Interview avec Mamadou Konate, Directeur Général de La Poste de Côte d'Ivoire

Vous êtes en train d’attaquer un chantier énorme. Comment La Poste va-t-elle passer de sa compétence métier courrier vers quelque chose de plus logistique? Comment allez-vous mettre en marche ce grand projet?

Comme le monde change, La Poste va être obligée de se réinventer, de faire en sorte que des métiers traditionnels de courriers, nous évoluons vers un métier de logistique. Cette logistique peut être boostée par le commerce électronique, que nous faisons nous-mêmes, et que tous nos partenaires font, en s’appuyant sur la plateforme de distribution de La Poste. Ceci suppose que le personnel soit rajeuni, que ce soit un personnel plus orienté sur les résultats, sur les TIC, de sorte que toutes les entreprises de commerce électronique qui sont en Côte d’Ivoire, puissent s’appuyer sur la plateforme de distribution de La Poste, qui va connaître une amélioration sensible. Nous allons multiplier la cinquantaine de véhicules que nous avons par au moins 10. Nous allons émailler la ville d’Abidjan et nous allons amorcer une politique d’extension de notre réseau à l’intérieur du pays.

Aujourd’hui nous avons 192 bureaux de poste exactement, mais notre ambition c’est de nous rapprocher au plus près possible de la clientèle, pour justement faciliter cette distribution.

Que pouvez-vous dire à ces jeunes diplômés, à cette population qui est orientée TIC, pourquoi travailler à La Poste? Que peut leur offrir cette grande maison?

Ce que La Poste va leur proposer c’est d’abord la garantie de l’emploi, ceux qu’on a employés depuis des dizaines d’années, on ne les chasse pas comme ça, on leur offre la possibilité de partir dans des conditions très profitables. Ceux qui arrivent doivent être rassurés que le métier de La Poste peut se transformer, mais ne peut pas disparaître du jour au lendemain. On n’imagine pas dans le monde un pays où il n’y a pas d’activité postale. C’est une activité pérenne. Et puis, l’image que nous voulons donner, c’est que La Poste n’est pas en marge de l’évolution, parce que l’émergence dont on parle ne se fera pas sans La Poste. L’émergence prévoit une place très importante pour La Poste. Elle suppose des échanges accentués entre les Ivoiriens sur le territoire Ivoirien mais ça suppose aussi des échanges multi formes entre les Ivoiriens et ceux de la diaspora, et même les opérateurs économiques des autres pays. Tout ceci montre qu’il y a un lendemain très favorable pour le commerce transfrontalier, le commerce électronique. Vous pouvez commander par internet, payer avec votre carte de crédit mais pour recevoir l’article acheté, ce sera toujours par La Poste.

Même dans un contexte de numérisation à outrance, on a toujours dit que le cachet de La Poste fait toujours foi, mais pour tous les documents administratifs qui vont être dématérialisés, on a besoin d’un tiers de confiance et ce tiers, c’est La Poste.

Sur les pièces justificatives justement, est-ce que vous pouvez expliquer le partenariat que vous avez avec Aramex, qu’est-ce que vous offrez?

Comme je disais, on a besoin d’échanger avec l’extérieur et Aramex c’est un partenaire. Le produit que nous développons avec Aramex c’est Poste Express International. C’est un service qui nous permet d’envoyer au profit des opérateurs économiques de la place, des colis, des plis et tout autre document vers l’extérieur, dans un délai se situant entre 24 heures et 72 heures maximum, selon la destination finale. C’est un produit qui vient en soutien aux petites et moyennes entreprises et même aux grosses sociétés, dans leurs échanges avec l’extérieur. C’est un service de courrier express identique à d’autres concurrents.

Justement, en parlant de concurrents, quels sont vos avantages concurrentiels par rapport à de grandes multinationales, que pouvez-vous amener sur ce marché?

