Côte d’Ivoire : Interview Exclusive avec Jean-Louis Ekra, PCA de NAS Côte d’Ivoire

Jean-Louis Ekra nous parle de l’importance de former la jeunesse à l’entreprenariat, et présente National Aviation Services, une société koweitienne qui offre des services d’aéroport au sol, et ayant pour ambition de se développer en Afrique.

Interview avec Jean-Louis Ekra, Président du Conseil d’Administration de NAS Côte d’Ivoire

Jean-Louis Ekra, Président du Conseil d’Administration de NAS Côte d’Ivoire

Vous êtes impliqué dans la formation de la jeunesse à l’entreprenariat ? Pourquoi ce choix ?

Quand on observe le monde du travail partout et particulièrement dans nos pays en développement, les emplois sont créés par l’Etat et par de grandes multinationales venant de l’Europe et des Etats-Unis. Au fur et à mesure que le pays était en croissance, le nombre d’emplois créés par ces multinationales baissait. Les étudiants qui sortaient de l’université n’avaient pas d’emplois. Car, le nombre d’emplois créés n’était pas en adéquation avec le nombre d’étudiants qui sortaient avec un diplôme. Ces jeunes se sont donc tournés vers l’entrepreneuriat. L’important, c’est de donner aux jeunes une mentalité d’entrepreneur. Il a fallu que ces jeunes soient encadrés pour se préparer à être entrepreneurs. Il a fallu également leur permettre d’avoir accès à des financements pour les aider à s’accomplir. Les jeunes ne doivent plus continuer à penser que l’emploi doit être créé par d’autres et qu’il ne leur suffira que d’envoyer des CV et des lettres de motivation pour être retenus. Le chômage des jeunes est un phénomène qui est très accentué dans les pays en développement comme la Côte d’Ivoire. Même en France, le BPI a été créé pour trouver une solution à ce problème.

Dans ce domaine, vous avez mené de grandes actions. Pouvez-vous nous expliquer comment vous vous y êtes pris ?

Les jeunes ne savent pas les opportunités qu’ils peuvent y avoir et comment y aller. L’esprit d’entreprise, c’est de voir une opportunité qui se dessine et de savoir comment la saisir.

J’ai été approché par des jeunes qui font de la consultance dans l’incubation et dans l’encadrement des entreprises afin d’améliorer la gestion de celles-ci. J’apporte mon expérience à ces jeunes. En effet, j’ai été financier international et j’ai fait de la banque pendant 37 ans. Ils bénéficient aussi de mon carnet d’adresses international qui permettra à terme à ce fonds de lever un montant suffisant pour permettre aux jeunes qui cherchent à entreprendre de trouver les investissements nécessaires pour mettre en œuvre les idées qu’ils ont. Les jeunes doivent pouvoir entrer dans la chaine des valeurs. Dans des pays comme la Côte d’Ivoire qui sont tournés vers les exploitations minières, minérales et agricoles, il y a beaucoup à faire dans la chaine intermédiaire. Il y a des grands groupes qui sont au bout de la chaîne. Ces groupes interviennent dans le café, le cacao, les mines, etc. Ces grands groupes ont besoin de petites entreprises pour exécuter des tâches spécifiques. Ce sont des tâches telles que la logistique et la transformation intermédiaire. Pour un produit comme le cacao, entre le cacao récolté et le cacao qui fera l’objet de chocolat, il y a un grand nombre d’activités intermédiaires de transformations à faire avant l’exportation. Je pense que des jeunes peuvent entrer dans cette chaîne de valeur. Ce sera aussi une source de création d’emplois et une source de valeur ajoutée.

Pourquoi, selon vous, la Côte d’Ivoire peine à transformer ses matières premières, telles que le cajou et autres ?

Pour que nos pays se développent, il faut une transformation structurelle de notre économie. Nous devons nous départir des matières premières brutes qui sont exportées. Les jeunes doivent avoir à la base l’esprit d’entrepreneur. Les opportunités existent. Prenons l’exemple de tout ce qu’il y a eu comme transformation dans la téléphonie et l’internet. Les jeunes sont très dynamiques dans ce secteur. La raison est que ce secteur ne demande qu’un savoir-faire à la base et très peu de financement. Mais dans les autres secteurs, notamment tout ce qui est transformation, il faut un minimum d’investissement. Les jeunes ne savent pas les opportunités qu’ils peuvent y avoir et comment y aller. L’esprit d’entreprise, c’est de voir une opportunité qui se dessine et de savoir comment la saisir. Et, les jeunes s’y intéressent à peine.

Parlez-nous de ce fonds. Combien de jeunes comptez-vous accompagner ?

Le fonds est mis en place avec ESPartners. C’est une société de consultance qui fait de l’encadrement de sociétés et qui leur apporte toute la connaissance dont elles ont besoin pour améliorer leur gestion et être en position de saisir certaines opportunités. Par exemple, nous encadrons un jeune qui fait du café instantané. Il le fait en petites quantités actuellement. Mais pour qu’il puisse gagner de l’argent, il faut qu’il augmente son volume. Et, cela demande un certain savoir-faire. Il doit rationnaliser les cycles de production et aussi toute la partie commerciale de son business. Pour aller à cette étape suivante, il a besoin d’encadrement et de financement. Une fois qu’il sera pris en compte, il atteindra une certaine taille et il sortira du projet. Nous utiliserons le retour sur investissement pour aider d’autres jeunes. Le modèle, c’est de passer d’une idée à un projet. Et c’est un schéma que les jeunes ne maitrisent pas encore.

Comment se fait la sélection, vu qu’il y a beaucoup de jeunes qui ont des projets ?

