’industrie routière ne cesse de croître. L’aménagement des terrains urbains et l’industrie routière constituent donc les deux secteurs sur lesquels nous nous appuyons pour faire grandir la société.
Pouvez-vous nous donner des exemples de grands projets auxquels vous avez participé ?
Nous avons commencé notre activité en nous concentrant sur les pistes en terre car c’est le secteur permettant d’atteindre le plus de marges. Nous nous sommes ensuite tournés vers les voies express et avons par exemple réalisé la voie express de Vridi Port-Bouët. Nous avons ensuite participé à la construction de la station de péage de l’autoroute du Nord. Et nous travaillons à présent sur un projet s’élevant à environ 20 millions d’euros pour la construction d’une route neuve à 100 km d’Abidjan. En génie civil et assainissement, nous avons construit 1600 km d’égouts à 7 m de profondeur. Voilà quelques-uns des grands projets réalisés en 6 ans.
En termes de certification et normes de qualité, sur quoi pouvez-vous vous appuyer pour gagner la confiance de vos interlocuteurs ?
Au moment de la création de notre société, nous nous sommes assurés d’engager des ingénieurs qualité et des responsables de sécurité environnementale, afin de préparer au mieux le processus de certification qualité et responsabilité sociétale environnementale. Cela constitue un réel avantage, car dans les appels d’offres, les bailleurs de fonds commencent à imposer des règles en matière de qualité et de gestion environnementale et sécuritaire des projets. La qualité est la référence première de notre entreprise, mais la norme internationale sera le meilleur instrument pour en attester officiellement auprès de nos clients et donneurs d’ordres. Nous avions déjà mis en place une ossature qualité-hygiène-sécurité-environnement depuis notre création, mais il était important d’officialiser nos efforts pour que nos clients sachent que notre entreprise respecte aujourd’hui toutes les normes en vigueur. Nous avons donc récemment invité un organisme international habilité à réaliser le processus de certification de notre entreprise. Elle nous permettra de donner confiance à nos clients et représentera pour nous un avantage concurrentiel.
Quels sont vos besoins actuels en matière de ressources humaines ?
Notre particularité réside dans le fait que nous ne recherchons pas de main d’œuvre expérimentée. Notre entreprise est jeune et nous avons nous-mêmes appris le métier directement à la fin de nos études d’ingénieur. Nous en connaissons donc toutes les phases et tous les secteurs. Dans notre stratégie de ressources humaines, nous prenons le soin de recruter à notre tour de jeunes diplômés motivés et talentueux, que nous formons selon les besoins internes de l’entreprise. Nous espérons ainsi les fidéliser, car la formation coûte relativement cher, et nous souhaitons à long terme pouvoir nous appuyer sur des ingénieurs et techniciens formés par l’entreprise et attachés à celle-ci.
Quelles sont les différentes distinctions qui vous ont été récemment décernées ?
Au cours des deux premières années qui ont suivi la création de notre entreprise, les projets sur lesquels nous travaillions étaient toujours situés en dehors d’Abidjan, à l’intérieur du pays. Nous étions alors encore inconnus dans notre secteur et avons commencé, la troisième année, à développer notre activité à Abidjan, ce qui nous a permis de nous faire repérer par les autorités du secteur qui ont alors reconnu notre sérieux et notre niveau de qualité. Nous avons rapidement été nominés et avons reçu le troisième prix de la meilleure entreprise du secteur. Un an plus tard, nous avons été heureux de constater que le travail mis en place portait ses fruits. Notre société a été nominée puis nommée meilleure entreprise du secteur des travaux publics. Cette distinction est source de fierté, car elle couronne un processus. Nous nous efforçons désormais de maintenir notre niveau d’excellence et de continuer à nous distinguer ainsi de tous nos concurrents. J’ai personnellement été désigné meilleur chef d’entreprise de l’année, mais, au-delà de la fierté que cela me procure, je dois poursuivre ma progression pour continuer à compter parmi les meilleurs.
Quelle est votre ambition pour les deux prochaines années ?
Dans le plan sur cinq ans, que nous avons élaboré il y a deux ans, notre objectif était de devenir le leader du BTP au niveau national au terme de la période. Mais nous devons faire face à des facteurs exogènes que nous ne pouvons influencer, comme la décrue d’activité. Dans ce cas, notre but serait d’abord de garder le personnel que nous avons formé. Mais si la situation reste favorable, nous aimerions doubler notre effectif sur les deux à trois années à venir – nous sommes aujourd’hui 250 collaborateurs – et tripler notre chiffre d’affaire, situé aujourd’hui à 15 millions d’euros, pour atteindre 45 à 50 millions d’euros. Cela représente un stade critique qui nous permettrait de nous développer à l’international. Car pour assurer ce niveau d’activité, nous ne pouvons nous appuyer seulement sur nos ressources locales. L’objectif est donc de nous implanter au Burkina Faso, au Ghana, au Bénin, etc., et de tripler ainsi notre activité actuelle.
EN SAVOIR PLUS :
SITE WEB : www.larouteafricaine.com
FILM INSTITUTIONNEL :
• La Route Africaine : L’Horizon se Rapproche
VIDÉOS :
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• La Route Africaine : 6 Ans au Service des Grands Projets de BTP en Côte d’Ivoire
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