Sur ce marché, l’avantage que La Poste offre sur ce produit, c’est le prix. Nous nous situons nettement en deçà de ce que le concurrent propose et je pense que la meilleure façon de soutenir l’économie, c’est de proposer aux sociétés des tarifs concurrentiels, mais avec une qualité de service identique. En matière d’express, le plus important c’est la traçabilité. Avec notre partenaire, nous avons cette possibilité technique de permettre au client de suivre son envoi jusqu’à la livraison. A chaque étape il saura si son envoi a été livré ou pas et sinon, il saura la raison pour laquelle la livraison n’est pas encore faite. Ca peut être du fait des Douanes, ça peut être du fait de l’absence du client au moment où l’on s’est présenté, toutes ces informations sont renseignées chaque jour et le client a la possibilité d’accéder à ces informations.

Un autre service intéressant que vous êtes en train de mettre en place, c’est le service hybride, il y a aussi un partenaire étranger qui s’est associé à vous, qui est Marocain, est-ce que vous pouvez nous parler des avantages de ce service?

Après de longues études, La Poste a décidé de lancer 4 produits. Il y a le commerce électronique, le courrier hybride, ce matin nous venons de signer un accord par rapport à la machine à affranchir de nouvelle génération et nous avons aussi Trans Express.

En ce qui concerne le courrier hybride, c’est un courrier qui naît de façon électronique et qui se termine par une distribution physique. Les grands émetteurs de courriers, que ce soient les banques, pour les relevés de comptes, les sociétés d’eau et d’électricité, les assurances, la Direction Générale des Impôts, qui émettent beaucoup de lettres, celles-ci contiennent des données fixes et des données variables. A la fin de chaque cycle, la banque nous transmettra les données variables et ceci permet aux machines installées au centre national de tri d’imprimer ces documents, de les mettre sous pli et de les envoyer aux destinataires. Les banques nous transmettent les données sous forme électronique, ce qui nous permet de les imprimer et d’en assurer la distribution. C’est une activité qu’on a créée en accord avec un partenaire technique marocain, mais avec l’appui de l’Agence Nationale du Service Universel des Télécoms (ANSUT), qui s’occupe aussi de tout ce qui est service universel.

Quelle est votre vision stratégique à moyen terme, dans un ou deux ans? Qu’est-ce que vous souhaitez mettre en place?

Les 4 produits dont je viens de parler doivent tous être lancés avant la fin du premier semestre 2015. Courant 2016, nous allons lancer d’autres produits qui vont nous amener véritablement dans les TIC. Nous allons entrer dans la vente des unités de téléphonie et le processus est en train de se mettre en place. Nous sommes comme des opérateurs de téléphonie, mais sans en avoir les installations. Ces cartes où il y a des unités seront marquées La Poste. Il y a bien d’autres choses auxquelles nous pensons et qui verront le jour. Par exemple, après les cartes, nous allons lancer le portefeuille virtuel.

Parlons des machines à affranchir, les entreprises vont avoir leur machine, elles vont-elles-mêmes émettre, vous aller lancer un produit qui existe déjà mais qui est repoussé, c’est ça?

Exactement. Parce que la technologie évolue vite et les machines de nouvelle génération ont la particularité d’être livrées par nous au client, alors qu’auparavant c’est le client qui allait acheter sa machine auprès du fournisseur. Maintenant, c’est nous qui mettons les machines à leur disposition. Il s’agit de machines intelligentes qui pèsent le courrier quel que soit le format, le poids que vous mettez, la machine détermine le poids, le prix à payer, nous n’avons plus besoin de nous rendre chez le client pour aller relever, tout se fait automatiquement par la machine, et la facture est élaborée par la machine, sans que nous ayons à nous déplacer. Je crois que c’est quelque chose qui va énormément faciliter la vie à nos clients, ils n’ont plus à investir, c’est sur la production que le fabricant ou nous-mêmes, allons nous rémunérer.

Parlons de cet évènement qui va avoir lieu le 14 avril à Genève, la Conférence de l’UPU. C’est la Côte d’Ivoire qui sera présidente de cet évènement. Qu’est-ce que cela représente pour vous?

Après de longues études, La Poste a décidé de lancer 4 produits. Il y a le commerce électronique, le courrier hybride, ce matin nous venons de signer un accord par rapport à la machine à affranchir de nouvelle génération et nous avons aussi Trans Express.