Nous avons des critères. Le critère de base est qu’il faut être dans un secteur à valeur ajoutée. Après avoir sélectionné le secteur, il y a un autre critère qui est l’esprit d’entreprenariat du jeune qui souscrit. Et, cela peut se détecter avec un questionnaire et des discussions avec lui. Mais généralement les jeunes sont organisés. Il ne leur manque que l’encadrement qui va leur permettre d’aller plus loin.

Pouvez-vous nous présenter la société NAS, dans laquelle vous avez un rôle important ?

National Aviation Services est une société koweitienne. C’est une société qui offre des services d’aéroport au sol. Nous nous occupons des bagages et de l’enregistrement lorsque vous prenez l’avion. NAS, qui avait eu un certain succès au Koweït, a décidé d’aller à l’international. En Egypte, NAS gère le handling de l’aéroport de Charm el-Cheikh. NAS gère également d’autres aéroports dans des pays africains. C’est le cas de la Côte d’Ivoire où NAS a la concession pour gérer tout ce qui est service au sol de l’aéroport d’Abidjan. NAS a pour ambition de se développer en Afrique. J’ai travaillé pendant une vingtaine d’année au développement du commerce en Afrique en tant que président de la Banque africaine d’import-export (Afreximbank). J’ai trouvé le projet d’expansion de NAS en Afrique très intéressant. C’est ainsi que cette société m’a demandé d’être son consultant. Je suis special advisor de ce groupe pour le guider et l’aider à se développer en Afrique. A ce titre, je suis Président du Conseil d’Administration de NAS Côte d’Ivoire. Je suis également membre du conseil d’administration de GLS NAS au Liberia. A Abidjan, en tant que PCA, mon rôle consiste à guider la direction générale et à aider aux rapports avec le gouvernement, puisqu’il s’agit d’une concession que le gouvernement octroyé à NAS pour offrir des services.

Je suppose que vous n’avez pas de concurrents ?

Non, nous n’avons pas de concurrents dans la mesure où c’est une concession de service public. Mais il y a des critères de performances et un cahier de charges qu’il faut respecter. Il faut également apporter un investissement important en équipements pendant la période de concession.

En Afrique, y a-t-il des entreprises qui fournissent ce genre de services ?

C’est un secteur concurrentiel parce que beaucoup d’entreprises souhaitent avoir la concession. La concurrence se situe au niveau de l’obtention de la concession. Elle se fait par appel d’offres et c’est le gouvernement qui décide. Quand vous participez à un appel d’offres, il faut être capable de montrer le type de performances que vous avez eu ailleurs. Et, dans ce cadre, la performance que NAS a en Côte d’Ivoire peut désormais être utile pour pouvoir soumissionner ailleurs qu’en Côte d’Ivoire. Partout où il y a un aéroport, généralement les concessions sont données à partir d’appel d’offres.

Parlez-nous du Libéria où vous venez d’avoir la concession ?

Nous avons eu la concession en novembre 2017 et les activités ont débuté.

Que représente NAS par rapport à l’ensemble du chiffre d’affaires du groupe ?

NAS en tant que ligne de service par rapport au groupe est relativement important. Nous avons plusieurs aéroports en Afrique, dont celui d’Egypte, de Dar Es Salaam, le salon VIP de Casablanca, etc. C’est une activité qui est en forte croissance au sein du groupe. Je ne saurai vous dire ce que cela représente en termes de volumes par rapport au groupe lui-même. Mais, il y a beaucoup à gagner en termes de potentiels de croissance.

Quels sont les principaux services que vous offrez ?

Dans un aéroport, le premier service que nous fournissons, c’est l’enregistrement. Quand vous arrivez à l’aéroport d’Abidjan, c’est le personnel NAS qui fait tous les services d’enregistrement. Les bagages sont également de la responsabilité de NAS. Nous avons aussi des services qui sont directement fournis aux aéronefs. Par exemple le nettoyage de l’intérieur de l’avion. Nous dispensons aussi le transport des passagers entre le terminal et l’avion.

Un aéroport peut-il avoir ses propres employés pour effectuer ces services ?

Il y a des aéroports qui ont choisi ce type de mode opérationnel. Mais la logistique a en général des métiers bien spécialisés. Il est donc important de les confier à des professionnels de l’activité. Et beaucoup d’aéroports à ma connaissance procèdent ainsi.

Quelle est l’image de NAS ici en Côte d’Ivoire ?

Beaucoup de gens ont été surpris de voir une entreprise koweitienne dans la liste d’inscription d’intérêts pour la gestion d’un aéroport en Côte d’Ivoire. Les gens sont plus habitués aux entreprises françaises et européennes. Et, cela représente pour NAS un véritable challenge. La société devra démontrer son savoir-faire, ses compétences et donner un service de qualité. C’est dans la pratique qu’on verra les aptitudes de NAS dans ce domaine.

Quels sont les grands challenges que NAS devra affronter dans les années avenir ?

Il y aura une plus forte croissance du volume des passagers et du fret à l’aéroport d’Abidjan, qui a passé la barre des deux millions de passagers. Vu la croissance du pays, on doit s’attendre à ce que ces volumes augmentent. Et, le challenge de NAS sera d’être à la hauteur de cette croissance. Je peux vous dire NAS est très équipée pour y faire face.

Quels seront vos objectifs à atteindre dans les 2 ou 3 années à venir ?

Avec les succès enregistrés dans des pays comme la Côte d’Ivoire, le Liberia ou ailleurs, il y a une reconnaissance du savoir-faire de NAS. D’autres aéroports verront un intérêt à coopérer avec NAS. Il y aussi les services de VIP Land qui demandent à être un peu plus rationnalisés dans nos pays. Et là, NAS a un rôle à jouer parce que nous avons une expérience dans ce domaine.

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