Groupe BNP Paribas: Présentation de BICICI en Côte d’Ivoire
Notre stratégie est de capitaliser sur les segments où notre expertise est reconnue, sur la grande clientèle. C’est également de descendre d’un cran et d’aller sur le marché des PME. Bien entendu en ne sacrifiant pas notre politique des risques.
Interview avec Yao Kouassi, Directeur Général Adjoint de BICICI (Groupe BNP Paribas)
Que pensez-vous de l’économie de la Côte d’Ivoire en ce moment? Quelle est votre vision?
Je pense qu’il n’y a pas de secret, après la crise, le gouvernement qui s’est mis en place a fait ce qu’il fallait faire pour redynamiser l’économie et les choses sont bien reparties, depuis 3 ans, nous observons une croissance soutenue de l’économie, aujourd’hui on parle d’une croissance de 9%, avec un objectif de plus de 10 %, en 2015 voire dans les années suivantes, ça c’est réel, c’est palpable.
Le seul hic que nous avons est que cette croissance a été tirée par les investissements publics. Le secteur privé n’a pas encore pris le relais pour accompagner de façon solide cette croissance. Je pense que le seul regret que je pourrais indiquer est celui-là. Ce sont seulement les investissements publics avec les grands travaux d’infrastructure. Il y a eu certes quelques entreprises qui ont réalisé des projets importants, mais notre attente est restée un peu déçue de ce point de vue.
Nous avons espoir que dans les mois à venir les choses vont repartir de manière plus significative, puisque d’après les contacts que nous avons avec notre clientèle, la plupart de ces clients ont de grands projets, pour des volumes extrêmement importants, mais malheureusement la mise en œuvre de ces projets prend un peu plus de temps, mais nous avons bon espoir, dans les mois ou les années à venir, de voir s’accélérer les progrès de ce point de vue.
De quoi a besoin le secteur privé pour arriver à se développer vraiment?
Je pense que de ce point de vue beaucoup de choses ont été faites. Le climat des affaires a été pas mal travaillé par les autorités, il y a la dimension juridique qui est à parfaire, du point de vue de la fiscalité d’importants efforts ont été faits par le Gouvernement, il y a eu le doing business qui a permis de remettre à niveau un certain nombre de règles de base, qui motivent les investisseurs à prendre des positions dans notre pays. De ce point de vue des pas significatifs ont été faits.
Mais la grosse attente reste malgré tout encore l’appareil judiciaire, les investisseurs attendent toujours que lorsqu’ils placent leur argent dans un pays, le droit soit dit, lorsqu’il y a des difficultés. Je pense que c’est l’un des points d’amélioration sur lequel il faudrait que les autorités travaillent pour accélérer la venue des investisseurs étrangers.
Mais je sais qu’eux-mêmes en ont pris conscience, ils y travaillent. Nous-mêmes, au niveau de l’Association Professionnelle des Banques, nous y avons également travaillé, nous avons sorti un livre blanc, que nous avons remis aux autorités, qui l’ont exploité.
Il y a un certain nombre de recommandations contenues dans ce livre blanc qui ont été mises en œuvre, et nous continuons à travailler avec les autorités pour améliorer davantage le climat des affaires sur ce point précis.
Que peuvent faire les banques pour s’améliorer vis-à-vis des entreprises, donnez-moi votre vision globale du secteur bancaire, on parle d’un secteur bancaire fortement concurrentiel, avec une faible concentration, quel est votre point de vue là-dessus?
Je crois comprendre dans votre question que vous souhaitez savoir comment nous pouvons aller plus loin dans ce que nous faisons. Je pense que fondamentalement, le problème que nous avons dans ce marché est qu’il faut que nous arrivions à faire évoluer le mode de consommation de la banque par les usagers du service bancaire.
Aujourd’hui la banque se consomme dans l’agence. Ce qui contraint les banques à ouvrir les réseaux, des agences tous azimuts qui coûtent excessivement cher, il faut le reconnaître. Une agence bancaire c’est au minimum 300 millions, qu’il faut rentabiliser. Tout ça fait que le rythme ne peut pas être aussi soutenu que ce qu’on aurait souhaité.
Je pense qu’on peut s’inspirer de ce qui se fait sous d’autres latitudes. Quand vous allez en Europe aujourd’hui, très peu de gens vont dans une agence bancaire. Ils ont la banque à travers l’ordinateur, etc. C’est ce mode de consommation de la banque qu’il faut réussir à introduire sur notre marché. Et cela nous permettra d’accélérer la bancarisation du pays.