La conférence stratégique se situe entre deux congrès de l’UPU (l’Union Postale Universelle). Les congrès sont des instances de grande décision. La conférence stratégique permet de faire le point sur l’application des décisions qui ont été prises au congrès avant le prochain congrès qui va avoir lieu à Istanbul.

La conférence stratégique est le deuxième évènement en termes d’importance, qui vient juste après le congrès. Cet évènement avait été prévu pour se dérouler en Côte d’Ivoire en Octobre 2014. Malheureusement du fait de la psychose générée par la fièvre Ebola, on a noté que les participants n’étaient pas motivés à venir à Abidjan. Malgré toutes les assurances que l’on a données, les états sont souverains, personne ne voulait prendre de risque. En accord avec le bureau international de l’UPU, nous avons décidé de déplacer cette conférence stratégique à Genève. Elle aura lieu les 13 et 14 avril prochains. L’UPU, malgré ce déplacement, a décidé de maintenir cette conférence sous la présidence de la Côte d’Ivoire. Elle sera placée sous le haut patronage du chef de l’Etat Ivoirien. Nous venons de l’apprendre, le chef de l’Etat sera représenté par le Premier Ministre, qui ira donc prononcer un discours au nom de la Côte d’Ivoire.

Cette réunion pose le thème du rôle de La Poste dans le développement des pays. Les différents sous-thèmes qui ont été arrêtés sont des thèmes d’innovation, d’inclusion et d’intégration.

Ce sont des thèmes forts, parce que que ce soit en termes financiers ou par rapport à l’activité postale tout court, La Poste se doit de répondre à ces besoins qui sont plus que nécessaires aujourd’hui. L’innovation s’impose. Il faut que La Poste se réinvente, qu’elle s’adapte à toutes les innovations à travers le monde aujourd’hui. Et il faut aussi que La Poste participe à l’inclusion, sociale d’abord, car grâce à La Poste, chacun peut avoir une adresse, sinon on est exclu de la société. Grâce à La Poste, quel que soit votre niveau de rémunération vous pouvez avoir un compte. C’est un facteur d’inclusion. Tous ces thèmes sont très importants et c’est autour de ces thèmes que les postiers vont avoir à réfléchir à Genève les 13 et 14 avril.

Si vous deviez lancer un appel, que souhaiteriez-vous mettre en avant? Quel serait le message important pour vous?

Ce qui me tient à cœur, c’est la volonté de La Poste, cette volonté impulsée par les hautes autorités ivoirienne, cette volonté de nous adapter aux changements. D’ailleurs à cet effet, en accord avec l’Union Postale Universelle, nous sommes en train d’étudier la possibilité de créer en Côte d’Ivoire et dans le milieu universitaire, ce qu’on appelle le bureau de Poste du futur. C’est un bureau qui est destiné à la jeunesse estudiantine, l’avenir de notre pays. Ce sont des jeunes très exigeants, leurs besoins sont très changeants. Le bureau que nous concevons pour cette jeunesse est essentiellement TIC. Un bureau où vous pouvez avoir toutes les commodités, en partant des cybers, à l’exposition de tout ce que vous pouvez imaginer qui peut intéresser la jeunesse. Ce sera le lieu par excellence, d’échange avec le monde extérieur, ce sera un bureau de convivialité et j’en passe.

Ce bureau est déjà conçu sur le schéma mais il reste à le réaliser et nous pensons que c’est un modèle qui va servir à tous les pays du monde, parce qu’aux dires des experts de l’UPU, ce bureau sera visité comme un véritable sanctuaire, on viendra le visiter pour le copier ailleurs.

Vous êtes les premiers à le faire?

Oui, nous sommes les premiers, il n’existe nulle part ailleurs et quand ce sera fait, je pense que nous devrons le démultiplier. L’idée est de faire en sorte qu’un bureau de Poste soit véritablement destiné au milieu dans lequel il est implanté. Dans le futur on n’aura pas forcément les mêmes activités dans un bureau de Poste sur un campus ou dans un bureau qui se trouve en plein marché. Les produits varieront en fonction des besoins de la clientèle visée, voilà le nouveau concept.