Banque d’Affaires et Mobilisation de Capitaux en Côte d’Ivoire : Sirius Capital
Ismaël Cissé dresse un panorama du secteur de la mobilisation de capitaux en Côte d’Ivoire, et nous parle des différentes activités de Sirius Capital, une banque d’affaires spécialisée ainsi qu’une société de gestion et d’intermédiation agréée sur le marché de l’UEMOA par le CREPMF.
Interview avec Ismaël Cissé, Directeur Général de Sirius Capital
Quelles sont les tendances du secteur dans la sous-région et en Côte d’Ivoire ? Quel est l’apport de Sirius Capital dans ce secteur ?
La Côte d’Ivoire est la locomotive de la sous-région. Les tendances de la Côte d’Ivoire sont les mêmes que celles de la sous-région. Sirius Capital évolue dans deux segments : le secteur de la banque d’affaires et de la mobilisation des capitaux. Les investisseurs commencent à connaître la région. Ils veulent accompagner les entreprises en fonds propres ou en dettes pour financer les projets structurants. Même si les IDE ont régressé au cours des années précédentes, les tendances nous poussent à être optimistes. Toutefois, il y a des échéances électorales, comme celle du Sénégal en début d’année prochaine et celle de la Côte d’Ivoire en 2020, qui ont tendance à créer un peu de méfiance chez les investisseurs. En ce qui concerne la bourse, il y a beaucoup de chemin à parcourir. Nous sommes l’un des marchés les moins chers de la région parce que nous avons une baisse de 30% depuis le début de l’année. C’est une baisse qui ne s’explique pas par les fondamentaux de l’économie ou des entreprises qui sont sur le marché. C’est vraiment un sentiment d’investisseurs qui sont plutôt vendeurs et qui tirent pas mal le cours à la baisse. C’est un enjeu d’arriver à changer la philosophie du marché pour entrer dans une tendance inverse. Au niveau du marché primaire, nous avons quelques listings qui restent embryonnaires. Le marché manque de profondeur, ce qui freine un peu sa croissance. Il y a de nouveaux produits et le 3ème compartiment qui sont en éclosion et qui pourraient permettre d’approfondir le marché. La réglementation essaie de suivre. Nous essayons d’avoir de nouveaux produits à offrir aux investisseurs afin d’avoir un marché beaucoup plus dynamique. C’est vrai que nous voyons beaucoup d’investisseurs qui portent leur attention vers les marchés d’Asie. La distinction que je fais, c’est qu’avec cette tendance, il y a un infléchissement des IDE à destination de l’Afrique. Mais fondamentalement, les économies se portent bien. Par exemple, en Côte d’Ivoire, nous avons une croissance de 7.8% du PIB et une inflation contrôlée. Techniquement les marchés financiers ont une évolution qu’on ne peut pas expliquer. Elargir la base d’investisseurs et dynamiser le marché secondaire aideraient à rendre ce marché beaucoup moins manipulable et beaucoup plus prévisible en termes de tendance.
Que peut apporter le 3ème compartiment au marché ?
Il est important d’approfondir le marché avec de nouveaux produits et des titres en bourse. La taille de notre marché financier est estimée à 30% du PIB de la région. Alors que dans les marchés plus développés, nous arrivons à 70% du PIB. Ce troisième compartiment est l’une des solutions qui va permettre de rendre les capitaux accessibles à la grande majorité des entreprises qui sont des PME. C’est une initiative qui est en pleine éclosion. Il y aura la deuxième cohorte d’investissements qu’il faudra rendre plus souple, vu que la première cohorte traine toujours. C’est positif mais il faut dynamiser et fluidifier le processus parce que les PME ont moins de moyens que les grandes entreprises.
Quels sont les avantages concurrentiels de Sirius Capital ?
Dans trois ans, je me vois comme le Morgan Stanley de l’Afrique. Nous voulons avoir les meilleurs standards en termes d’accompagnement de professionnels. Nous voulons aussi être la référence régionale dans l’accompagnement des investisseurs et dans la structuration.
Notre vision, c’est de trouver d’autres alternatives de financement et de dynamiser la mobilisation de capitaux. Nous nous basons sur une approche très personnalisée du conseil financier. Nous cherchons à trouver des solutions et à innover quand c’est nécessaire. Nous proposons des solutions sur mesure pour les entreprises. Ce sont des solutions d’investissement et des solutions de mobilisation de capitaux. Et, c’est notre fer de lance. Nous croyons beaucoup dans ce volet de conseils stratégiques. Nous accompagnons les acteurs et nous leur apportons plus de valeur à travers les capitaux et les stratégies d’investissement qui sont à même de leur permettre d’atteindre leurs objectifs. C’est une belle opportunité que nous avons d’accompagner les acteurs mais de manière beaucoup plus personnalisée. Il y a des entreprises qui le font mais la couverture reste insuffisante. Par exemple, la clientèle institutionnelle est la base la plus importante d’investisseurs dans la région. Mais très peu d’entreprises institutionnelles ont une stratégie d’investissement précise qui permette aux différentes parties d’être accompagnées efficacement. Cela représentait l’une des préoccupations lors de nos échanges avec les différents acteurs. Le manque de profondeur du marché fait que nous ne sommes pas toujours à même de les accompagner adéquatement avec les produits existants sur nos marchés. Toutefois, avec le pari que nous avons pris, nous arrivons à structurer de nouveaux produits pour accompagner ces acteurs. Nous nous appuyons beaucoup sur l’expertise que nous avons acquise en ingénierie financière pour accompagner les acteurs sur le marché financier mais aussi hors marché financier. Par exemple, la plupart des instances institutionnelles ont aussi un gros portefeuille immobilier. Elles ont des actifs qui ne sont pas productifs. Le mieux serait d’avoir une approche holistique de leur gestion d’investissements. Il y a des marchés de capitaux qui sont une alternative viable. Nous tenons compte de leur situation patrimoniale et de leurs objectifs pour les accompagner sur le marché, en dehors du marché et au niveau stratégique.