Si l’on suit le schéma classique d’ouverture d’agence, on aura du mal à y arriver. On y arrivera probablement, mais ça prendra du temps.
Si nous arrivons à sortir le client de l’agence bancaire, je pense que les choses peuvent s’accélérer. Mais pour cela il y a des priorités. Il faut que la question de la fracture numérique soit réglée, que l’internet soit accessible à tout le monde, quel que soit le point de vente de ce pays, je sais que les autorités y travaillent puisqu’il y a un réseau de fibre optique qui est en train d’être déployé, mais tout cela prend du temps et fait qu’on n’arrivera pas à suivre la cadence comme on aurait souhaité.
A la limite il faudrait presque aller plus lentement et s’appuyer sur le Gouvernement qui va développer la fibre optique pour ne pas ouvrir autant d’agences.
Tout à fait. Le rôle du Gouvernement, c’est de mettre en place les infrastructures de base. Que la couverture Internet soit étendue à l’ensemble du pays, et partir de là, notre responsabilité à nous banques, ce sera d’être suffisamment imaginatif pour rebondir sur ces infrastructures mises en place pour attirer la population vers le secteur financier.
Cela peut se faire par la mise en place de produits avec reconnaissance vocale, digitale, etc., parce que nous avons une bonne frange de population analphabète qui ne sait pas écrire, donc il faut les attirer tous, et notre responsabilité est de tenir compte de tout cela et de monter des produits compatibles avec la culture de la population.
Venons-en maintenant à la partie concurrence et secteur bancaire, qu’en pensez-vous?
Elle est salutaire, mais à condition qu’elle soit saine. Aujourd’hui je ne vous cache pas que nous commençons à atteindre des niveaux qui peuvent effectivement inquiéter à terme. Aujourd’hui on arrive à avoir des financements à 3%, ce qui était totalement inimaginable il y a 5, 10 ans. C’est pour cela que souvent, lorsque nous entendons des critiques du style le crédit est trop cher, tout tient à l’évaluation que nous faisons de notre risque, évidemment une grosse multinationale sur laquelle notre risque est parfaitement bordé, on peut se permettre de lâcher de la marge. Mais sur les entreprises ayant des ressources plus faibles, nous sommes amenés à faire un peu plus attention. Ce qu’il faut craindre, c’est que cette concurrence nous amène à faire du dumping, et qu’à terme cela fragilise un certain nombre de banques.
Les plus grosses banques auront le ressort pour pouvoir soutenir une telle compétition. Pour les plus petites, je pense que cela risque d’être plus compliqué. Le problème, c’est que si ça se complique pour les plus petites, ça peut ébranler le marché.
Autrement c’est tout à fait salutaire, parce que ça nous permet de nous remettre en question de façon constante.
Vous pourriez bénéficier de cette difficulté, parce que si les plus grosses comme vous vont survivre, elles vont acquérir les plus petites, donc vous allez sortir vainqueur finalement?
Je parle en tant que responsable et Vice-Président de l’Association Professionnelle des Banques. Mon intérêt n’est pas de sauver ma chapelle, c’est de sauver l’ensemble de l’édifice. C’est de faire en sorte que l’ensemble de l’édifice survive.
Mon propos est de dire qu’il faut que nous trouvions le bon ressort, pour que tout le monde continue à vivre et à exercer son activité.
En plus, à cette concurrence au niveau tarifaire, se superpose un nouveau travers qui est apparu récemment sur le marché, c’est que de plus en plus, les exigences en termes de garantie commencent à se relâcher. Ça c’est dangereux. C’est vrai que nous ne sommes pas des prêteurs à gages, mais il y a un minimum de sécurité qu’il faut prendre lorsque nous prêtons. Parce que vous vous souvenez que l’argent que nous prêtons n’est pas à nous, c’est l’argent des déposants. Notre responsabilité est donc de faire en sorte de pouvoir être payé en retour, pour pouvoir remettre l’argent à disposition des déposants.
Il y a un minimum de garanties à exiger. Or aujourd’hui, de plus en plus, les banques renoncent aux garanties et ce n’est pas bon.
Le Gouvernement demande d’accompagner l’économie, mais cela reste compliqué parce que les banques arrivent avec des fonds propres qui ne sont pas forcément très épais. Pouvez-vous développer sur ce sujet?
