Secteur Bancaire en Côte d’Ivoire: Philosophie de BICICI

Pour la Côte d’Ivoire, on connait une croissance de 8 à 9 % et cela devrait durer au cours des prochaines années, mais je pense que nous, la Banque Centrale et les autorités de la région, devrons faire plus d’efforts pour demander à ce que les fonds propres des banques soient encore renforcés, de sorte que nous ayons la capacité réelle d’accompagner l’économie.

Interview avec Jean-Louis Menann-Kouame, Directeur Général de BICICI (Groupe BNP Paribas)

Jean-Louis Menann-Kouame, Directeur Général de BICICI

Par rapport à votre politique de la BICICI vers l’international, il y a plusieurs choses que vous voulez mettre en place. Pouvez-vous parler de la volonté d’apporter un crédit à l’habitat à toute la diaspora ivoirienne à l’étranger?

Nous avons participé au dernier forum “Diaspora For Growth”, organisé par les autorités ivoiriennes. Nous comprenons que l’un des souhaits forts exprimés par les ivoiriens de la diaspora c’est de pouvoir bénéficier d’un logement en Côte d’Ivoire, de sorte de pouvoir y habiter le jour où la personne souhaiterait revenir dans son pays d’origine.

Nous pensons que mettre sur le marché une offre qui serait dédiée à cette population, fait partie des choses qui pourraient être. L’idée est d’identifier les cadres ivoiriens travaillant dans des entreprises en Europe, aux Etats-Unis, dans la sous-région, qui pourraient justifier d’une rémunération régulière, d’un contrat de travail en bonne et due forme, et d’accompagner ces cadres en leur octroyant un prêt immobilier en CFA en Côte d’Ivoire, qui serait remboursé soit par des revenus locatifs, soit par une partie de leur rémunération à l’étranger. L’idée est que nous nous adressions à cette cible de clientèle, nous y croyons et nous y travaillons actuellement.

Par rapport à votre politique concernant l’international, y a-t-il autre chose que vous voulez ajouter en termes de produits ou de services? Quelle est la philosophie de la BICICI par rapport à cela?

Nous avons des entreprises ivoiriennes qui sont en rapport avec l’étranger de façon générale pour des opérations d’importation ou d’exportation. Comme vous le savez, la Côte d’Ivoire et le premier producteur de cacao, nous avons des clients exportateurs de cacao et accompagner ces clients comme accompagner ceux qui sont plutôt grands importateurs de biens et services suppose que nous ayons un département fort en commerce international et c’est le cas. Nous avons un desk “Trade Finance” qui accompagne de façon résolue, à travers une maitrise parfaite des techniques de commerce international, et qui est plutôt performant et actif dans l’accompagnement de ce segment de clientèle.

Nous pouvons aujourd’hui très clairement afficher le fait que nous sommes banque de référence sur le marché local dans le financement d’activités de commerce international.

Quel est votre stratégie, que voulez-vous mettre en place, quelle est votre volonté en termes de classement?

En premier lieu, tout en montrant notre volonté d’accompagner l’économie ivoirienne plutôt bien orientée, nous resterons très vigilants sur notre approche du risque de crédit. C’est fondamental, ça fait partie de l’ADN de BNP Paribas.

Le deuxième point important, c’est la notion de respect des règles qui existent sur le marché financier, qui est en train de se développer au niveau international et régional, avec un régulateur qui est très présent dans l’édiction de règles de nouvelles procédures à respecter notamment en matière de conformité, l’un des deuxièmes piliers de la stabilité de notre groupe et de sa filiale ici c’est de travailler dans le respect des règles, nous y accordons beaucoup d’importance, nous mettons beaucoup de temps à former nos collaborateurs en la matière.

Il y a aussi le business, pour nous c’est mettre au centre du jeu la satisfaction du client. Ça peut paraitre une idée reçue ou ça peut paraitre banal, mais c’est pour nous la seule condition pour assurer la pérennité de nos revenus. Nous sommes aujourd’hui 25 banques en Côte d’Ivoire, celles qui feront la différence sont celles qui non seulement mettront sur la table les produits qu’il faut, mais en plus sauront servir ces produits à une clientèle devenant de plus en plus exigeante. La population se rajeunit, elle est de plus en plus éduquée et de fait elle est de plus en plus exigeante. Et nous tâcherons d’être au rendez-vous de la satisfaction de ces clients exigeants.