Pouvez-vous citer des exemples d’opérations que vous avez menées ?
Nous avons accompagné un groupe financier qui faisait face à une nouvelle contrainte règlementaire de Bâle II-Bâle III qui lui imposait des restrictions en termes de structuration de bilan. Nous avons analysé la situation de leur bilan ensemble. Par rapport à la règlementation actuelle et aux nouvelles tendances, nous avons pu trouver des solutions, c’est-à-dire des levées de capitaux, que ce soit en fonds propres ou en emprunts subordonnés, pour renforcer leurs fonds propres afin de leur permettre de mieux faire face à la nouvelle réglementation. Nous avons analysé leur portefeuille de placements pour restructurer certaines participations et certains actifs afin de leur permettre de continuer à investir tout en répondant aux nouvelles normes qui sont rigides en termes de pondération de certaines classes d’investissement.
En termes d’emprunt, quelles sont vos visions ?
En termes d’emprunt, notre vision, c’est d’accompagner la mobilisation des capitaux. Nous venons de boucler notre troisième emprunt obligataire pour l’Etat de Côte d’Ivoire qui a été couronné de succès. Nous allons aussi vers les produits innovants. Nous avons été co-chef de file dans un emprunt de sukuk pour l’Etat du Mali. Nous sommes vraiment à l’écoute et nous cherchons à apporter d’autres alternatives de financement aux institutions publiques et privées. Nous avons pu, au cours des deux dernières années, mobiliser 200 milliards de Fcfa à l’attention de différentes entreprises publiques et privées. Nous arrivons à élargir la base d’investisseurs et à trouver des solutions concrètes de financement pour les acteurs de la région.
Quels sont les projets sur lesquels vous travaillez en ce moment ?
En termes de projets actuels, nous mettons l’accent sur trois volets. Au niveau du volet conseil, nous voulons arriver à renforcer notre équipe pour être à même de répondre aux besoins de notre clientèle qui devient de plus en plus exigeante et qui a besoin de professionnels avec un background le plus transversal possible. Ensuite, nous travaillons à diversifier la base d’investisseurs qui se tourne vers notre zone. Nous travaillons sur un projet pour mobiliser les capitaux auprès de la diaspora et d’autres fonds d’investissement qui ne sont pas encore actifs dans notre région. Cela fait partie de notre stratégie. En termes de projet, nous misons beaucoup sur la technologie. Nous développons une plateforme qui a pour objectif de faire la promotion de la culture boursière et de faciliter l’investissement en bourse pour le grand public. Parce que force est de constater que la bourse est l’apanage de la clientèle institutionnelle, des fonds de pension et des compagnies d’assurance. Le défi que nous avons à relever, c’est de faire de la bourse un outil d’investissement pour le grand public. Et cela ne se fera pas sans la technologie et le mobile. Nous travaillons de manière assez agressive sur la mise en place de solutions qui marchent et qui ont fait leurs preuves sur d’autres marchés afin de les mettre à la disposition de nos clients.
Quels sont les principaux challenges auxquels vous faites face ?
Dans un premier temps, l’environnement réglementaire ne nous permet pas d’innover comme nous le souhaitons. Sachant l’ampleur du défi que nous avons en termes d’approfondissement du marché, il nous faudrait arriver à sortir de nouveaux produits qui répondent aux besoins de différentes classes d’investisseurs. Il y a également l’enjeu des ressources, de la transparence et de l’accès à l’information auxquels nous faisons face. Nous devons accompagner les PME du 3ème compartiment, et pour les accompagner, il va falloir avoir des échanges d’informations dynamiques entre les différents acteurs pour pouvoir mieux juger de leur capacité à mener leurs projets et être à même de recevoir des capitaux d’investisseurs.
Que sera Sirius Capital dans les trois à venir si vous arrivez à mettre en place tous vos projets ?
Dans trois ans, je me vois comme le Morgan Stanley de l’Afrique. Nous voulons avoir les meilleurs standards en termes d’accompagnement de professionnels, qui sont de plus en plus exigeants. Nous voulons aussi être la référence régionale dans l’accompagnement des investisseurs et dans la structuration. A échéance, nous devrions pouvoir mettre notre empreinte sur tout ce qui est dynamisation de mobilisation de financements dans la région.