Oui. Ce que j’indiquais comme projets d’infrastructure, c’est au minimum 50, 70, voire plus, milliards de CFA. Nous exerçons un métier assez réglementé, puisque nous sommes obligés de tenir compte du niveau de nos fonds propres dans les tickets que nous prenons. Dans une saine gestion il ne faut pas mettre plus de 25% de ses fonds propres, sur le projet. On peut pousser lorsqu’il s’agit de signatures publiques de l’Etat, que nous considérons comme une signature infaillible.
Il y a également une règle, qui fait partie de la sureté financière, qui limite le volume global des crédits faits à des entreprises et à bénéficier de concours atteignant 25% des fonds propres de la banque. Tout cela est réglementé.
Cela veut dire que si nous voulons que les banques puissent prendre des positions plus significatives dans ces dossiers, il faut qu’elles-mêmes aient des fonds propres significatifs et que les tickets qu’elles prennent soient importants.
La deuxième chose, c’est qu’en ce qui concerne les projets d’infrastructure, logiquement ce n’est pas dans le scope des banques commerciales ordinaires que nous sommes. C’est plutôt dans le scope des leaders five, c’est leur matière de prédilection.
En revanche on peut être imaginatif et accompagner ce type de projet en faisant des montages, où la banque commerciale va prendre des tickets jusqu’à 5 ans, 7 ans, et puis après le relais est pris par les leaders five, c’est un montage que l’on peut faire.
Pour qu’on puisse faire tout cela de façon visible et significative il faut qu’on ait des acteurs robustes. On ne peut pas se contenter d’être squelettique et d’accompagner de façon visible l’économie.
Voilà pour ce qui concerne les grands projets de l’Etat. L’autre attente du Gouvernement, c’est que les banques accompagnent les PME. Nous y sommes sensibles, nous sommes condamnés à le faire, parce que les grandes signatures aujourd’hui du fait de la concurrence sont discutées par toutes les banques. Et les marges de ces grandes signatures deviennent extrêmement faibles. Donc la profitabilité des banques ne pourra être générée que par le concours que nous pourrons apporter aux PME, sur lesquels nous avons des marges plus significatives, parce que les risques sont plus importants.
Pour qu’on puisse y aller, il y a un certain nombre de préalables. Le premier est qu’il faut qu’on ait des acteurs crédibles, donc qu’il y ait une gouvernance qui rassure. Deuxième chose, il faut que nous ayons des acteurs qui aient une surface financière qui soit compatible avec les normes éditées. A titre d’exemple, et ça fait partie des sujets sur lesquels la Banque Centrale travaille activement, les normes fixées par la Banque Centrale en matière d’accord de classement, fixent le ratio de solvabilité à 20% de façon indifférenciée pour toutes les entreprises.
Il est difficile de mon point de vue, de demander à une petite PME intervenant dans le commerce d’avoir 20% de solvabilité, c’est énorme. Donc ce que nous essayons de plaider, c’est que cette norme soit ajustée à la spécificité des PME, cela peut aider le système bancaire à aller plus loin.
L’autre point, c’est la question des garanties. C’est un sujet sur lequel nous avons déjà travaillé, au milieu des années 90, c’est un consultant de l’Union Européenne qui avait été détaché pour venir travailler sur la question, pour chercher à comprendre pourquoi les PME ont du mal à se faire financer par les banques. Au terme de cette étude à laquelle j’avais participé pour le compte de l’Association Professionnelle des Banques, il y a 3 raisons fondamentales qui avaient été identifiées. La première raison c’était la question de la gouvernance, dont j’ai parlé, la deuxième raison c’était la question des garanties. Et la troisième raison c’était la question du financement des crédits aux PME. Sur la question de la gouvernance, je vous disais que le taux de mobilité des PME est élevé dans notre pays, parce que la réalisation ne suit pas toujours, la difficulté à élaborer notre documentation financière, parce que le banquier ne s’appuiera que sur une documentation financière pour évaluer son risque. Ce sont des choses approximatives qu’il fallait traiter, et pour le traiter il avait été préconisé à l’époque la création d’une structure d’encadrement des PME. Ça a été créé, ça s’appelait à l’époque l’ASE, Appui et Services aux Entreprises. Et les banques avaient toutes pris des participations, avaient des sièges au Conseil d’Administration. Malheureusement, pour des raisons que personne n’a comprises, l’ASE n’a pas fait long feu.
Le deuxième levier était la question de la garantie. Le sujet était de voir comment mettre en place un fonds de garantie pour accompagner les crédits aux PME. Il y avait également plusieurs organismes de coopération bilatérale, la coopération Belge, Canadienne, etc., qui étaient candidates pour contribuer au financement de ce fonds de garantie aux côtés de l’Etat de Côte d’Ivoire. Malheureusement cela non plus n’a pas abouti, encore moins le compte de mobilisation mis en place.