Enfin, dans un pays qui connait depuis 3 ans une croissance économique plutôt forte et qui semble entrer dans les habitudes, nous sommes en train de connaitre une page d’or de l’histoire de la Côte d’Ivoire, nous pensons être à côté des entreprises et des entités qui portent des projets d’investissement, des projets de développement, et il en existe de plus en plus, il s’agit pour nous de les identifier et de leur faire part de notre panoplie de produits et de services, nous pensons avoir l’offre la plus robuste et la plus complète du marché ivoirien, pour nous il est important que ces clients soient au fait de notre panoplie d’offre de produits et de services, et ensemble nous travaillons avec nos collaborateurs à être branchés sur ces deals importants qui voient le jour aujourd’hui en Côte d’Ivoire.

Qu’est-ce qui fait que vous êtes différents des autres banques?

Vous avez cité des produits, type l’affacturage, l’avance sur facture, le crédit-bail mobilier et bientôt immobilier, j’ai parlé de filière cacao tout à l’heure dans l’accompagnement de ces clients à travers notre desk “Soft Commodities”, nous avons effectivement des produits que nous pouvons retrouver dans d’autres banques, et c’est bien que ces produits se retrouvent dans d’autres banques. Ce qui est important de savoir c’est qu’avec des ressources humaines de très bonne qualité, bien formées et surtout en étant adossé à un groupe comme BNP Paribas, où nous bénéficions d’expertise en centrale, nous bénéficions d’un accompagnement de ces expertises ici en Côte d’Ivoire et nous pouvons prétendre offrir les meilleurs services à nos clients.

Maintenant il y a la question du prix, c’est-à-dire la tarification, qui devient de plus en plus un élément comparatif important aux yeux de nos clients. L’idée, je pense l’indiquer régulièrement à mes équipes, est que nous puissions sur un marché très compétitif et très concurrentiel, être très attentifs à la tarification, que nous soyons compétitifs, parce que nous sommes certains de la qualité de nos produits, après il faut que nous les vendions. Nous allons mettre de plus en plus l’accent sur la tarification adéquate, pour faire de nous une banque performante avec une offre de service de qualité, mais également une banque compétitive avec une offre tarifaire qui soit étudiée et qui prenne en compte les réalités de notre marché et les capacités de nos clients.

Parlons de votre expérience dans le domaine financier. Parlez-nous des clients haut de gamme et de ce que vous souhaitez mettre en place par rapport à cela.

D’abord, il faut dire que le marché financier régional dans sa configuration actuelle qui date de la fin des années 90 a connu une dynamique très intéressante. La BRVM (Bourse Régionale des Valeurs Mobilières) aujourd’hui occupe une place de choix dans le marché, nous avons un régulateur également qui est le Conseil Régional des Marchés Financiers qui joue son rôle avec rigueur et sérieux, tout cela a concouru à l’émergence d’une place financière de très bonne réputation et de bonne qualité.

Au sein de cette place financière opère notre place BICIBOURSE, qui aujourd’hui est l’une des sociétés de gestion et d’intermédiation la plus dynamique de la région UEMOA, et nous souhaitons en tant qu’actionnaires de BICIBOURSE, travailler en parfaite synergie, ou en tout cas développer les possibilités de synergie avec notre filiale, dans ce que j’appellerais l’accompagnement de nos clients haut de gamme dans leur connaissance et leur intervention sur ce marché boursier. Nous pensons qu’une meilleure synergie entre nos gestionnaires de clientèle haut de gamme et BICIBOURSE pourrait permettre à notre réseau d’agences d’être mieux au fait des possibilités de placements qui existent sur le marché financier et d’être capables de les proposer à nos clients haut de gamme. Ceux-ci sont demandeurs de ce type de prestation. Nous avons aujourd’hui l’expertise pour le faire. Il s’agit en fait de travailler sur une fluidité de l’information, une synergie plus poussée entre notre filiale BICIBOURSE et notre réseau d’agences pour atteindre cet objectif de diffuser l’information, de conseiller et de faire intervenir nos clients haut de gamme comme acteurs du marché financier, en achetant, en vendant des actions et des obligations qu’on leur propose.

Quelle est votre prévision par rapport à la concentration future du marché bancaire en Côte d’Ivoire?

La Banque Centrale vient de décider il y a quelques jours du fait que le capital social minimum des banques de l’UEMOA devait nécessairement être porté de 5 à 10 milliards de francs CFA à un horizon 31 décembre 2017. C’est une obligation qui s’impose à toutes les banques de la place, et c’est plutôt une bonne chose. Mais lorsque nous regardons le niveau de fonds propres d’une façon générale, des banques, par exemple de la Côte d’Ivoire mais c’est un exemple qui peut être étendu aux autres pays de l’UEMOA, nous nous rendons compte que ce niveau est plutôt faible par rapport à l’ambition des pays affichée par les gouvernements de croissance économique forte du PIB, il y a un décalage entre ces ambitions et les fonds propres des banques qui somme toute ne permettent pas d’accompagner dans la durée les économies de la région.