Depuis 20 ans, 30 ans, on répète la même chose sans véritablement y arriver. Mais je crois que les autorités actuelles ont pris le sujet à bras le corps et les choses sont en train de se mettre en place. Déjà il y a le fameux plan Phoenix qui a été arrêté par le Gouvernement, qui va permettre de fixer les ambitions du Gouvernement. Il sait où il veut aller et ce qu’il veut faire.
Derrière, le secteur privé également essaie de jouer sa partition, puisqu’au niveau de la CGECI, la Confédération Générale des Entreprises de Côte d’Ivoire, il y a un projet de création de fonds de garantie qui est en cours et qui va permettre d’accompagner les banques dans les financements de ces PME.
Il y a d’autres solutions, il y a les fonds d’investissement qui commencent à venir, mais je pense qu’il faudra qu’en interne, ça fait partie des sujets sur lesquels nous allons probablement discuter au niveau des commissions techniques, au niveau des patronats, voir dans quelle mesure un fonds d’investissement local, pourrait être mis en place pour aider à consolider les fonds propres de ces PME. Je pense que cela va être de véritables arguments pour aider à financer ces PME.
La Banque Centrale travaille également sur la question du refinancement avec des avantages en matière de consommation des fonds propres lorsque les banques financent les PME, donc tout cela mis ensemble devrait de mon point de vue contribuer à améliorer les choses.
Il restera un dernier point qu’il faudra adresser, je pense que ce sujet n’est pas suffisamment pris en compte à ce jour, aujourd’hui on entend beaucoup de critiques sur les banques, elles ne financent pas les PME, mais à plusieurs reprises, j’ai reçu des clients disant j’ai un projet, pouvez-vous m’accompagner ? Quand vous commencez à le questionner vous vous rendez compte qu’il n’a qu’une idée, mais une idée ce n’est pas un projet, la banque ne sait pas financer une idée, elle sait financer un projet. Donc ce qu’il va falloir faire, c’est trouver un canal pour aider le porteur de projet, ceux qui ont des idées, à les convertir en projet digeste pour les banques. Et je pense que là, véritablement, nous allons commencer à faire du bon travail.
Sur le même sujet, vous apportez des solutions pour aider ces PME, je vais parler d’avantages concurrentiels, que faites-vous de plus pour ces PME?
Nous avons fait un mapping de l’écosystème, pour voir où se trouvent nos risques. Une fois qu’on a identifié nos points de risques, nous avons recherché des solutions pour les adresser. Sur la question des risques et des garanties, nous avons conclu deux types d’accord avec l’Agence Française de Développement. Le premier type d’accord c’est une garantie de portefeuille qui permet de garantir 50% de crédit que nous faisons aux PME, mais il s’agit de garanties silencieuses, autrement dit le client ne sait pas que son crédit est garanti.
Notre stratégie est de capitaliser sur les segments où notre expertise est reconnue, sur la grande clientèle. C’est également de descendre d’un cran et d’aller sur le marché des PME. Bien entendu en ne sacrifiant pas notre politique des risques.
Le deuxième accord porte sur les garanties individuelles, qui permettent des crédits aux PME d’un montant plus significatif.
L’autre solution que nous avons trouvée de ce point de vue, c’était un accord avec la SFI, c’est une convention de partage des risques, où la SFI nous accompagne sur les crédits que nous faisons aux PME à hauteur de 45%. L’accord global avec la SFI porte sur un montant de 20 milliards.
A côté de cela, nous avons acquis la conviction qu’il faut trouver des produits qui soient plus spécifiques et plus adaptés aux besoins des PME. Le premier produit, au-delà des produits d’accompagnement classique, des crédits pour financer du working capital ou des crédits à moyen terme, vraiment classiques et qu’on retrouve partout, nous avons essayé de nous démarquer du marché en lançant depuis 2014 le produit d’affacturage sans recours, pour l’instant nous sommes les seuls en Côte d’Ivoire à le faire, en partenariat avec la COFAS, cela se passe très bien, nos objectifs initiaux sont largement dépassés et nous continuons à capitaliser là-dessus, nous avons également accéléré notre exhibition de crédit-bail, où nous sommes opérateurs de tout premier plan sur le marché Ivoirien.
Pour illustrer ce que je viens de vous indiquer, sur 2014 nous avons multiplié par 2 le volume de crédit-bail, consentis à la clientèle.
Est-ce que vous pouvez développer le crédit-bail? Qu’est-ce que cela apporte au client?
Le crédit-bail permet au banquier d’aider le client, je vous parle du crédit-bail mobilier, par exemple un client qui a besoin de s’acheter un véhicule de livraison, au lieu de mettre à contribution sa trésorerie pour financer ce véhicule, il va s’adresser au banquier, le banquier va acheter ce véhicule et va le louer. Le client paiera un loyer au banquier au lieu d’investir one-shot un montant plus significatif. C’est un produit potentiellement adapté aux PME, qui permet de les accompagner en souplesse. C’est de façon concrète une solution, je vous ai parlé de l’affacturage, c’est très simple, un client qui bénéficie de factures de ses propres clients, et ces factures, au lieu d’attendre 30 jours, ou 90 jours pour être recouvrées, le client va céder sa facture à la banque et nous lui versons la contrevaleur, moyennant une rémunération de la banque, et la banque se fait fort de recouvrer la facture à échéance.
La spécificité de l’affacturage sans recours c’est que le client n’a plus rien à voir avec la facture, qu’elle soit payée ou non ce n’est plus son problème, lui il a eu son argent. Ça devient l’affaire de la banque et du partenaire qu’elle a en face.
Ensuite il y a un autre produit que nous avons lancé il y a 2 ans, sur lequel l’équipe de la BICICI a remporté un prix au niveau de la division internationale de BNP Paribas, c’est une avance sur facture, qui permet de préfinancer les factures de nos clients et va leur permettre de continuer leur activité sans trop de stress.
Nous sommes en train de travailler sur une autre solution, cette fois-ci c’est le crédit-bail immobilier, qui va être de mon point de vue une solution assez structurante pour accompagner les PME, notamment celles qui ont des difficultés.
C’est prévu pour quand?
J’espère qu’on pourra le finaliser sur 2015, nous y travaillons.
Sur la stratégie de la BICICI à moyen terme, est-ce que vous pouvez nous dire, au-delà de 2015, 2016, quelle est votre vision de développement?
Notre stratégie, premièrement est de capitaliser sur les segments où notre expertise est reconnue, sur la grande clientèle.
Deuxième élément de notre stratégie, c’est de descendre d’un cran et d’aller sur le marché des PME. Bien entendu en ne sacrifiant pas notre politique des risques, c’est clair.
Troisième pallier, c’est d’accompagner les toutes petites PME, donc les professionnels, et les particuliers, notamment en développant un volet très important, le crédit à l’habitat. Comme vous le savez le Gouvernement a un programme extrêmement ambitieux de logement de la population. Pour situer les idées, on estime le déficit de logement en Côte d’Ivoire à un peu plus de 500 000 logements, et qui s’accroît de 50 à 60 000 logements par an. Nous souhaitons clairement prendre notre part dans cet accompagnement.
Le quatrième pallier, c’est de poursuivre notre politique de maillage du territoire en terme de couverture d’agences, mais en étant toujours constants dans notre logique, rentabilité. Nous considérons que chaque point de vente doit être rentable par lui-même, c’est la règle de base.
Sur les grands comptes, quels leviers avez-vous pour avancer?
Il y a les grands comptes historiques mais ça ne suffit pas toujours.
Sur ces grands comptes, en règle générale, ce sont les mêmes produits qui sont proposés par tout le monde. Les éléments de différenciation vont être le professionnalisme, la réactivité de la banque, la capacité de la banque à apporter des solutions qui vont assurer la clientèle. Ce sont des exemples tout simples. Sur le café cacao, nous sommes en Côte d’Ivoire, c’est le secteur de prédilection que tout le monde s’arrache, nous avons pris la décision d’aller un peu plus loin. Fin 2014 nous avons créé un desk commodities, avec tout un staff qui va prendre en charge tout le développement sur le secteur du café cacao, également sur le coton, le palmier à huile, l’hévéa, ainsi de suite. On va tout brasser, mais avec une approche extrêmement professionnelle. Et là je pense que nous avons un avantage concurrentiel sur nos compétiteurs, c’est le fait d’avoir un grand groupe comme le groupe BNP Paribas derrière nous, qui nous apporte toute l’expertise du groupe en la matière.
Je ne vous cache pas que sur des sujets spécifiques, nous avons des ingénieurs métiers du groupe qui viennent nous soutenir sur certains sujets.