Pour la Côte d’Ivoire, on connait une croissance de 8 à 9 % et cela devrait durer au cours des prochaines années, mais je pense que nous, la Banque Centrale et les autorités de la région, devrons faire plus d’efforts pour demander à ce que les fonds propres des banques soient encore renforcés, de sorte que nous ayons la capacité réelle d’accompagner l’économie. Avec les niveaux de fonds propres que nous avons aujourd’hui cet accompagnement sera à mon avis limité et c’est dommage.

Si une telle décision est prise, si le régulateur demande par exemple d’aller au-delà de 10 milliards et que cette décision s’impose à tous les acteurs bancaires, cela pourrait éventuellement conduire à quelques mouvements de concentration.

Mais nous n’en sommes pas encore là, l’horizon de 2017 vient à peine d’être fixé, à mon avis ce sera pour la fin des années 2010 ou début des années 2020 que nous assisterons à une telle évolution. Je pense qu’il est bon que les autorités se penchent sur la question.

Vous avez évoqué la croissance de la Côte d’Ivoire, ça fait 4 ans que la Côte d’Ivoire connait des chiffres étonnants, vous êtes confiant pour une croissance sur le même rythme?

Oui, très clairement et pour plusieurs raisons. La Côte d’Ivoire a des fondamentaux. Le Président Houphouët-Boigny a donné à ce pays un socle solide sur lequel on peut construire, et sur lequel les générations futures construiront. D’ailleurs si ce socle n’existait pas, ce pays aurait été en très grande difficulté pendant la décennie 2000-2010 où nous avons connu une crise sévère. Mais il a plutôt tenu bon. L’exemple simple c’est que les salaires des fonctionnaires ont été régulièrement payés jusqu’au bout. Le socle existe. Au cours des 3 dernières années, nous avons connu une action du gouvernement et de ses démembrements favorable au développement économique et les chiffres ne sont pas trompeurs puisque nous sommes aujourd’hui à des taux de croissance qui sont relativement élevés.

Pour la Côte d’Ivoire, on connait une croissance de 8 à 9 % et cela devrait durer au cours des prochaines années, mais je pense que nous, la Banque Centrale et les autorités de la région, devrons faire plus d’efforts pour demander à ce que les fonds propres des banques soient encore renforcés, de sorte que nous ayons la capacité réelle d’accompagner l’économie.

La volonté du gouvernement telle qu’elle est affichée aujourd’hui, semble montrer que cette tendance devrait se poursuivre au cours des prochaines années. La conséquence directe de tout cela c’est que nous assistons au retour d’investisseurs qui étaient partis et nous assistons à l’installation d’investisseurs qui ne s’intéressaient pas à cette partie du monde par le passé. Nous sommes aujourd’hui devenus un véritable relais de croissance pour certains investisseurs internationaux et cela à mon avis, devrait contribuer à assurer une stabilité et une croissance économique au cours des prochaines années. Je crois en l’avenir du pays en matière de croissance économique, en tout cas à moyen terme.

J’ajoute que les Ivoiriens bénéficient d’une façon générale d’une formation académique solide. Nous avons aujourd’hui des ressources humaines de bonne qualité, qui travaillent dans les différentes entreprises du pays et nous avons une administration qui est plutôt bien organisée.

L’effet conjugué de tout cela devrait nous permettre d’assurer une stabilité politique, c’est important, et en même temps une croissance économique au cours des prochaines années. Telle est l’analyse que nous pouvons faire aujourd’hui.

Si vous réussissiez à atteindre tous vos objectifs, quelle serait la BICICI dans 2 ou 3 ans?

La BICICI dans 2 ou 3 ans, je l’espère, sera une banque qui aura pu asseoir un maillage d’agences dans l’ensemble du pays. Je souhaite qu’elle puisse être citée comme banque de référence, voire mieux, banque de préférence des clients internationaux qui viennent en Côte d’Ivoire mais également des entreprises ivoiriennes qui font un travail plutôt intéressant dans leurs secteurs d’activités respectifs.

Nous souhaitons également que dans cet horizon de 2-3 ans, nous puissions être une banque de référence dans le financement de l’immobilier, qui est un élément cher aux ivoiriens, l’accession à la propriété immobilière est devenue une priorité pour bon nombre de cadres et nous souhaitons être à leurs côtés dans la concrétisation de ce type de projets.

Et dans 2-3 ans, je souhaite que lorsque nous ferons des enquêtes de satisfaction clients, nous puissions être désignés comme une banque qui sait mettre la satisfaction du client au cœur de ses priorités. Nous serions cités comme une banque qui sait accueillir un client, en agence comme en centre d’affaires, et j’ai bon espoir que nous y arriverons. Nous sommes outillés pour cela.

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