Quel est votre message global par rapport au développement de la Côte d’Ivoire dans tous les secteurs d’activité et notamment dans le secteur agricole? Vers où la Côte d’Ivoire doit se projeter pour sortir vainqueur de la compétition et pour le développement du peuple?
Je crois qu’il y a un point important, qu’il va falloir que nous traitions, c’est de travailler sur la capacité des Ivoiriens à aller au-delà de la richesse matérielle et donc sur l’intellect. Je pense que ce sera un élément important demain. Vous avez parlé de l’anarcade, du coton, de l’agriculture en règle générale, les banques financent ces différents secteurs, mais quel est le pan du secteur d’activité que nous finançons? Pour l’instant, nous nous limitons au négoce. Mais la production nous ne la finançons pas, tout simplement parce que le niveau de sinistralité à ce niveau est tel qu’on ne peut pas y aller pour l’instant.
Il va falloir travailler à organiser les gens, mais surtout travailler sur la mentalité, pour que les gens comprennent qu’un crédit, ça se rembourse.
J’ai reçu une mission de la SFI dans ce bureau il n’y a pas très longtemps, pour voir comment on pouvait monter ensemble un schéma de financement de coopérative agricole. Je leur ai expliqué que, j’en suis à ma 29ème année de présence dans le secteur bancaire, toutes les positions que nous avons prises sur les coopératives se sont terminées par des contentieux.
Tout simplement parce que le mode d’organisation est loin d’être sécurisé, c’est un peu comme une bulle. A un moment donné la bulle explose et vous n’avez plus d’interlocuteur en face. Justement parce que les gens n’ont pas intégré la notion de responsabilité vis-à-vis du crédit qu’ils contractent. Un crédit, quand on le contracte, on le rembourse. Il faut qu’on arrive à organiser mieux les gens, qu’on travaille sur les mentalités, que le civisme soit développé dans ce pays. Ca on le voit partout, prenez la circulation en ville. Les gens vont à contresens, etc. Très peu de gens respectent les choses et je pense que le plus gros effort qu’il faudra que les autorités fassent, au-delà de la création des richesses, ce sera celui de créer un peuple où véritablement le civisme prend pied.
Ce que je dis peut être répliqué dans les différents secteurs d’activité, je vous ai cité l’agriculture, vous prêtez de l’argent à un planteur, vous avez du mal à le récupérer derrière. Je peux vous citer des exemples très simples. Dans le secteur de l’hévéa, du palmier à huile, on a des producteurs individuels, qui vont livrer leur production à des grandes sociétés, lesquelles leur paient leur pécule chaque mois. Sur la base d’engagements, de domiciliation, etc., délivrés à la banque, la banque a été amenée à faire des crédits à ce planteur. Le problème c’est que pour que l’entreprise vous verse des revenus, le produit de la vente, il faut que le planteur ait livré sa production. Le problème est que dès qu’il a eu son crédit il va livrer au voisin. Il ne livre plus à la première entreprise. Résultat, vous vous retrouvez avec des sinistres, et tout cela n’est pas suffisamment engageant pour accompagner. On en revient toujours à cette question du civisme.
Je pense que c’est quelque chose qui doit être intégré, je ne sais pas comment.
Est-ce que par rapport aux investisseurs étrangers, vous avez quelque chose d’intéressant, où la Côte d’Ivoire peut amener quelque chose de positif, où l’investisseur peut être intéressé? Est-ce qu’il y a un gap à exploiter?
Je pense qu’il y a énormément de choses. Voilà un pays où il fait chaud, il pleut tout le temps, vous pouvez faire pousser du riz sur le moindre mètre carré, tout est à faire, le sous-sol est à peine effleuré. Tout est à faire dans ce pays. Beaucoup a été fait par les autorités mais le potentiel de croissance est encore énorme. Donc si j’avais un message à lancer, ce serait de dire, nos dirigeants ont pris la pleine mesure de ce qu’il faut sécuriser, un certain nombre de préalables, à mettre en place pour rassurer ceux qui vont venir. Les choses se font, c’est visible à travers les résultats obtenus, tout est visible. Même le chantier judiciaire dont je parlais tantôt a très fortement progressé, il y a le tribunal de Commerce qui est aujourd’hui opérationnel, etc., les choses sont en train d’avancer à grands pas.
Si j’avais un message à lancer ce serait de dire qu’il y a un eldorado qui est en train de se créer, et qu’il faut venir. Beaucoup a été fait, mais le potentiel de croissance est immense. Il y a encore beaucoup de choses à faire.